D’Olivier Bault dans Présent :
Lundi à Londres, la Chambre des communes débattait à nouveau sur le Brexit. Plusieurs motions ont donné lieu à un vote, dont seulement deux ont obtenu la majorité. La première, c’est celle soutenue par Theresa May, après ses consultations avec les parlementaires des différents partis, sauf le Labour puisque Jeremy Corbyn refusait de discuter tant que le Premier ministre n’aurait pas exclu formellement l’éventualité d’un Brexit sans accord le 29 mars prochain. En adoptant cette motion, les parlementaires britanniques ont mandaté leur Premier ministre pour aller renégocier à Bruxelles la question du backstop, ou « filet de sécurité » nord-irlandais, qui pourrait par exemple être limité dans le temps afin d’empêcher une partition de fait du Royaume-Uni dans le seul but de ne pas rétablir les contrôles entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande. En échange, le Premier ministre s’est engagé à soumettre l’accord modifié à un nouveau vote de la Chambre des communes. La seconde motion adoptée lundi exclut tout Brexit sans accord, mais elle n’a pas un caractère obligatoire pour le gouvernement.
Dans la mesure où il semble y avoir une majorité au Parlement britannique pour l’accord négocié en novembre avec l’UE mais sans backstop à durée indéterminée pour l’Irlande du Nord, il ne tient plus qu’à Bruxelles et aux 27 de revenir à la raison et de chercher de bonne foi un arrangement équitable qui évite à la fois une partition du Royaume-Uni entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord et un retour des contrôles à la frontière entre les deux Irlande tout en préservant les intérêts économiques réciproques.
La dictature des élites éclairées
Les premières réactions côté européen n’incitent toutefois pas à l’optimisme. En clair, c’est niet ! Pas de renégociation et puis c’est tout. La sortie non négociée du Royaume-Uni, sans accord commercial, sera pourtant douloureuse puisqu’il s’agit d’un partenaire important, voire très important, pour beaucoup de membres de l’UE, dont la France pour qui ce pays est un des rares avec lequel elle entretient un gros excédent commercial, notamment dans le domaine agroalimentaire.
Mais les Tusk, Juncker, Barnier et autres Verhofstadt n’en démordent pas : ce qui a été négocié avec Theresa May est à prendre ou à laisser. Derrière eux, les poids lourds de l’UE, Allemagne et France, et aussi la petite Irlande qui a pourtant beaucoup à perdre. Que les représentants élus du peuple britannique aient rejeté le 15 janvier à 432 voix contre 232 cet accord extrêmement désavantageux pour le Royaume-Uni ne les émeut pas plus que cela, puisque ce sont principalement des gens qui croient non pas à la démocratie, trop « populiste », mais à la dictature des élites éclairées.
Ainsi que l’a dit Nigel Farage mardi au Parlement européen, en s’adressant à la Commission et aux députés, le risque d’un Brexit sans accord a beaucoup augmenté cette semaine, non pas à cause des votes de lundi à Westminster, qui ont éloigné la perspective d’un deuxième référendum et d’un report de la date butoir, mais à cause de la réponse donnée par l’UE à ces votes.