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La Terreur : une forme de société

La Terreur est-elle connaturelle à la révolution ? Telle était la trame d’une conférence qui s’est tenue le 29mars à ICES (Institut Catholique d’Études Supérieures)  à la Roche-sur-Yon à l’initiative du COSH, l’Association des Etudiants Historiens Icéssienns, en ce centenaire de la révolution bolchévique.

Les deux intervenants, Reynald Sécher et Stéphane Courtois, ont décrit la mécanique implacable de la violence révolutionnaire indispensable à la création d'un « homme nouveau ».

Il faut assurément aujourd'hui en France l'espace de liberté qu'offre une université privée pour imaginer une telle table ronde. Robespierre et son lointain mais exact successeur, Lénine, ont encore leurs noms de rues et leurs monuments les Terreurs sanglantes sont achevées mais le mémoricide perdure.

Reynald Sécher est devenu un proscrit pour avoir osé donner à l’extermination systématique des Vendéens son nom de « génocide ». Stéphane Courtois qui avait pu profiter de l’ouverture des archives de l’ex-URSS pour réaliser un décompte scientifique du nombre des victimes du communisme s'est vu fermer l'accès aux documents dès son Livre Noir paru. Et comme il le montre dans Communisme et totalitarisme, publié en 2009, la Russie de Poutine réhabilite Staline.

D'un côté comme de l'autre, « il fallait assassiner les gens du passé ». C'était même, parce qu'ils étaient obsolètes, « le plus grand service qu'on pouvait leur rendre », explique Courtois à propos des persécutions, assassinats, tortures qui ont marqué la progression de Lénine dès 1917 Dans son œuvre abondante, la Terreur est une notion qui revient souvent : « On va exterminer, il faut exterminer ! » Les millions de morts du communisme soviétique ne doivent rien au hasard ils ne sont pas un dérapage imputable à Staline. Stéphane Courtois rappelle que la première année de la révolution bolchevique a fait deux fois plus de morts - entre 15 et 20 000 - que plus d'un siècle de « répression policière » sous les Tsars qui lors de violents soulèvements populaires entre 1810 et 1917, aura fait moins de 7 000 victimes. « On change d'échelle. »

Le phénomène est inévitable parce qu'on veut « régénérer l'homme » à n'importe quel prix, reprend Reynald Sécher. Pour lui, « la mécanique terroriste commence dès 1788 : on prépare les esprits à la soumission » par les violences qui éclatent cette année-là.

De même, confirme Stéphane Courtois, Lénine entreprend dès 1905 une course aux extrêmes à la tête de ses « jacobins prolétaires ». Mais une fois la révolution installée, va-t-on continuer de suivre l'exemple français ? Pas tout à fait en Russie, Lénine ne veut surtout pas d'une élection qui puisse compromettre la réussite de son projet et sa place à sa tête. « Il a compris que ce serait infernal - même Robespierre a été guillotiné », rappelle Stéphane Courtois. D'où la création, quasi immédiate, d'une police politique. Et le putsch, dès 1917, qui évite l'imminente élection d'une constituante au suffrage universel...

Ainsi les Terreurs et leurs grandes figures s'éclairent l'une l'autre légale : organisée d'un côté, en France, de l'autre, en Russie, autocratique, dirigée par le seul Parti communiste en Russie. Lénine a tiré avec application les leçons du passé. C'est tout l'intérêt de cette confrontation Secher-Courtois elle permet de dégager les traits communs, et les mises en œuvres diverses.

On saura gré à Reynald Sécher d'avoir montré comment en France, le vote de lois, la Terreur, l'exécution administrative avec ordres écrits et comptes-rendus dociles de la part d'exécutants chargés d'« exterminer » la Vendée non seulement ne contredit pas la Déclaration universelle des droits de l'homme mais en découle.

« L'arme de la Révolution française, c'est la loi, et sa base est la Déclaration des droits de l'homme. Les totalitaires parlent toujours de progrès de l'homme. Celui qui refuse le progrès est-il un homme ? S'il ne l'est pas il est hors-la-loi, et il tombe sous la loi des suspects, et perd donc sa personnalité morale et juridique », explique Reynald Sécher. En Russie, l'exemple a bien été compris, confirme Stéphane Courtois ceux qui s'opposent à la Révolution deviennent moins que des hommes - des animaux.

L'aspect commun aux deux Terreurs tient en un mot « sidération ». L’horreur de l'extermination passe par une dimension psychologique qui rend possible la mise en œuvre de la tuerie par milliers ou par millions.

Lors de la Terreur en France, on a « fracassé, sidéré, rendu complice » cela passe, rappelle Sécher, par des exécutions massives et publiques auxquels le peuple est contraint d'assister. Son silence horrifié, son absence de réaction suffit « On va pouvoir y aller ». Le XVIIIe siècle avait pourtant été d'un extrême raffinement...

En Russie, « la surenchère dans la cruauté est un des moteurs du processus révolutionnaire », répond Courtois. Là aussi, « il faut rendre le reste de la population complice par le "pacte du sang" en le faisant participer à l’assassinat collectif-procédé mafieux ».

Courtois et Sécher ne l'ont pas évoqué, mais on pourrait dire la même chose du génocide contemporain, le massacre des enfants à naître au service d'un homme nouveau sans conscience et soumis à la nouvelle morale des « droits » : chacun est rendu complice par la société et les dissidents sont socialement éliminés. D'une révolution l'autre...

Jeanne Smits monde&vie 6 avril 2017

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