A 33 ans, le blogueur Majid Oukacha se définit comme un ex-musulman. Né en France, il consacre une grande partie de son temps à la critique des textes sacrés islamiques sur Youtube. Entretien.
Daoud Boughezala. Pourquoi vous définissez-vous comme un « ex-musulman » ?
Majid Oukacha. « Ex-musulman » n’est qu’une facette parmi tant d’autres de ma personnalité. Je me définis avant tout, de façon constructive, par ce que je suis et ce que je fais, plus que par ce que j’ai cessé d’être ou ce que j’aspirerais à devenir. Je me sens davantage un humain, un Français, un écrivain, un blogueur et un militant qui défend à la mesure de ses moyens les libertés individuelles qui lui sont chères, qu’un « ex-croyant ». Cependant, la spécificité identitaire pour laquelle je suis le plus connu dans la sphère publique est indéniablement le rôle intellectuel et politique de ma parole d’ex-musulman qui critique les fondements scripturaires de l’islam.
J’ai été musulman durant les 18 premières années de ma vie de la même façon que l’écrasante majorité des musulmans adultes du monde le sont encore aujourd’hui : par endoctrinement, depuis l’enfance. Un endoctrinement, éducatif par certains aspects et sectaire par d’autres, qui lie les musulmans à un Dieu big-brotherien qui les observe en permanence, qui espionne même leurs pensées les plus intimes, et qui menace surtout quiconque se détournerait de l’islam d’un enfer éternel après une résurrection post-mortem. Est-on vraiment libre de choisir sa foi ou d’y demeurer dans de telles conditions, face à un tel chantage apocalyptique, permanent et irrévocable ? J’accepte tout à fait l’étiquette d’« ex-musulman » comme un raccourci capable de me définir dans l’agora politico-médiatique contemporaine. Ironiquement, cette expression souligne d’ailleurs, par le refus volontaire de la soumission à la parole coranique déifiée, ma capacité à choisir librement, loin du fatalisme, et à penser par moi-même.
Comment avez-vous abjuré votre foi ?
J’ai cessé de croire en l’islam après une période de doutes intensifs, qui se sont étalés sur plusieurs mois consécutifs à l’aube de l’âge adulte. C’est néanmoins en réalité toute une enfance de questionnements croissants et cumulatifs vis-à-vis des lois et des dogmes islamiques qui m’a accompagné dans ma démarche d’apostasie. La plupart des ex-musulmans se justifient du fait qu’ils ont quitté l’islam en se basant sur des constats manichéens et moralistes que je peux tout à fait partager. L’islam est une religion violente, misogyne et liberticide, et de nombreux versets de ce Coran incréé censé citer Allah lui-même de la première à la dernière phrase sont là pour en attester. Ce qui m’a le plus fait douter de la divinité du Coran est le fait que les préceptes et les lois juridiques formulés par son auteur sont des paroles incohérentes, imprécises et difficilement applicables. Cela est assez aberrant pour un Dieu qui se qualifie de nombreuses fois dans le Coran de Juste, d’Omniscient, d’Omnipotent et, excusez du peu, de Parfait !
Je vais vous donner un exemple de mon point de vue critique tout à fait particulier sur ce Coran dont le caractère sacré n’engage en réalité que ceux qui y croient (pour paraphraser l’adage sur les promesses en politique !). Au verset 38 de la sourate 5 du Coran, Allah demande aux musulmans de couper la main du voleur et de la voleuse, tandis qu’au second verset de la sourate 24 de ce même Coran, Allah exige que celles et ceux qui font l’amour en dehors du mariage reçoivent 100 coups de fouet. Plus que la barbarie de ces châtiments corporels, ce qui me saute d’abord aux yeux ici c’est la suffisance et l’imprécision qui encadrent ces sanctions pénales dans le Coran. Allah ne précise à aucun moment dans le Coran quelle main du voleur il faudrait couper, ni le montant minimum du larcin à partir duquel il faudrait couper la main du voleur, ni l’âge minimum à partir duquel on peut imputer à une personne le crime du vol. De fait, qu’est-ce qui pourrait empêcher un islamiste désirant appliquer le Coran de se sentir la légitimité de couper la main d’un orphelin de 12 ans qui a volé une pomme parce qu’il était affamé ? Et Allah ne précise pas non plus les matériaux autorisés ou interdits dans le fouet qui flagellera celles et ceux qui font l’amour en dehors du mariage, ni la distance minimale ou maximale entre le fouettard et la personne fouettée, ni les parties du corps à fouetter ou à ne pas fouetter chez cette dernière. Il serait donc tout à fait possible de vider de son sang le corps d’une personne coupable de fornication si on mettait ce fouet de la justice coranique entre les mains d’un champion olympique du lancer de javelot…
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