Jour après jour, on ne peut que le constater : si ce pays se maintient dans son état de stagnation sociale et de marécage politique, on ne saurait s'étonner qu'il persiste à s'enfoncer, en dépit de l'arrogance et du caquetage de ses dirigeants, dans l'insignifiance internationale.
Si déplorable que puisse paraître une telle découverte, elle ne devrait pas faire reculer un nationaliste objectif. Éloigné peut-être des angoisses fantasmées et des cocoricos enflammés de ceux que, dans notre jeunesse, nous appelions les "nationaux", un patriotisme logique et lucide doit aujourd'hui commencer par une prise de conscience radicale de la réalité. L'auteur génial[1] de "Cent ans de solitude" définissait ainsi son réalisme "magique" – comme un désir que "les choses les plus effrayantes, les plus inhabituelles soient dites avec la plus grande impassibilité".
Confronté à la défaite de 1940, Roger Nimier conclut, mélancolique, dans son Hussard Bleu : "nous n'avions pas été élevés dans ces idées-là".
Certes. L'auteur de ces lignes a toujours cru et entend croire, au fond, au "peuple inventeur de la Croisade"[2]. Car, si l'Occident européen ne se montre capable ni de se projeter stratégiquement, ni de se penser comme héritier de l'Orient chrétien et de l'espace méditerranéen, il mourra étouffé dans son écœurant consumérisme… Nous ne tomberons pas seulement sous les balles de ce que nos dirigeants, "terrorisés" eux-mêmes à l'avance par l'obligation de désigner l'ennemi, désignent par des mots vagues comme "terrorisme", incarné par des individus "radicalisés". Ayant perdu le sens de nous-mêmes, au mieux nous nous écroulerons, au pire nous nous entre-déchirerons.
Or, c'est précisément ce qui est en train de se passer en Europe, nonobstant les rodomontades solitaires des dirigeants parisiens.
À cet égard les questions de Défense doivent être tenues pour centrales. Elles faisaient ainsi l'objet d'un rapport présenté par Arnaud Danjean eurodéputé français de droite, soumis au vote du Parlement européen qui l'a validé par 364 voix contre 266, le 15 janvier. Ce document a tout particulièrement déplu aux écolos et aux gauchistes de l'Assemblée, lesquels ont voté contre. Ce 16 janvier, on attend sur ce thème une intervention présidentielle sur la base d'Orléans.
Déjà, le 5 janvier, dans les colonnes de L'Opinion, Jean-Dominique Merchet le constatait ainsi[3], plus encore qu'à l'accoutumée, après l’assassinat du général Soleimani, la France se trouve "sans marge de manœuvre dans la crise avec l’Iran". Et, il formulait dès lors ce pronostic apparemment curieux, mais sans doute réaliste : "Sauf initiative spectaculaire de la part du président Macron, à la manière de Chirac de 2003, Paris finira par s’aligner sur les États-Unis" car, même cette séquence s'était traduite par un échec : "en 2003 déjà, lorsque Jacques Chirac s’était opposé à la guerre américaine contre l’Irak, le président français y avait gagné en popularité et en stature internationale, mais n’avait rien pu empêcher. Près de dix-sept plus tard, l’Irak reste une terre de conflits."
"Sommes-nous, Européens, satisfaits de n’être que des spectateurs, des supplétifs ou même des mendiants de la sécurité internationale ?" demandait, 10 jours plus tard, Arnaud Danjean, soulignant en la circonstance que "les chimères du président Macron", se révèlent contre-productives", car "les Français ne prennent pas assez en compte ce que les autres Européens disent". Ainsi "les propos d’Emmanuel Macron sur la mort cérébrale de l’Otan n’ont rien arrangé". Arnaud Danjean, souligne un net changement d’ambiance au sein de la sous-commission Défense après la parution, de l’entretien du président dans The Economist.
On pouvait espérer[4] que la nouvelle commission européenne présidée par Ursula von der Leyen relèverait l'effort de Défense. La précédente avançait le chiffre de 13 milliards sur sept ans, mais, très vite, les premiers documents mis en discussion n'ont plus parlé que de 6 milliards. Il reviendra à Charles Michel, le soin de trouver accord sur un montant global du budget. On prévoit de le situer entre 1 % et 1,3 % du PIB européen, là où l'OTAN proposait pour norme 2 %.
Arnaud Danjean souligne surtout, en contradiction avec l’optimisme des communicants de l’Élysée : "Au Parlement européen, j’entends très peu parler d’Afrique, au-delà d’une compassion polie pour les Français…"Qu'en sera-t-il dès lors de la future force Takouba ?
Inanité par conséquent, des discours solitaires élyséens sur la défense de l'Europe. Au Sahel plusieurs milliers de soldats français (4 350 + 220) se trouvent courageusement épaulés, nonobstant le Brexit, par quelques dizaines de camarades britanniques[5](90), mais aussi belges[6], tchèques[7](120) ou estoniens [8](50).
Hélas, l'Allemagne officielle désapprouve notre engagement.
Et en Libye, le gouvernement italien de centre gauche va encore plus loin dans le désaccord, choisissant dans la guerre civile le camp turco-islamiste barricadé dans Tripoli, contre celui du nationaliste modéré Haftar soutenu par la France, l'Égypte et les autres pays de la Méditerranée orientale.
Simple question : quelle est la crédibilité d'une Europe de l'ouest, après le départ de l'Angleterre, sans l'Allemagne et sans l'Italie ?
JG Malliarakis
À lire sur le sujet de l'inanité de notre politique étrangère :
La Ratification du traité de Versaillespar Emmanuel Beau de Loménie
Table des matières :
Note de l'éditeur par JG Malliarakis -- Introduction de 1945 I. Les Préambules [Chappedelaine - Raiberti - Charles Benoist] II. Pour une politique d’après guerre [Maurice Barrès - Albert Thomas] III. Plaidoyer et Réquisitoires [Tardieu - Barthou - Franklin-Bouillon] IV. La prochaine guerre viendra par Dantzig [Marcel Sembat] V. Réparations et organisation économique [Bedouce - Klotz - Dubois - Auriol - Loucheur] VI. Le désarmement [André Lefèvre] VII. Un ténor : Viviani VIII. Travail et Colonies [Colliard et Simon] IX. Du socialisme à l’extrême-droite [Longuet et Marin] X. Clemenceau intervient et XI. Dernières interventions [Renaudel - Lefèvre - Augagneur] La conclusion de l'historien au lendemain de la Seconde guerre mondiale.
Épilogue : Quelques dates. Quelques chiffrages à propos des réparations.
L'Occupation de la Rhénanie (1923-1930) → Pour en savoir plus sur ce livre, lire aussi "Les cent ans de la fausse paix de Versailles". ••• Ce livre de 204 pages paraîtra courant novembre. Il est proposé au prix de souscription de 18 euros franco de port jusqu'au 30 novembre. Paiement par carte bancaire sur le site de l'éditeur [ou par chèque en téléchargeant un bon de commande]
Apostilles
[1] Au plan littéraire s'entend, celui d'une Colombie imaginaire. Salué comme un chef d'œuvre, ce livre du Prix Nobel de littérature, commence par une phrase devenue célèbre : "Bien des années plus tard, face au peloton d'exécution, le colonel Aureliano Buendía devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l'emmena faire connaissance avec la glace." Sans souscrire le moins du monde aux sympathies politiques gauchistes de Garcia Marquez on peut, cependant, apprécier le talent de cet ami de Fidel Castro.
[2] cf. Péguy
[3] cf. sa chronique du 5 décembre.
[4] cf. notre chronique du 16 décembre..
[5] selon le site du ministère de la Défense : "Barkhane : bilan du détachement britannique de la Royal Air Force à Gao".
[6] détails sur le site Force Opérations en décembre 2019.
[7] cf. Magdalena Hrozinkova sur Radio Prague international le 7 janvier "La République Tchèque appelée à épauler l’opération Barkhane au Sahel".
[8] cf. sur France TV info le 27 novembre 2019 "Guerre au Sahel: quels renforts européens pour la France?"
https://www.insolent.fr/2020/01/inanite-internationale-de-la-macronie.html