Quand le porte-parole de la conférence des évêques de France, Mgr Ribadeau-Dumas, affirme qu’« il n’y a pas de christianophobie en France », il montre son incapacité à nommer le réel. Une occasion perdue pour l’Église qui se débat dans l’affaire Barbarin.
Il ne mâche pas ses mots pour le Père Serge Sauvas, curé de l'église de Notre-Dame-des-Enfants à Nîmes (Gard), « c'est une profanation, un acte délibéré. Ça n'est pas le commun des mortels qui ferait une chose pareille. On touche là au cœur de notre foi. » Pourquoi ? Dans son église, il a vu un tabernacle fracturé et une croix de 50 centimètres composées d'excréments et d'hosties collées aux quatre coins pour décorer ce crucifix d'infortune. Comme si l’obscène exposition du « Piss Christ » de 2011 avait lancé la mode des profanations glauques les pilleurs d'église se sont donné le mot. La dérision de certains « artistes » contemporains rejaillirait-elle sur ces derniers ?
Une semaine plus tard, c'est le transept sud de l'église Saint-Sulpice de Paris qui est atteint par un incendie dont l'origine criminelle est avérée. On pourrait multiplier les exemples. Pour le seul mois de janvier 2019, on recense 66 actes anti-chrétiens (47 actes pour le mois de février). C'est le très laïc Journal du dimanche qui emploie l'expression. Même la presse profane parle de christianophobie, quand ce n'est pas la presse internationale comme le très mondialiste Courrier international. Bref tout le monde en parle, sauf la CEF…
Les journalistes sont un peu plus inquiets que les évêques ou les hauts-fonctionnaires. Si l'on fait la moyenne, on en serait à 3 actes de vandalisme par jour. Les pouvoirs publics se veulent prudents en raison de la variété des faits. Cela va du graffiti au chiffre 666 en passant par le « A » cerclé des anars, voire du « Allah Akbar » des islamistes. La place Beau-vau se contente d'une laconique position officielle « Tout bâtiment religieux doit être respecté ». Depuis le début de l'année 2019, ces actions sont hélas régulières. Ainsi, à Naintré (Vienne), le ciboire avec ses hosties et la lunule qui comprenait la grande hostie ont été volés à Quézac (Cantal), le ciboire et ses hosties consacrées ont été subtilisés à l'église Saint-Aldric du Mans (Sarthe), c'est le tabernacle qui a été forcé et des hosties dérobées. Je veux bien penser que la culture catéchétique des Français soit équivalente à zéro et que la cupidité a son maître-mot dans ses intrusions, mais tout de même. Le vol régulier d'hosties consacrées devrait interpeller. Il démontre que les cibles sont précises et que les hommes qui volent profanent aussi ce qu'il y a de plus sacré dans une église le corps du Christ.
Le sursaut des Français
Certains élus dénoncent cette christianophobie. Deux députés du groupe Les Républicains, Annie Genevard et Philippe Gosselin, ont récemment demandé la création d'une mission d'information sur « la multiplication des actes anti-chrétiens » au président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand. Seront-ils entendus ? L’Assemblée nationale est verrouillée par le fait majoritaire, mais les élus ne sont pas insensibles. Un autre député des Républicains, Julien Aubert, n'hésite pas à affirmer que « l'antichristianisme qui se propage est une volonté de déconstruction de notre histoire et de notre culture ».
Récemment, j'ai vu, dans le Loir-et-Cher, des Français se mobiliser d'eux-mêmes pour la rénovation de l'église de leur village. C'était une église ni plus belle ni moins belle qu'une autre, Saint-Denis, à Thoré-la-Rochette. En pleine décrépitude, elle était interdite d'accès aux fidèles. Une association s'est constituée. Les paroissiens, le plus souvent non pratiquants, restent paroissiens dans l'âme. Ils n'ont pas voulu laisser tomber ce symbole de leur village. Elle est désormais en cours de restauration. Les Français restent attachés à ce « blanc manteau d'Église » dont parlait le chroniqueur médiéval Raoul Glaber. Il existe une alliance pluriséculaire entre le peuple de France et ses clochers. Il faut juste la faire fructifier.
François Hoffman monde&vie 11 avril 2019