Quand le chef de la DGSI prédit des “affrontements intercommunautaires”
« Je pense que nous gagnerons contre le terrorisme », a prédit en mai dernier Patrick Calvar devant la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015. Nous gagnerons, mais comment ? On ne sait pas vraiment. Certainement parce qu’encore une fois, nous sommes les plus forts. Mais le patron de la DGSI de troubler ensuite les esprits : « Je suis en revanche beaucoup plus inquiet de la radicalisation de la société et du mouvement de fond qui l’entraîne, poursuit-il. (…) Encore un ou deux attentats et cette confrontation adviendra. Il nous appartient donc d’anticiper et de bloquer tous ces groupes qui voudraient, à un moment ou à un autre, déclencher des affrontements intercommunautaires. »
Quels groupes ? Le chef des renseignements français évoque « une confrontation entre l’ultra droite et le monde musulman – pas les islamistes mais bien le monde musulman ». C’est bon, chef, on tient nos méchants. Ils sont fachos et ils veulent manger du bon musulman. L’invocation d’une menace imaginaire est un grand classique de tout Etat, policier ou non, totalitaire ou non, pour asseoir sa domination et se poser en protecteur de l’honnête citoyen. Sans remonter à la Révolution culturelle du président Mao, on pourra songer aux « lois scélérates » qui à la fin du XIXe siècle français prétendaient lutter contre la menace anarchiste. Que la droite soit aux affaires et elle brandit le spectre de l’ultragauche – ainsi du fameux « groupe de Tarnac » sous Sarkozy ; que la gauche prenne les manettes, et elle secoue l’épouvantail de l’ultra droite. C’est le jeu, un peu nul mais admissible, des institutions républicaines.
Ce n’est pas ici ce qui choque. Non, le vrai scandale dans ces propos provient de l’évocation de « communautés » présentes et recensées sur le territoire français, comme si c’était naturel dans une République qui fait profession depuis deux cents ans de ne reconnaître que des citoyens et des individus. Et encore ne s’agit-il pas dans ce fatras pas si innocent qu’il en a l’air, ni de communautés locales, comme l’on parlerait de Corses ou de Picards, ni de communautés religieuses, comme l’on opposerait catholiques et protestants. Non, il s’agit d’opposer aux musulmans, pris en bloc, des « groupes » qui constitueraient eux-mêmes une communauté, seulement réunie si l’on comprend bien par l’exaspération et « l’ultradroitisme ». [....]
Jacques de Guillebon
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