Le Comité du Vieux Marseille, association de défense du patrimoine, vient de sortir une superbe plaquette de 194 pages sur l’histoire de la Canebière. Parmi celles-ci, quatre pages évoquent l’Action Française à propos de Jeanne d’Arc, surtout dans les années 30. Ces éléments de l’histoire de l’Action Française marseillaise intéressent les lecteurs de Lafautearousseau.
L’importance de Jeanne d’Arc
Après la Grande Guerre, la droite prit l’habitude de se montrer dans la rue à l’occasion de la fête de Jeanne d’Arc.
Des hommages avaient commencé, avant 1914, souvent à l’initiative de l’Action Française. Après avoir été béatifiée en 1909, la libératrice d’Orléans fut canonisée le 16 mai 1920. Deux mois plus tard, le 10 juillet, une loi votée par les députés et sénateurs (et toujours en vigueur) instaurait « la fête nationale de Jeanne d’Arc et du patriotisme », le deuxième dimanche du mois de mai.
Chaque année, pour une journée, le centre-ville et surtout la Canebière furent ainsi occupés par le cortège d’un grand nombre d’associations religieuses et politiques de droite.
L’exemple du cortège du dimanche 10 mai 1935, tel qu’il est décrit par Le Petit Marseillais, Le Soleil et L’Action Française, montre comment on l’avait organisé et qui furent les participants. En tête, après la fanfare, venaient les porteurs des fleurs offertes par le Comité des Fêtes de Jeanne d’Arc, présidé par Dominique Piazza, le créateur de la carte postale illustrée. Puis, ce fut le tour des jeunes sportifs des patronages et des scouts. La partie catholique se terminait avec les groupes de travailleurs chrétiens, après qu’eurent défilé des délégations d’anciens combattants et d’officiers de réserve. La seconde partie comprenait les « groupements nationaux », c’est-à-dire les partis politiques nationalistes. On aperçut Solidarité française et les Jeunesses Patriotes de Francis d’Azambuja, mais on remarqua surtout le gros des troupes, constitué par les royalistes de l’Action Française. Ils suivaient le commandant Louis Dromard, président de la fédération provençale, et l’amiral Antoine Schwerer, président national de laLigue d’Action Française, de 1930 à 1936, venu à Marseille assister au Cinquième congrès de la fédération, prévu ce même jour. Parmi les adhérents, se distinguaient les Dames et Jeunes Filles Royalistes, l’Association Marius Plateau (anciens combattants), les étudiants d’AF et les Camelots du Roi (service d’ordre du mouvement). Il faut noter que les Croix de Feu défilèrent de façon indépendante, un peu avant les autres.
Le cortège démarra à 9 h 30, cours Pierre Puget, passa place de la Préfecture et rue Saint-Ferréol pour déboucher sur la Canebière qu’il remonta jusqu’à l’église des Réformés. Sur le trajet, les façades des immeubles étaient souvent décorées à la gloire de l’héroïne. On déposa des fleurs au pied du monument aux Mobiles, puis, en l’absence des autorités civiles, militaires et religieuses déjà entrées dans l’église Saint-Vincent-de-Paul, il y eut une minute de silence qui s’acheva par le cri de « Vive la France », poussé trois fois par Dominique Piazza ; la foule entonna enfin La Marseillaise et la messe solennelle put commencer. À 11 heures, la Société des Touristes du Midi donna un concert, au kiosque. Les festivités se poursuivirent l’après-midi au jardin zoologique avec un festival de chanteurs. Enfin, à 21 heures, les Marseillais purent profiter d’un feu d’artifice tiré sur la colline Notre-Dame de La Garde. En 1934, des navires de guerre japonais en escale à Marseille donnèrent le ton en braquant leurs puissants projecteurs sur la basilique pour l’illuminer.
Si un tel déploiement de population donnait une grande impression de puissance il n’empêchait pas les incidents. Ainsi, le 10 mai 1935, à la sortie de la messe, des bagarres se produisirent entre vendeurs de journaux. D’autres, plus importantes, opposèrent, à l’angle du cours Belsunce, communistes et royalistes à la sortie de leur banquet. Dix Camelots du roi furent blessés. Dix ans auparavant, le 9 février 1925, une réunion catholique salle Prat, rue Paradis, avait été attaquée par l’extrême-gauche. La bagarre avait fait deux morts. La mairie de Siméon Flaissières prit prétexte de ce drame pour interdire plusieurs manifestations. Ce fut le cas de l’hommage à Jeanne d’Arc du 9 mai 1926. Les ligues politiques bravèrent l’interdiction sans incident. (A suivre)
En 1943, le cortège de Jeanne d'Arc se termina par l’inauguration de la statue de la sainte placée sur le parvis des Réformés. L’oeuvre de Louis Bottinelly avait été financée au moyen d’une souscription lancée par le Comité Jeanne d’Arc en 1941. Le 9 mai 1943, le commandant Dromard, devenu président du comité, remit officiellement, en présence de Mgr Delay, la statue à la ville de Marseille, représentée par Henri Ripert.