C'est à un travail particulièrement sensible et au combien nécessaire auquel s'est attelé le réalisateur polonais Andrzej Wajda. Décrire enfin le massacre d'une nation et de son élite, l'ignominie du mensonge historique et la ferveur patriotique d'un peuple. Un travail historique doublé d'un hommage rendu à son père officier, exécuté à Katyn.
Prendre un tel parti n'est pas sans risque tant une telle approche de l'histoire est une véritable brèche dans la longue litanie des contrevérités distillées par le camp des vainqueurs. Le meilleur des accueils semblait devoir être réservé à ce film en France, nation autrefois amie de la Pologne, s'agissant d'un réalisateur déjà couronné d'une Palme d'or, de deux César et d'un Oscar d'honneur. C'est l'omerta qui fut au rendez-vous. Après une reconnaissance tardive dans les années 90 par les autorités russes de la « paternité » communiste de ce massacre, seules quelques dizaines de salles auront eu le courage de projeter ce film historique alors qu'un oscar du meilleur film étranger lui était décerné outre-Atlantique. Pendant près de 130 ans, la Pologne vécut sous la triple domination russe, prussienne et autrichienne avant que le traité de Versailles ne rétablisse son indépendance.
Mais la question des frontières, édictées par le « Diktat » de Versailles, sera source de conflit, aussi bien à l'ouest avec les populations germanophones et le Couloir de Dantzig qu'à l'est avec la Ligne Curzon. La Pologne entreprendra en 1920-1921 de récupérer par la force ses territoires avec l'aide de l'Angleterre et de la France et les ressentiments seront encore vivaces en 1939. C'est dans ce contexte que le pacte germano-soviétique conduira au démantèlement, une nouvelle fois, de la Pologne ainsi qu'à l'entrée des troupes russes en Pologne. Plus qu'une occupation, la Russie soviétique entreprendra l'exécution systématique des populations potentiellement sources de résistance qu'étaient à leurs yeux les familles d'officiers, de notables et d'intellectuels. Après l'arrestation de 250 000 soldats dès septembre 1939, près de 15 000 officiers et notables restaient internés en février 1940. Dès le 25 décembre, le premier acte de cet assassinat de masse a lieu les religieux encadrant les hommes dans les camps de concentration avaient été arrêtés le jour de Noël. Ils ne réapparurent jamais. Le 5 mars 1940 était décidé par le Politburo (Molotov, Vorochilov, Beria et Staline) l'exécution des prisonniers et la déportation de leurs familles. Conformément aux méthodes soviétiques, les prisonniers seront abattus d'une balle dans la nuque au bord de fausses communes. Il faudra attendre août 1941 et l'avancée allemande vers l'est pour que les premiers charniers soient découverts : 4 400 corps seront dénombrés dans les fosses de la forêt de Katyn et 10 000 à Kharkov et Kalinine. Très vite, l'Allemagne ouvrira une enquête dirigée par des experts internationaux et des membres de la Croix Rouge pour faire la vérité sur ce qu'elle qualifiera de « massacre juif » dans sa propagande (Beria étant lui-même juif comme l'un des deux membres du Politburo absent le jour de la signature, Kaganovitch, tandis que les concubines de Molotov et Vorochilov l'étaient également). L'Union soviétique mettra en œuvre dès la fin de la guerre sa formidable machine de désinformation. Elle sera aidée par une Croix rouge ne souhaitant pas favoriser la propagande nationale-socialiste malgré les informations en sa possession et plus activement encore par le gouvernement britannique enterrant un rapport accablant transmis par les polonais en exil, qui ne sera dévoilé qu'en 1989. Au procès de Nuremberg, les dirigeants du Troisième Reich seront accusés de ce crime et 70 ans après la guerre les livres d'histoire ne mentionnent qu'à demi-mot, ce massacre pourtant unique dans l'histoire, un crime odieux et l'extermination totale d'une « classe ». C'est cette histoire que nous raconte avec talent Wajda, nous faisant vivre également la résistance passive des polonais, en butte à une occupation physique et en même temps, une guerre contre la vérité. Comment ne pas penser au contexte actuel et à l'actuelle extermination culturelle ? Que l'on évoque l'attitude des vrais patriotes pendant cette même guerre, les bienfaits de la présence française hors-métropole ou encore le génie français et la fierté d'en être issu et les « Orgues libéraux » se mettent en batterie ; que l'on refuse de plier devant les oukases de la diversité culturelle, de la discrimination positive ou de la vérité officielle et les officiers politiques s'affairent à l'extermination comme ce fut peut-être le cas du Général Sikorski pourfendeur du mensonge soviétique et qui s'écrasera en 1943 à Gibraltar, délivrant ainsi les relations interalliées. En ces temps de guerre larvée, Katyn de Wajda est une arme politique. La démonstration par la preuve que maintenir une droite ligne, ne rien céder constitue un acte majeur de résistance. L'honneur ne se garde et la liberté ne se maintient que dans la vérité, dans sa quête et dans sa transmission
Rodolphe Marteau Droite Ligne n°3 - Mai 2010