Notre société toute entière est « décomposée », opposée à elle-même, divisée, dissoute dans les luttes et les rivalités. Qu'on le veuille ou non, à travers les partis et les syndicats qui leur sont liés, la lutte des classes, aujourd'hui informelle mais pourtant bien réelle (comme le signalait le milliardaire W. Buffet il y a quelques années qui expliquait que c'était la sienne qui l'avait emportée...), a remplacé les solidarités professionnelles, locales, communales ou provinciales... Une lutte sans merci, où chacun tente de réduire indéfiniment la part de l'autre, compose toute notre vie sociale.
Il est normal de travailler vers un ordre « humaniste » au sens chrétien, réunissant les différents acteurs de la vie économique et de sortir d'un libéralisme sans frein engendrant la souffrance. Il est primordial aussi d'aller vers l'amélioration de la qualité de la vie, la culture, l'environnement, le logement. Il est temps de diriger l'économie sur la solidarité économique de tous et sur l'intérêt communautaire des salariés à l'expansion des entreprises. Encore faut-il toutefois qu'une autorité arbitre veille à l'équitable répartition des fruits de l'expansion. Encore faut-il que ses produits ne soient pas absorbés par avance par les parasites d'une économie anémiée ; encore faut-il que les profits réalisés grâce au travail de tous ne bénéficient pas à la seule finance, étrangère ou internationale. Encore faudrait-il, sur un plan plus général, que le capital ne se prenne pas lui-même, pour sa propre finalité et soit limité, utilisé aux fins supérieures du Bien Commun, à l'amélioration de la « qualité de la vie ». Mais est-ce jamais le cas dans une société où nul n'est en mesure d'imposer aux industries et à leur fonctionnement les réglementations, les limites que réclament la défense de notre environnement, les exigences de la santé, de la sécurité de tous, et de la salubrité de la nature ?
La solidarité de notre société tout entière est rompue. Au-delà des rivalités naturelles de toujours, il n'y a plus d’ententes supérieures, ni professionnelle, ni complémentarité de classes, de générations, de régions. Mais au contraire, une lutte sans frein, sans règle, sans merci, pour la richesse, l'influence, les places, les privilèges, lutte qualifiée de « libre concurrence ». Et cela jusque dans l'Etat, jusqu'au sommet de celui-ci, jusqu'à la magistrature suprême, « obscur objet du désir » des partis et des politiciens, hommes et femmes... Il est bien vrai qu'il n'est pas de plus grand diviseur que l'uniformité. Oui, nous voici vraiment livrés, comme aux temps barbares, à la Loi de la Jungle.
F. Winkler(Projet de Société, à suivre)