Préparant une conférence, qui sera consacrée au sujet et que je suis invité à donner le 24 février, je rassemblerai à partir d'aujourd'hui, en marge de cette un certain nombre d'éléments d'information et, partant de là, de réflexions, sur l'actuel contentieux euro-turc et particulièrement franco-turc : occulté dans la plupart des médias de l'Hexagone, il occupe une place de choix sur le site d'information, ou plutôt de désinformation, de l'agence officielle de l'État turc Anadolu.
À ce sujet il faut dire merci au quotidien Présent d'avoir eu le courage de reprendre les deux informations ci-dessous que vous ne trouverez guère dans les journaux du système[1]et que je reproduis sans honte.
- Turquie : une campagne de dénonciation de la France
Le 10 février à Istanbul, l’agence officielle Anadolu diffusait un dossier de cinq copieux articles consacrés à l’antagonisme de "La France face à la Turquie, de la Syrie au Sénégal". Les reproches abondent sur cet affrontement que la presse parisienne semble pourtant négliger.
La cause principale est évidemment centrée sur la guerre civile libyenne dans laquelle la Turquie cherche à sauver le pouvoir islamiste des Frères musulmans à Tripoli, accusant les Français de se comporter en sous-traitants des Américains, et déplorant en fait, outre le soutien de la France au maréchal Haftar, celui de l’Égypte, de la Russie et des Émirats.
Mais les accusations d’Anadolu vont bien au-delà. Elles visent ce qu’elles appellent "le cauchemar français en Afrique". Tout en rappelant doctement que "le continent africain est divisé par les frontières coloniales, les langues coloniales, et l’idéologie coloniale", et déplorant que "les frontières d’aujourd’hui ont émergé en grande partie de la conférence de Berlin de 1884-1885" (conférence à laquelle participait l’Empire ottoman), on apprend que les Français ont exploité une grande partie de l’Afrique de l’Ouest et commis des génocides, ce que les anciens de la médecine coloniale apprécieront.
Sont également dénoncés : le prétendu pillage par la France des minerais en Afrique, le franc CFA, le prétendu nouveau colonialisme qui se serait traduit notamment par le fait "qu’au cours des 50 dernières années, 45 coups d’État ont eu lieu dans les anciennes colonies françaises d’Afrique". Conclusion : "la France est fortement tributaire du pillage et de l’exploitation de l’Afrique depuis l’esclavage".
Attendons-nous donc à voir ce "dossier" repris bientôt servilement par une partie de la presse hexagonale politiquement et islamiquement correcte.
- Chypre-Nord : un nouvel ennemi pour Erdogan
Le 10 février à Ankara, le gouvernement turc critiquait violemment Mustafa Akinci. Celui dirige l’entité de Chypre-Nord, non reconnue en droit par communauté internationale, mais soutenue pourtant par la Turquie qui l’a créée après que son armée a envahi le nord de l’île en 1974.
Déjà en octobre, M. Akinci a déclenché la colère de son protecteur pour avoir osé critiquer l’offensive turque en Syrie. "Il a dépassé les bornes", avait estimé Erdogan. Le 8 octobre, le président turc avait annoncé que "le peuple turc lui infligerait une leçon"lors de l’élection présidentielle prévue fin avril à Chypre-Nord.
Mais le 5 février, dans The Guardian, a été publié un entretien avec Akinci. Celui-ci s’y préoccupait des évolutions de plus en plus divergentes des deux parties de l’île. Il disait redouter qu’une dépendance croissante vis-à-vis d’Ankara aboutisse à une annexion "horrible"par la Turquie. La réunification du pays en un Etat fédéral représenterait "la seule solution viable". "Je ne serai pas un second Tayfur Sökmen", a-t-il ajouté. Il faisait référence au premier et unique président de l’éphémère république du Hatay, rattachée à la Turquie en 1939 après l’abandon par la France de ce territoire syrien, le sandjak d’Alexandrette[2], comprenant la ville d’Antioche.
"Je n’ai jamais travaillé avec un responsable politique aussi peu honnête que M. Akinci", affirme le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu. "Il instrumentalise la Turquie à des fins électoralistes." Une curieuse critique quand on y pense… Ce pays se saurait-il impopulaire dans le territoire qu’il occupe ?
JG Malliarakis
Apostilles
[1] cf. Tour du Monde de Philéas Fogg du 11 février
[2] Sur cette affaire je me permets de renvoyer à mon livre sur l'Alliance Staline Hitler (1939-1941)