Comme l'avait dit humblement Xavier Bertrand lui-même à propos de sa propre carrière, il y a quelques années, si je monte c'est que le niveau baisse.
Deux pèlerinages familiaux, l'un au nord de Milan, l'autre en Normandie, m'ont dispensé de publier, et privé mes amis lecteurs du partage, d'une réaction à chaud, sur le second tour passionnel des élections régionales françaises. Livrons donc aujourd'hui une version de ces réflexions sans doute lestées d'un peu de recul.
Ne cherchons pas inutilement à nous satisfaire de la défaite de second tour de nos adversaires socialistes. Elle n'a pas suffisamment sanctionné leur nuisance. Et elle pourrait, malgré leur discrédit dans l'opinion, ne pas demeurer définitive.
La diversité des oppositions classées à droite est un fait. Hollande a jugé stratégique en vue de sa réélection, seule pensée coutumière à un élu républicain, de les scinder en deux blocs antagonistes, tirés chacun de leur côté par leur frange extrême et caricaturale.
Ainsi, telles listes arrivaient en tête dans 6 régions sur 12. Ce n'était pas pour rien le 6 décembre : ce n'est pas pour rien non plus, si le 13 décembre aucun essai n'a été transformé. La matière explosible reste intacte. Mais la mèche a été maniée maladroitement, en assortissant certaines positions sectaires d'une emphase contre-productive.
Ceci a d'ailleurs conforté leurs confrères en sectarisme, et néanmoins voisins. Ces gens semblent redécouvrir toute la nuisance dont étaient capables leurs prédecesseurs : "nous ne sommes pas morts, disaient-ils après la liquidation de la CED en 1954, puisque nous pouvons encore détruire."
Et, 60 ans plus tard, Hollande, méthodique destructeur du pays, se frotte les mains de telles surgeons.
Un jour plus lumineux pourrait poindre dès que les chefs de file imposés, les coulissiers et autres rédacteurs de programme coupés du réel, apprendront à ne plus se contenter de flatter le mécontentement structurel des électeurs, et à proposer enfin une vraie plateforme réaliste d'évolution de la France vers la liberté.
On observera aussi l'inquiétant glissement de l'aile gauche de la majorité présidentielle de 2012 vers un recours au vote communautariste.(1)⇓
Le cas de la Corse ne peut pas non plus être passé, comme le font négligemment les médias, par pertes et profits : après l'Italie, la Belgique, la Grande Bretagne et l'Espagne, la république jacobine se trouvera désormais en présence d'une contestation séparatiste qui s'est bel et bien emparée d'une région.
Sans vouloir comparer nos politiciens à Napoléon Bonaparte, on se souviendra aussi que c'est dans la retraite que les génies tactiques se révèlent peut-être plus encore que dans l'offensive. On cite ainsi classiquement sa campagne de France de 1814. En cela, donnée au départ pour vouée au désastre, la gauche qui détenait, à la seule exception sur de la droitière Alsace, la quasi totalité des régions continentales ancienne manière, se tire assez bien d'affaire.
Elle devait tout perdre, elle le méritait. Elle conservera cependant l'exécutif de 5 régions sur 12. Elle a, de plus, rappelé à ses électeurs que sa partie la plus critique, la plus turbulente, la plus engagée, celle qu'on nomme parfois la gauche de la gauche, ne peut survivre que satellisée par le parti de gouvernement. À remarquer quand même que dans les régions où elle s'est ralliée à la droite républicaine, elle perd tout.
Le Figaro au lendemain du second tour ne semblait pas mécontent. Il considère que "le PS subit un nouveau revers mais limite la casse". Peut-être aurait gagnée à imprimer que "le PS limite la casse mais il subit un nouveau revers".
Ne laissons pas au politicien nommé Hollande le loisir de transformer ce revers en répit lui permettant de construire sa revanche
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JG Malliarakis
Apostilles
- On lira ainsi sur le site de l'Institut d'Histoire sociale la chronique du 14 décembre "Extrême gauche : les régionales, "Ensemble" et la carte du communautarisme".