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Une situation extrêmement dangereuse

 C’est aujourd’hui, à Moscou, que le ministre russe  des Affaires étrangères,Sergueï Lavrov rencontre son homologue américain Rex Tillerson, six jours après les frappes de missiles tomahawks  contre une base aérienne de l’armée syrienne à Chayrat. Une attaque annoncée comme les représailles yankees au bombardement aérien chimique imputé sans aucune preuve aux forces gouvernementales dans la localité de Khan Cheikhoun, non  encore non libérée de l’emprise des milices islamistes. L’Afp le constate, c’est un climat de guerre froide qui s’est de nouveau installé entre les deux pays. «Le secrétaire à la Défense américain James  Mattis a déclaré hier qu’il n’y avait pas de doute  sur la responsabilité des militaires syriens loyalistes dans cette attaque au gaz ». « Un haut responsable de l’administration américaine s’exprimant sous couvert de l’anonymat – maniant classiquement l’inversion accusatoire, NDLR - avait accusé Moscou de semer la confusion  sur le rôle du régime syrien dans l’attaque chimique présumée pour tenter de mettre en cause les rebelles ou les djihadistes de l’organisation Etat islamique»… Ce qui est pourtant en effet  la piste la plus sérieuse et crédible. « Un autre haut responsable américain avait par ailleurs indiqué qu’il fallait poser aux Russes la question de leur éventuelle complicité dans cette attaques .» « Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont présenté au Conseil de sécurité un nouveau projet de résolution demandant la coopération du régime syrien dans une enquête sur l’attaque chimique. Le vote est prévu mercredi mais, selon des diplomates, la Russie devrait utiliser son droit de veto. Ce serait alors la huitième fois que Moscou se servirait de cette prérogative au Conseil de sécurité pour bloquer une action onusienne à l’encontre de son allié syrien  ».

Sur le site de l’Obs, Vincent Jauvert observe comme beaucoup que « la politique de Donald Trump vis-à-vis de la Syrie est en train d’évoluer à grande vitesse (…). Au point que l’on peut se demander si, en coulisses, Washington n’est pas en train de préparer une vaste opération pour renverser Bachar al-Assad.» Dimanche, l’ex gouverneur républicain Nikky Haley, ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU depuis fin janvier « a déclaré qu’obtenir le départ de Bachar était  l’une des priorités  du gouvernement américain. Lundi, (Le porte-parole de la Maison Blanche), Sean Spicer,  « qui affirmait il y a encore quelques jours encore que le sort d’Assad  importait peu  tant qu’il luttait contre Daech »,  « annonçait que le président Trump considérait désormais comme une ligne rouge non seulement l’utilisation d’armes chimiques, mais aussi les attaques aux bombes barils, d’usage quasi quotidien. »

Quant à Rex Tillerson, hier à Rome pour la rencontre des ministres des Affaires étrangères du G7, il serait « allé plus loin encore », en « (présentant) à ses homologues la position de la nouvelle administration américaine vis-à-vis de Moscou (…) selon le quotidien britannique The Guardian (…) il aurait déclaré qu’il allait présenter un ultimatum au Kremlin : Soit vous coupez vos liens avec Bachar al-Assad et vous bénéficierez d’un dégel des relations avec les Etats-Unis et donc, semble-t-il, d’un abandon de certaines sanctions ; Soit vous continuez à le soutenir et le leader syrien risque de connaître une fin à la libyenne. On se souvient que l’intervention militaire franco-britannique avait abouti au renversement puis à l’exécution du colonel Kadhafi.» On se souvient  surtout et on constate quotidiennement  que le renversement du régime en  Libye  comme celui de Saddam Hussein en Irak, Marine Le Pen le rappelait il y a peu,  ont conduit à un épouvantable chaos meurtrier pour les populations civiles concernées, déstabilisé toute la région, entraîné l’explosion de la menace terroriste et des flux migratoires en direction de l’Europe…

Certes à trop vouloir peindre sous les traits les plus abominables la République arabe syrienne, certains responsables américains se prennent les pieds dans le tapis. c’est le cas de Sean Spicer cité plus haut. Il a déclaré lors d’un point-presse que «Pendant la Seconde guerre mondiale, on n’a pas utilisé d’armes chimiques. Une personne aussi abjecte qu’Hitler n’est même pas tombée aussi bas que d’utiliser des armes chimiques (…) Je sais qu’il les a apportées dans les centres d’Holocauste. Mais je parle de la façon dont Assad les a utilisées, quand il est allé dans les villes et les a lâchées sur des innocents, au milieu des villes…». Des propos qui ont déclenché la colère de Steven Goldstein, directeur du centre Anne Frank aux Etats-Unis:  «Rien de moins que pendant la Pâque juive, Sean Spicer a nié l’Holocauste, la forme la plus répugnante de fake news possible, en niant qu’Hitler a gazé des millions de Juifs».  Pas en reste, le chef des démocrates de la Chambre des représentants Nancy Pelosi, s’est engouffrée dans la brèche: « Le principal porte-parole de la Maison Blanche minimise l’horreur de l’Holocauste».  «Sean Spicer doit être licencié, et le président doit immédiatement désavouer les propos de son porte-parole.»

Ce dernier s’est confondu en excuses, au cours d’un mea culpa public et médiatisé: «En toute franchise, j’ai fait par erreur un commentaire inapproprié et manquant de sensibilité au sujet de l’Holocauste et il n’y a aucune comparaison», «Je n’ai aucunement tenté de minimiser la nature terrible de l’Holocauste.». «Pour cela, je présente mes excuses. C’était une erreur de faire cela.»  Une erreur qui brouille aussi le message qui était (?) celui du président américain car si Assad est pire qu’Hitler, faut-il en conclure que la lutte contre l’ennemi   public numéro un, à savoir l’Etat Islamique,  n’est plus la priorité des priorités?

Sur le site Polemia , le Général Dominique Delawarde ( ancien chef Situation-Renseignement-Guerre électronique  à l’État-major  interarmées de planification opérationnelle) voit dans le limogeage par Donald Trump, au lendemain de la frappe sur la Syrie du 6 avril,  de son bras droit et ex-directeur de campagne Stephen Bannon, «  celui qui a assuré sa victoire à l’élection présidentielle », le signe  que  « Trump rentre, au moins provisoirement, dans le rang du système et tente d’acheter la paix avec les médias US en faisant allégeance à l’AIPAC (American Israeli Public Affairs Committee) ». « Alignant leur attitude sur celle de l’état hébreu qui applaudit sans réserve à cette superbe (?) initiative de Trump, les médias US, l’AIPAC, les néoconservateurs et même les démocrates conduits par Hillary approuvent avec enthousiasme cette frappe. En fait, Trump vient d’appliquer le programme politique de Bush et celui de ses adversaires néocons démocrates qu’il avait tant critiqué. Trump profite de cette pause dans les attaques menées contre lui pour faire confirmer son candidat à la Cour suprême Neil Gorsuch par le Sénat, très réticent jusqu’alors  ». Le général Delawarde en tire principalement comme  conclusion, que «  cette frappe US aux effets militaires quasi négligeables a été probablement réalisée pour des motifs de politique intérieure US. Il s’agissait pour Trump de tenter d’échapper au harcèlement politique et médiatique sur ses prétendus liens avec les Russes. Il a, au moins partiellement et temporairement, réussi son coup, en le complétant par le limogeage de son bras droit Stephen Bannon, probablement opposé aux frappes au sein du Conseil de sécurité national US ».

Le très clivant  Thierry Meyssan indique de son côté que « la Bolivie a même mis en doute (devant l’ONU)  l’existence de cette attaque (‘chimique imputée aux syriens loyalistes) qui n’est connue que par les Casques blancs, c’est-à-dire un groupe d’Al-Qaïda que le MI6 encadre pour les besoins de sa propagande. Au demeurant, tous les experts militaires soulignent que les gaz de combats doivent être dispersés par des tirs d’obus et jamais, absolument jamais, par des bombardements aériens .»

La grille de lecture de M. Meyssan sur l’attitude des Etats-Unis diffère (comme souvent) de celle de la plupart des observateurs. Il s’interroge sur la réalité du revirement de Trump : « si  Washington a changé de politique, pourquoi donc le secrétaire d’État Rex Tillerson a-t-il, au contraire, confirmé son déplacement à Moscou ? Et pourquoi donc le président Xi Jinping, qui se trouvait être l’hôte de son homologue états-unien durant le bombardement de Chayrat, a-t-il réagi si mollement, alors que son pays a fait par 6 fois usage de son veto pour protéger la Syrie au Conseil de sécurité ? Au milieu de cet unanimisme oratoire et de ces incohérences factuelles, le conseiller adjoint du président Trump, Sebastian Gorka, multiplie les messages à contre sens. Il assure que la Maison-Blanche considère toujours le président el-Assad comme légitime et les jihadistes comme l’ennemi. Gorka est un ami très proche du général Michael T. Flynn qui avait conçu le plan de Trump contre les djihadistes en général et Daech en particulier.»

Bruno Gollnisch le rappelait il y a quelques jours dans un entretien accordé à RT  l’invitant à  réagir à cette frappe américaine, ce qui est en tout cas certain c’est qu’il n’est jamais bon de jouer avec des allumettes près d’un baril de poudre:  « le bombardement des forces armées gouvernementales d’un Etat, hors de toute procédure internationale et sans enquête, cela me paraît être une réaction extrêmement rapide, brutale et susceptible de comporter du danger. » « Je vois qu’un certain nombre de gouvernements occidentaux s’alignent complètement sur la politique américaine. Je trouve que c’est une situation extrêmement dangereuse. On commémore le centenaire de la Première Guerre mondiale mais il ne faut pas oublier comment elle a commencé. La Russie a soutenu la Serbie, quand il y eu un attentat contre l’archiduc autrichien, puis l’Autriche et l’Allemagne sont entrées en guerre pour punir la Serbie. C’est comme cela que la guerre a éclaté. »

https://gollnisch.com/2017/04/12/situation-extremement-dangereuse/

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