La démocratie libérale, cet idéal dont la France s’éloigne chaque jour davantage, repose sur des équilibres. Le premier est celui entre la liberté individuelle et la solidarité avec la communauté qui est la base politique de la démocratie, la cité hier, la nation aujourd’hui. Cela suppose d’une part que je sois maître de ma pensée, libre de l’exprimer, suffisamment indépendant de toute puissance pour le faire sans contrainte, et que ces libertés soient garanties par le droit et par l’Etat à travers la Justice. Mais cela implique d’autre part que ma liberté de choix et d’opinion vise toujours le Bien Commun de la Cité dont je suis citoyen.
Ce double impératif des démocraties libérales devrait évidemment exclure la possibilité d’appartenir à deux cités dont les intérêts peuvent être contradictoires, et a fortiori sanctionner durement les trahisons envers la Cité. Le droit garantit la liberté des citoyens dans l’enceinte de la Cité. Il peut aussi comprendre la possibilité de la quitter, non de la trahir. Concrètement, la double-nationalité, le refus de déchoir de leur nationalité les traîtres, la reconnaissance d’un droit quelconque pour des non-citoyens de pénétrer illégalement sur le territoire d’une démocratie, et d’y perturber la vie des citoyens sont des aberrations qui ruinent la démocratie.
Ce système politique exige que l’individu jouisse de la première des libertés qui est la sûreté. Celle-ci a deux faces : d’abord elle correspond à la certitude que l’Etat ne pourra attenter à mes droits, et en second lieu que l’Etat protégera aussi ces droits contre les autres. Une société qui est incapable d’assurer l’ordre et la protection des citoyens est un Etat de non-droit. Une société qui pour protéger les individus suspend les droits individuels des citoyens est un Etat de police. La démocratie n’est ni la Terreur, ni la Jungle. Le véritable Etat de droit, et non celui qui avantage l’étranger au détriment du citoyen, est exactement entre les deux risques. Ceux-ci ont un seul nom : la peur, peur qu’au petit matin, le visiteur ne soit pas le laitier, mais la police ; peur que mon quartier envahi par de nouveaux venus qui y imposent leurs lois, fasse de moi un étranger chez moi, et m’oblige à « émigrer ».
Le support de la démocratie libérale s’appelle la confiance, confiance en soi, c’est-à-dire courage, chez les citoyens comme chez les gouvernants, confiance dans les institutions les plus stables possibles, confiance en tous les détenteurs de pouvoir sous peine des plus lourdes sanctions à leur encontre, confiance dans le comportement des autres garanti par une homogénéité culturelle et morale, renforcée par une éducation stricte et des peines sévères à l’encontre des déviants, mais surtout confiance en l’avenir, le sien et aussi celui des enfants à l’intérieur de ce sas entre chaque personne et la communauté nationale, première sphère de solidarité et premier vecteur de transmission, qu’est la famille. Les premiers devoirs des politiques sont d’une part de conserver l’héritage, matériel et spirituel, d’autre part de susciter un espoir qui guide le peuple vers un avenir positif. « Garantir ses arrières et envisager l’avenir avec sérénité » sont les deux piliers psychologiques sur lesquels s’appuie le citoyen. Plus on s’éloigne de ce modèle, plus la peur remplace la confiance, plus la démocratie s’étiole et meurt.
Or, notre propre pays passe d’une peur à l’autre, ballotté entre les inquiétudes et les angoisses, traversé par les frayeurs, envahi par la panique. Le président Macron a cru devoir utiliser la crainte légitime du virus pour se poser en « père du peuple » face à la catastrophe qui menace. Son espoir est évidemment d’améliorer son image. Mais plus profondément, comme Albert Camus le montrait, le risque de « La Peste » est l’un de ceux qui permettent d’aller du « chacun pour soi » à l’entraide, voire au sacrifice, de passer de l’exil au royaume, d’être solidaire plutôt que solitaire. Mais si la peur peut momentanément rassembler, elle ne peut consolider la démocratie : le pouvoir qui mobilisera contre elle s’empressera d’interdire, de contrôler, de faire reculer les libertés. Paradoxalement, l’Etat italien a du davantage restreindre les libertés de ses citoyens face aux virus qu’il ne le fait à ses frontières face à la vague migratoire. Face au terrorisme, et faute d’interdire l’entrée du pays aux islamistes, l’état d’urgence a, en France, surtout diminué les libertés publiques. Le comble de cette « politique de l’effroi » est atteint par l’idéologie soi-disant « écologique » qui ne cesse d’imposer des restrictions, des obligations, des interdictions au prétexte d’un danger planétaire imminent, qui n’est nullement prouvé.
La démocratie libérale ne peut reposer sur la peur de la liberté. La pente entretenue par des politiciens irresponsables nous en éloigne sans que nous n’en prenions suffisamment conscience.