Ignorée, enfouie dans un silence diplomatique ou géostratégique, la Crée du Nord n’en finit plus désormais de faire parler d’elle - et de son nucléaire. Pourquoi tout ce bruit ?
« De l'Union soviétique au Venezuela en passant par Cuba, partout où le vrai socialisme ou le vrai communisme a été adopté, il a eu pour effet l'angoisse, la dévastation, l'échec. Ceux qui prêchent les principes de ces idéologies discréditées ne font que contribuer à la prolongation de la souffrance de ceux qui vivent sous la coupe de ces systèmes cruels. »
Donald Trump
Pour comprendre l'histoire coréenne, il serait assurément peu réaliste de s'en tenir aux coups de gueule de Donald Trump et aux effets d'annonce de Kim Jong-un. Des annonces qui ne sont d'ailleurs pas véritables dans leur totalité, mais dont les effets, visibles ou ressentis, permettent de ne pas douter de leur vérité fondamentale. À savoir que le despote nord-coréen dispose d'armes nucléaires dont il use volontiers, sous forme de tests, pour ponctuer ses déclarations incendiaires.
Les experts se disputent sans doute pour savoir s'il s'agit d'une bombe A ou d'une bombe H, peut-être même sont-ils arrivés à une conclusion, mais cela n'a guère d'importance. La volonté de toute-puissance (pour ne pas dire la folie) de Kim Jong-un est telle qu'il ne lui suffira sans doute pas d'être la neuvième puissance nucléaire, alors qu'il pourrait être la première puissance nucléaire à dépasser, au XXI siècle, le stade de la dissuasion pour atteindre un niveau actif. On imagine aisément les réactions en chaine qui pourraient se déclencher si les fourmillements de ses doigts devenaient trop vindicatifs…
Mais c'est le second point qui est, d'une certaine façon, le plus inquiétant. Face au scénario apocalyptique façonné, volontairement ou non, par le méchant Coréen, tout le monde, même ses soutiens chinois ou russe, a haussé le ton. Avec, comme solution évidente, une réponse globale. Une réponse mondiale, donc, qui a bien évidemment l'aval gourmand de l'ONU On comprend d'ailleurs qu'elle ne boude pas son plaisir, lorsque même Pékin insiste sur le rôle décisif, du Conseil de sécurité.
Rebondissant sur le risque d'une catastrophe globale, Poutine en appelle aussi à un règlement onusien, et donc à une gestion mondiale de la crise.
Tous les petits soldats de la mondialisation s'en frottent les mains, et Emmanuel Macron, qui n'a pas encore de calle politique, peut-être plus fort que les autres.
Tout serait-il le mieux dans le meilleur des mondes ? Voire. Outre qu'il paraît pour le moins délicat de prétendre construire un monde meilleur à coups de dissuasion nucléaire, il semble tout de même que tous nos dirigeants politiques font preuve d'un tel autisme qu'ils en oublient de poser certaines questions, qui paraissent non seulement nécessaires, mais à la base du problème.
Mondialisation de la riposte
Pour commencer, on aimerait comprendre comment un régime comme celui de Corée du nord a fini par obtenir l'arme nucléaire. Si l'on veut bien considérer que, lorsque l'Iran fait mine d'en faire autant, le monde entier se dresse pour l'en empêcher, la chose est curieuse, pour ne pas dire suspecte.
Ensuite, il y a la question des alliances avec la Corée du nord. Lorsque Donald Trump tempête contre ceux qui font affaire avec le régime de Kim Jong-un, il vise, en premier lieu, la Chine, mais aussi l'Inde et la Russie.
Ce n'est donc pas une surprise, sauf pour les naïfs, si début septembre, le président sud-coréen Moon Jae-in a déclaré sans détours à l'issue d'une rencontre avec Vladimir Poutine, lors du Forum économique oriental à Vladivostok, que Moscou et Séoul sont d'accord pour « renforcer la base permettant de mettre en œuvre des projets trilatéraux impliquant les deux Corée et la Russie »… Sanctionner certes, mais pas trop ?
D'ailleurs, en demandant que soit privilégiée la voie diplomatique, Vladimir Poutine en profite pour pointer du doigt les va-t-en-guerre. Comprenez Donald Trump.
Le président américain n'a d'ailleurs pas manqué, pour son premier discours à l'ONU, de prendre tous ces sectateurs du mondialisme à rebrousse-poil. Tandis qu'Emmanuel Macron, pour lequel c'était aussi une première, nous balançait un petit couplet bien policé - mais éculé - sur la gouvernance mondiale, Donald Trump préférait chanter « le grand réveil des nations, la renaissance de leur esprit, de leur fierté, de leur peuple et de leur patriotisme ».
Dans son discours, le président américain a certes menacé de « détruire totalement » la Corée du nord. Mais surtout, en réaffirmant l'America fïrst, au cœur-même de l'ONU, Donald Trump a dénoncé le mondialisme qui en est le mécanisme. Devant une assemblée qui n'en a sans doute pas cru ses oreilles, si l'on en croit les hurlements des loups qui ont suivi, le président américain a tranquillement réaffirmé la ligne directrice de sa politique « Notre succès dépend de la coalition de nations fortes et indépendantes qui embrassent leur propre souveraineté en vue de promouvoir la sécurité, la prospérité, et la paix pour elle-même et pour le monde. »
Pour le mondialisme, Kim Jong-un n'est peut-être qu'un moyen. Mais il est clair que Donald Trump est l'homme à abattre.
Hugues Dalric monde&vie 28 septembre 2017