Samedi dernier, Édouard Philippe, entouré du ministre de la Santé, de Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, et d’autres sommités médicales, nous assenait une conférence de presse aux allures de conférence à l’Académie de médecine. Des chiffres, des tableaux. Un festival « PowerPoint » impressionnant. « Opération transparence », titraient les journaux.
Mardi, Emmanuel Macron rendait visite à une usine de fabrication de masques de protection, près d’Angers. La scénographie guerrière se poursuit : un jour au front, au fond de la tranchée hospitalière, le lendemain à l’arrière, dans les usines d’armement. Les communicants doivent déjà réfléchir à la séquence remise de décorations. Une nouvelle médaille est peut-être même à l’étude, à moins que l’on ne ressorte la vieille médaille des épidémies créée en 1885 « au temps béni des colonies ». L’occasion, pour le Président, de faire la promotion de sa politique – on n’est jamais si bien servi que par soi-même. Et de pointer du doigt (on ne dit pas « stigmatiser », dans ce sens-là) les « celles et ceux » (qui nous dit, d’ailleurs, que ce « celles » n’était pas au singulier…) « qui cherchent déjà à faire des procès », les qualifiant d’« irresponsables », ajoutant, comme une promesse d’aube nouvelle : « Le temps de la transparence complète viendra. »
Qu’en déduire ? Qu’on ne nous dit pas tout, qu’on nous cache des choses – pour notre bien, évidemment. En temps de guerre, toute vérité n’est pas bonne à dire si l’on veut préserver le moral de la troupe et de l’arrière. Le seul problème, c’est que nous ne sommes pas en guerre. Le jour où elle sera là, la vraie guerre, comment devrons-nous alors l’appeler : l’apocalypse ? Au passage, notons qu’Emmanuel Macron souhaite que la France gagne « son indépendance pleine d’ici à la fin de l’année » en matière de masques de protection. Lorsque la vraie guerre sera là, qui nous fera cette même promesse pour nos fusils d’assaut ?
En tout cas, promettre la « transparence complète » pour plus tard semble bien maladroit de la part du Président. D’autant qu’un sondage, réalisé entre le 30 et 31 mars par YouGov pour Le HuffPost, vient de tomber : à la question « Pensez-vous que le gouvernement a dit toute la vérité sur l’épidémie de coronavirus », la réponse est « non » à 71 %. Visiblement, les potions vespérales du professeur Salomon ne sont pas suffisantes. Augmenter la posologie : matin, midi, soir ? Attention, tout de même, à la surmédication.
« Toute la vérité, rien que la vérité », promet-on devant le juge. Et devant les Français ? D’ailleurs, « qu’est-ce que la vérité ? », demandait Pilate à Jésus-Christ. Avant de s’en laver les mains… sans gel hydroalcoolique.