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La France subit-elle une immigration de peuplement ?

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Par Paul Tormenen, juriste ♦ La politique d’immigration de la France peut-elle être qualifiée de peuplement ? Les termes habituellement utilisés sont issus des catégories administratives : regroupement familial, études, asile, travail, etc. Pourtant, selon Paul Tormenen, différentes caractéristiques d’une véritable politique de peuplement par l’immigration seraient bien présentes dans notre pays.

La politique d’immigration de peuplement est déclinée en une série de mesures et d’actions administrées par le pouvoir politique. Elle s’applique tant dans la gestion des entrées sur le territoire national que dans la gestion des migrants légaux et clandestins présents en France. Des mesures récentes ne viennent que renforcer cette tendance.

La politique de peuplement en matière d’arrivées d’étrangers

Les entrées illégales : La maîtrise des frontières est une dimension essentielle de ce qui « fait nation ». La France a abdiqué cette prérogative en signant l’accord de Schengen en 1985. Cet accord permet cependant dans certaines circonstances une suspension temporaire de la libre circulation entre pays européens. Compte tenu de la pression migratoire et de la menace terroriste, le contrôle des frontières nationales a été rétabli jusqu’en avril 2019. Mais comme l’indique une note des autorités françaises adressée au Conseil de l’Union Européenne (1), « il ne s’agit pas de contrôles systématiques mais d’une possibilité de procéder à des vérifications d’identité aux frontières, par dérogation aux règles de la libre-circulation dans l’espace Schengen ».

Les conséquences de la politique de contrôle aléatoire et non systématique des entrées sur le territoire sont tangibles. Par exemple dans la ville de Bayonne, près la frontière franco-espagnole, une centaine de clandestins arrivent chaque jour, souvent en taxi, comme le relate la presse quotidienne régionale (2). Plus globalement, le Pôle national d’analyse migratoire estime que le nombre de clandestins qui entrent annuellement en France est passé de 26 000 en 2014 à 79 500 en 2017 (3).

Le gouvernement a délibérément décidé de ne pas procéder, à tous les points de passage aux frontières, à des contrôles systématiques et continus. La frontière franco-espagnole est ainsi devenue la nouvelle porte d’entrée des clandestins dans notre pays (4). L’immigration de peuplement est donc favorisée dans le cas des entrées illégales par le laxisme du pouvoir politique dans sa gestion des frontières.

Les entrées légales : L’immigration de peuplement est également organisée par l’octroi de titres de séjour toujours plus nombreux. Des spécialistes de la question (5) en soulignent l’ampleur depuis plusieurs années, ainsi que les transformations que ce phénomène implique dans la société française. Les chiffres de l’INSEE montrent une envolée depuis 2012 des premiers titres de séjour délivrés à des immigrés extra-européens (6), ceci bien que notre pays ne brille pas par sa cohésion sociale et le dynamisme de son économie. 262 000 nouveaux titres de séjour ont ainsi été délivrés en 2017. Le fait que l’immigration de travail soit très minoritaire dans le nombre de premiers titres de séjour délivrés illustre la volonté d’organiser une immigration de peuplement. C’est-à-dire une action délibérée visant à accroitre la population du pays avec des étrangers.

La politique de peuplement passe par la répartition administrée des mineurs étrangers et des demandeurs d’asile

La politique de peuplement passe également par l’accueil inconditionnel des mineurs étrangers et des demandeurs d’asile et leur répartition sur le territoire.

Les jeunes étrangers sont de plus en plus nombreux à se prévaloir de leur minorité pour demander une prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Ils seraient selon les chiffres officiels 40 000 en ce début d’année (7). Le phénomène a pris une telle ampleur que de nombreux départements connaissent une saturation de leurs capacités d’accueil. Pour « résoudre » ce problème, ou à tout le moins en réduire les effets, le gouvernement a décidé par Décret ministériel pris en 2016 d’appliquer une clef de répartition des orientations des mineurs étrangers. L’objectif est de « répartir de manière proportionnée les mineurs entre les départements » (8). Il en résulte que des départements qui étaient jusqu’à maintenant à l’écart des flux d’immigration se voient imposer de fait la création de structures d’accueil pour les jeunes étrangers et/ou de les loger à l’hôtel (9). On commence à assister à des arrivées en nombre de jeunes étrangers dans les chefs-lieux et autres communes de départements, à la recherche d’une prise en charge impliquant hébergement, nourriture, loisirs, formation et recherche d’emploi.

Les demandeurs d’asile sont également de plus en plus nombreux dans notre pays (10). Près de 120 000 ont fait cette démarche en 2017. A l’arrivée, seule une minorité se verra reconnaitre le statut de réfugié. Il est vrai que le « benchmarking » (comparaison entre pays) tourne souvent à « l’avantage » de la France (11). Les règles françaises permettent à des ressortissants de pays sûrs de demander l’asile et de s’inscrire dans le processus d’assistance sociale (demande d’asile, prise en charge, allocations, etc.). Ainsi, les ressortissants d’Albanie et d’Haïti figurent parmi les pays en tête du nombre des demandes d’asile en France (12). Des pays que l’on ne peut pas considérer comme des « zones de conflit ». Le phénomène a atteint une telle ampleur que la Cour des comptes parlerait de l’asile en France comme d’une nouvelle filière d’immigration clandestine (13).

Comme pour les mineurs étrangers, les structures d’accueil, essentiellement présentes dans les métropoles, sont arrivées à saturation. A tel point que les centres d’hébergement d’urgence prévus pour les SDF logent des demandeurs d’asile et que des campements sauvages émergent dans différentes villes. L’étude d’impact de la Loi asile et immigration (14) fait le constat en février 2018 que « les flux de demandeurs d’asile sont en constante progression dans certains territoires. Les régions de l’Île-de-France, d’Auvergne-Rhône-Alpes, des Hauts-de-France et du Grand-Est sont principalement concernées ».

Sous l’impulsion du Président de la République qui a fait en septembre 2017 de la « mise à l’abri » des migrants, indistinctement légaux et clandestins, une priorité (15), des centres d’accueil et d’hébergement voient le jour dans de nombreux points du territoire. La Cimade, une association d’aide aux migrants, en dresse une cartographie impressionnante (16). Des crédits toujours plus importants sont alloués pour créer de nouvelles structures (17).

Pour y établir les migrants, une répartition administrée a également été mise en place avec la Loi asile et immigration promulguée en 2018 (article 13) (18). Cette répartition des demandeurs d’asile est organisée selon un schéma national d’accueil. « Le projet de loi entend équilibrer la répartition de ces flux sur le territoire national » et « mettre en place un mécanisme d’orientation directive des demandeurs d’asile vers une région déterminée dans certaines conditions », peut-on lire dans l’étude d’impact du projet de Loi. Si les demandeurs d’asile ayant obtenu une réponse positive auront le choix de s’établir où bon leur semble, ils auront été préalablement répartis de façon administrée et installés en différents points du territoire. Comme le relate l’Observatoire du journalisme, la presse quotidienne régionale annonce les ouvertures de nouvelles structures d’accueil pour les demandeurs d’asile et mineurs étrangers en province comme autant de bonnes nouvelles (19).

On le voit, la politique du gouvernement aboutit à accueillir un nombre toujours croissant d’étrangers en France. L’immigration de peuplement est rendue possible par :

  • l’absence de maîtrise des frontières nationales,
  • un nombre croissant et élevé de titres de séjour délivrés,
  • l’accueil inconditionnel des mineurs étrangers et demandeurs d’asile,
  • le nombre dérisoire de reconduites à la frontière ou dans le pays d’origine,
  • la répartition administrée sur le territoire des mineurs étrangers et des demandeurs d’asile.

En matière de flux, les entrées en France, tous motifs confondus, ne font qu’augmenter. Les jeunes étrangers et demandeurs d’asile présents sur le territoire sont répartis en différents points du pays en application de ratios, les départements les moins pourvus étant sommés de rattraper rapidement un retard sans doute considéré comme insupportable. Nous sommes donc en présence d’une politique gouvernementale visant à organiser un peuplement sur l’ensemble du pays. Quant à l’avis de la population, c’est un autre problème…

Paul Tormenen 05/01/2018

(1) « Les contrôles aux frontières prolongés jusqu’en avril 2019 ». Le Figaro. 5 octobre 2018.

(2) « Afflux de clandestins à la frontière franco-espagnole : un problème de prise en charge pour les médias ». OJIM. 12 novembre 2018

(3) « Les frontières avec l’Italie et l’Espagne sous pression ». Le Figaro. 19 mars 2018

(4) « Pourquoi l’Espagne est devenue la nouvelle route des migrants ». Le Progrès. 22 octobre 2018.

(5) « Immigration, la catastrophe, que faire ? ». Jean-Yves Le Gallou. 2016. « Une guerre sans fin ». Pierre Lellouche. 2017. Les ouvrages de la démographe Michèle Tribalat et de Jean-Paul Gourévitch.

(6) « Les chiffres de l’immigration en France ». Le Figaro. 20 juin 2018.

(7) « Congrès de l’ADF-Départements, l’amorce d’un dégel ? ». Assemblée des Départements de France. 18 novembre 2018

(8) Décret 2016-840 du 24 juin 2016. Legifrance. JO 26 juin 2016. Décision du 26 avril 2018 fixant pour l’année 2018 les objectifs de répartition proportionnée de l’accueil des mineurs. JO 10 mai 2018.

(9) « Montpellier, la situation complexe de ces mineurs étrangers protégés ». Le Midi Libre. 2 novembre 2018.

(10) « La France débordée par les demandes d’asile ». Le Figaro. 29 août 2018.

(11) « Oui, les migrants font du benchmarking ». Le Figaro. 1er juin 2018.

(12) Chiffres clefs. Demandes d’asile. Ministère de l’intérieur. 12 juin 2018.

(13) « Ce que révèle le rapport confidentiel de la Cour des comptes sur le droit d’asile ». 20 minutes. 13 avril 2015.

(14) Etude d’impact. Projet de Loi asile et immigration. Assemblée nationale. 20 février 2018.

(15) « Emmanuel Macron veut « une réorganisation en profondeur » de la politique d’asile et d’immigration ». La Gazette des communes. 6 septembre 2017.

(16) Dispositif d’accueil des demandeurs d’asile, état des lieux. Cimade. 18 novembre 2018.

(17) Rapport sur le projet de Loi de finances. Assemblée nationale. 11 octobre 2018.

(18) Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée. Article 13. JO 11 septembre 2018.

(19) « L’accueil des migrants en maisons de retraite vu par la PQR : un filet d’eau tiède ». OJIM. 13 mai 2018.

https://www.polemia.com/france-subit-immigration-peuplement/

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