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La guerre occultée

La guerre a heureusement montré que, malgré les affirmations de ses contempteurs, le peuple français savait s'adapter à des conditions d'existence fort nouvelles pour lui. L'adaptation s'est manifestée, non seulement chez les combattants, acceptant héroïquement l'infernale vie des tranchées, mais encore dans la population civile dont l'initiative chaque jour plus ingénieuse et plus complète répondit à toutes les nécessités de la vie industrielle, agricole et sociale.

Gustave Le Bon.

Je ne suis pas bonapartiste mais j'éprouve peut-être comme Léon Bloy une drôle de sensation teintée de mégalomanie lorsque sont évoquées devant moi les énormes campagnes napoléoniennes qui ont permis à la France d'écraser son empreinte belliqueuse sur l'Europe entière. C'est un sentiment irrationnel car il paraît évident que la Révolution et ses suites césariennes ont provoqué des conséquences catastrophiques pour mon pays. Toujours est-il que l'histoire des épopées impériales est grandiose et que j'éprouve un certain plaisir à contempler mes amis grognards qui participent à des reconstitutions de batailles célèbres avec leurs uniformes, leurs canons, leurs poudrières et leurs parlers sans anachronisme. Et puis, après tout, ces comédiens, très franchouillards, rendent hommage à nos ancêtres qui avaient le goût de la grandeur parce qu'il ne leur restait plus que cela. Ces gens aiment faire de la figuration, ils y trouvent un plaisir enfantin et une camaraderie qui font chaud au cœur ; ils ne demandent rien à personne sinon qu'on les laisse tranquilles, attitude parfois irritante lorsque l'on sait que cette troupe de napoléoniens réunis pourrait prendre d'assaut n'importe quel bâtiment ou militer pour la France d'aujourd'hui, pour essayer, au moins, de la sauver du cataclysme, mais ils préfèrent vivre dans leurs rêveries. D'aucuns ont donc été surpris lorsqu'ils ont entendu les propos de différents ministricules de la majorité socialiste affirmant un peu partout que ces commémorations puaient le chauvinisme et l'intolérance et qu'il fallait supprimer toutes subventions aux organisations napoléoniennes. Véritables insultes mélangées à quelques rumeurs firent exploser de colère les grognards mimétiques que l'on toucha en plein cœur comme si on avait réveillé en eux un profond atavisme que le jeu de rôle ne pouvait plus étouffer. Des comédiens redevenus les hommes dignes de leur race devant l'ennemi mortel. C'est là que l'enseignement de Gustave Le Bon revint à moi comme pour éclairer le comportement de ces drôles de zouaves. Non précisément le célèbre Le Bon de la Psychologie des foules mais celui de la psychologie des peuples et des groupes, non celui de l'effervescence de la foule mais celui de la psychologie ancestrale et de l'altruisme "racial". Je me mis alors à consulter la bibliographie complète du fameux barbu et tombai sur Les premières conséquences de la guerre, Transformation mentale des peuples, un ouvrage paru il y a exactement un siècle en 1916.

Le réveil de l’instinct patriotique

Un détail suffisamment important pour moi pour que je décidasse de compulser ce livre qui pouvait m'aider à comprendre mieux encore l'ignominie de notre temps illustrée dernièrement par l'insulte des petits politiques en place faite à nos glorieux ancêtres et à la France. Et de m'assurer avec Gustave dès l'entame du livre que le rôle joué par toute la classe politique, ses discours cosmopolites incessants, son individualisme axiologique (posé en valeur suprême), sa volonté de désacraliser notre héritage collectif sont carrément œuvre diabolique tant ils s'opposent à la nature profonde de notre peuple. Il existe un atavisme dans le vieux peuple français ou gaulois qui ne correspond pas du tout aux idées reçues d'ailleurs colportées par des personnes qui ne souhaitent que la disparition de notre pays. Non, les Français ne sont pas des petits égoïstes, des petits jouisseurs jaloux du voisin, des individus insensibles à la communauté, indépendants, ombrageux. Ou du moins, ils ne le sont pas essentiellement et peuvent le paraître quand ils sont soumis à la griserie de croyances nouvelles qui font office de religion comme agissait sur eux le socialisme au début du vingtième siècle ou le nihilisme aujourd'hui. En 1914, les Allemands disciplinés par 50 ans de militarisme et d'industrialisation tous azimuts croyaient, dominateurs, - à l'instar des persifleurs de chez nous qui crânent avec leur antichauvinisme de beauf (les Français incapables, petits, gros, paresseux, disent-ils en éludant l'idéosphère dans laquelle ils vivent...) - que les Français étaient bien trop versatiles, trop inconstants, pas assez courageux pour mener une guerre moderne exigeant une organisation forte, une endurance extraordinaire et un don de soi inimaginable. Les Allemands n'allaient faire qu'une bouchée de ces petits Français qui souffraient, en plus de leur indolence, d'un socialisme qui avait envahi les esprits des prolétaires et des intellectuels résolus à faire la peau de la vieilles patrie réactionnaire. Les Allemands se félicitaient ainsi de l'idée (fort répandue et perçue comme la réalité) selon laquelle les Français auraient été plus contaminés encore que les Russes (qui tomberont en 1917 sous la force du mythe socialiste) par le marxisme (qui est un produit "allemand" et juif). La France devait sombrer, craquer. Elle aurait dû plier durant l'effort puis se briser selon les intellectuels et militaires allemands de 1914. Mais le phénomène "prévu" par l'ogre germain n'a pas eu lieu, bien au contraire. « La guerre nous a surtout montré que l’égoïsme collectif, c'est-à-dire l’égoïsme de la race peut, à certaines heures, devenir plus fort que l’égoïsme individuel. Si puissante en temps de paix, la poussée d'égoïsme individuel s'efface devant les impulsions ataviques représentant l'intérêt collectif d'un peuple. » Telle est, au fond, selon Gustave Le Bon, la grande différence entre la période de paix et celle de guerre. Dans la première, l'homme a une vie individuelle, dans la seconde, une vie collective.

La résurgence de l’altruisme

Mais cet altruisme, son intensité, ne dépend pas seulement de la guerre seule. Cette guerre doit s'inscrire dans un contexte particulier pour qu'elle puisse générer ce renouveau sociologique. Les Allemands ont ignoré que 1914 se distinguait fortement de 1870. Sous Napoléon III, l'esprit général était bien différent de celui de 1914. En 1870 nous n'avions guère que des victoires derrière nous. Celles de la Révolution et de Napoléon Ier, puis, sous Napoléon III, nos succès de Sébastopol et d'Italie. Sans doute, le Premier Empire s'était terminé par la défaite et l'invasion, mais tant de triomphes avaient précédé ces catastrophes qu'elles ne pouvaient engendrer aucun sentiment d'humiliation.

« En 1914, ce n'était plus la victoire, mais la défaite que nous avions derrière nous. Et une défaite qui, pendant quarante-quatre ans, avait pesé lourdement sur notre existence. Chacun sentit que nous étions en présence d'une volonté ennemie décidée à détruire la France et qu'un nouvel échec serait la fin de la patrie, l'esclavage définitif sous le pied de l'étranger. Du plus petit au plus grand, tous le comprirent et cette claire notion créa une mentalité imprévue. »

Cependant, ce véritable instinct de survie a longtemps été contrarié par des idéologues et des agitateurs, souvent   soudoyés, qui bercèrent d'illusions les Français leur faisant croire que l'irrationalité de la guerre en avait désormais fait une chose impossible. La guerre était perçue comme une chose du passé que le pacifisme postulé avait condamnée, disaient-ils. Beaucoup d'hommes de bonne foi reprirent pour la diffuser comme une religion ce pacifisme que la raison avait validé. Ce pacifisme (plus précisément l'idée du pacifisme) fut en outre défendu par les nouveaux disciples de Karl Marx qui postulèrent que ce n'était plus la patrie qui constituait le lien entre les hommes mais l'identité de condition socio-professionnelle. Les prolétaires d'Europe ne pouvaient se battre les uns contre les autres puisqu'ils étaient frères et que leur ennemi n'était pas l'autre national mais le bourgeois, le patron et le capital. Plus éloquente que les discours, l'expérience a prouvé que cette théorie était fondée sur une méconnaissance totale des lois de la psychologie. Avant d'appartenir à une profession, l'homme « appartient d'abord à une race et la voix de cette race est autrement forte que celle des intérêts professionnels ». On change facilement de profession, on ne change pas de "race". C'est justement pourquoi, dès la déclaration des hostilités, les intérêts de la patrie ont primé les intérêts de classes et s'y sont immédiatement substitués. Le problème principal résidait dans les actions délétères des socialistes et francs-maçons d'avant-guerre qui ont non seulement déboussolé les Français angoissés par une possible Finis Franciae inéluctable (l'Histoire le veut ! La raison le veut !) en les exhortant à faire appel à leur logique de Français pour combattre le bellicisme qui vivait en eux, mais ils agirent également contre les intérêts de la France, contre sa plus élémentaire défense, en affaiblissant sur un laps de temps considérable son armée d'un point de vue humain mais aussi sur le plan matériel. Une catastrophe qui coûta la vie à des centaines de milliers de nos Poilus sacrifiés sur l'autel du fantasme cosmopolite. Il faut ajouter que cet historicisme permit aux démocrates "humanistes" de gaspiller comme ils le voulaient l'argent public au détriment du budget militaire qui fut pendant 15 ans amputé d'au moins 30 % (50 % selon les besoins des services) de la somme qui aurait assuré le fonctionnement normal de la Grande Muette. « Où en, serions-nous aujourd'hui si l'âme des foules n'avait pas vu plus juste que celle des rhéteurs ? ». La déclaration de guerre par l'Allemagne et les menaces de destruction qu'elle impliquait pour la France suffirent à faire revivre instantanément dans les âmes l'idée de patrie, ou mieux, la rirent surgir de l'inconscient, où elle était ancrée, « même chez les pacifistes qui s'y croyaient soustraits ». Mais le mal avait été fait ! Nous manquions de canons, nous manquions d'obus, nous manquions de véhicules à cause de ces dégénérés que la république hors-sol avait laissés croître en nombre et avait aidés de toutes ses forces à s'emparer des postes administratifs et universitaires.

Le mensonge du pacifisme

La Gueuse se défendait bien notamment par l'entremise du Général André qui contrôla les catholiques, royalistes et nationalistes de l'Armée en les sacquant littéralement, en les empêchant de s'élever dans la hiérarchie, en les espionnant. Et c'est aussi à ce triste sire que l’on doit les coupes budgétaires dans l'Armée. Défendre la nation, il n'en saurait être question, préserver le pouvoir d'apatrides parasites était sa principale mission. Mais Gustave Le Bon insiste. Si ce sabotage véritable est possible, si même le dévoilement de l'affaire des fiches n'a provoqué aucune émeute, aucune révolte, aucune révolution, c'est bien parce que le mythe du pacifisme avait imprégné un trop grand nombre de cerveaux et que ces méfaits étaient considérés par la plupart des Français de l'époque comme de malheureux effets pervers d'un républicanisme, d'un pacifisme et d'un laïcisme qu'il fallait sauvegarder malgré tout. Le pacifisme n'est pas un deus ex machina. Il n'est pas non plus une création populaire. Il est bel et bien le produit d'une idéologie farouchement antinationale qui fait fi de toutes les réalités du moment et en premier lieu de l'esprit germanique qui meut un peuple énorme se sentant investi d'une mission divine et qu'il est impossible d'amadouer avec l'idée saugrenue d'une paix cosmopolite. Les philosophes allemands ont pénétré le peuple allemand et c'est dans leurs œuvres, notamment dans celles d'Hegel que fut élaborée la théorie du droit absolu de la force, d'où sortit la religion pangermaniste avec ses aspirations d'hégémonie universelle. Dans un autre ouvrage publié peu de temps après la fin de la Grande Guerre, Psychologie des temps nouveaux (1920), Le Bon veut montrer que les Germains n'ont pas changé, ni les élites françaises d'ailleurs toujours pacifistes, toujours convaincues non pas de l'inanité seule de la guerre mais de son élimination naturelle. Bref, rien n'a changé. Les élites françaises prônent déjà la fin de l'histoire quand les Allemands sont, légitimement, remontés à bloc. Les vulgarisateurs ne font d'ailleurs, en Germanie, que répandre les principes pangermanistes (en s'appuyant sur Treitschke et Lamprecht) et enseignent au nom du droit de la force que l'Allemagne doit conquérir de nombreux pays. Alors qu'en France le mythe du pacifisme revint en force grâce à une focalisation intellectuelle sur l'ignominie de la guerre et non sur celle de son impréparation, l'Allemagne reste imperméable à l'individualisme et aux notions de pacifisme et de droits internationaux. Les théories militaires et étatistes de l'Allemagne restent vivantes et sont l'antithèse absolue de la liberté individuelle défendue religieusement par la plupart des autres pays. Le bavardage républicain fut à nouveau le pire fléau du peuple français perturbé dans son instinct de survie. Aujourd'hui, malgré le chaos qui règne en France, les idées de liberté individuelle s'établissent d'abord pour les criminels et les envahisseurs ; le pacifisme absurde ne sert qu'au désarmement matériel et spirituel de la France. Loin de neutraliser les conflits qui viennent, il les rend, assurément, plus dévastateurs pour notre pays et plus meurtriers pour nos enfants innocents que les autorités refusent coûte que coûte de protéger.

François-Xavier Rochette. Rivarol du 16 juin 2016

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