Attaqué de toutes parts et menacé d’un procès, Philippe de Villiers reste très serein tout comme sa maison d’édition, qui avait anticipé ce risque et rappelle que la véracité des archives n’est pas contestée :
“Je défends ce livre comme je défends tous ceux que nous publions“, avance Sophie de Closets, présidente de la maison d’édition depuis 2013. Pour elle, il n’y a donc a donc aucune raison de monter au créneau : “Ce sont les auteurs qui sont en première ligne sur le contenu, pas moi, ajoute- t-elle. Mon rôle est de publier des livres de qualité, qui font débat.”
Avant publication, l’ouvrage a été relu sur les faits, mais “les auteurs sont libres de faire des interprétations et des hypothèses”, explique l’éditrice. “Je n’ai jamais lu que les archives publiées par Philippe de Villiers sont fausses“, dit-elle. Ce qui n’est pas exact, plusieurs historiens reprochant à Villiers de fausses affirmations. “Les archives existent et les critiques disent : ‘On savait déjà’, assure-t-elle. Le débat se place sur l’interprétation que Philippe de Villiers en fait.” (…)
Fayard espère vendre 100.000 exemplaires de l’ouvrage, selon l’attachée de presse de l’auteur. Un tel succès le situerait au même niveau que Les Mosquées de Roissy, publié en 2006, ou Les cloches sonneront-elles encore demain?, en 2016. Mais loin des 250.000 exemplaires de son best-seller, Le moment est venu de dire ce que j’ai vu, sorti en 2015.
Quant à Philippe de Villiers, il confie au JDD :
“Ça va mettre un de ces bordels! Mon livre va entrer en collision directe avec les propos officiels de la campagne. Je me fends la gueule à chaque fois que je me relis en me disant : ‘C’est mon meilleur livre.’ (…)
Deux mois plus tard, il se dit “comblé par la panique qu'[il a] créée dans le camp européiste“. “Je pensais que la presse me traiterait par le silence, déclare-t-il. La mauvaise foi de mes détracteurs m’enchante, ça veut dire qu’ils sont gênés, ils sont obligés de m’insulter et de mentir. J’ai ce que j’espérais : un débat. On me prend au sérieux.” Là, on s’étonne. Au sérieux? Alors que nombre d’historiens l’accusent de falsification? “Si c’était si négligeable, ils ne prendraient pas la peine de me répondre.” Lui-même vient de finir de rédiger un long texte qu’il va adresser au Monde en guise de réplique au collectif d’universitaires européens qui l’y a étrillé cette semaine.
“Pour me condamner, on m’invente des propos. Je n’ai jamais dit ni écrit que la construction européenne serait d’inspiration nazie. Je dis que le choix de faire l’Europe par l’intégration plutôt que par la coopération était celui exigé par le département d’État américain. Je dis qu’il fut porté avec conviction par trois personnalités parmi les ‘pères fondateurs’ – Jean Monnet, Robert Schuman et Walter Hallstein – qui avaient pour points communs de haïr de Gaulle, de vouloir une Europe qui ne soit ni puissante ni indépendante des États-Unis et de s’être diversement compromis avant 1945.”(…)
“La contre-attaque contre moi s’organise autour de trois accusations. Un : il s’agit de complotisme. Deux : on le savait déjà. Il faudrait savoir! Ces deux premiers points sont incompatibles. Trois : on me reproche de ne pas avoir exposé le contexte de la guerre froide. La lutte anticommuniste n’impliquait nullement de se soumettre à une puissance étrangère quelle qu’elle fut. Comme beaucoup d’autres, de Gaulle était parfaitement anticommuniste et il œuvra toute sa vie pour une Europe européenne, non pas américaine.”(…)
Mais la guerre déclarée contre son livre le pousse finalement à changer ses plans. Lui qui ne voulait pas multiplier les conférences ni les séances de signatures s’est laissé convaincre par son éditrice, Sophie de Closets, d’entreprendre un tour de France.
“Plus je sens que ça gêne, plus j’ai de l’énergie pour faire connaître ce livre. Je suis un dissident, un refuznik. On les appelait ainsi en Union soviétique.” Fin janvier, il promettait : “Je vais vous emmener dans une histoire dont je ne connais pas la fin.” Il ne croyait pas si bien dire.