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Faut-il obéir au pouvoir et à ses lois injustes ?

Faut-il obéir au pouvoir et à ses lois injustes ?

Voici un texte écrit en 1938 par Don Luigi Sturzo, grand critique du totalitarisme, qui a toute son actualité en cette période de refus du culte public par le pouvoir :

« Quand on parle  de soumission aux pouvoirs constitués, on ne peut l’entendre au sens de soumission personnelle, mais seulement au sens de soumission légale, soumission qui est due à l’ordre établi, c’est-à-dire aux lois. Personne ne peut s’estimer solutus a lege (délié de la loi) pas même ceux qui sont investis de l’autorité. Mais l’obéissance ne peut se concevoir ni comme une obéissance de moine ni comme une obéissance d’esclave : l’obéissance est due seulement aux lois et ordonnances judiciaires et administratives ressortissant de l’application des lois. Si dans cette application les magistrats et les chargés d’offices excèdent leurs pouvoirs et pèsent injustement sur les citoyens, ceux-ci ont un droit de recours ou de non-exécution selon les cas. Les premiers chrétiens ne se comportaient pas différemment des autres citoyens de l’Empire ni des citoyens des cités d’aujourd’hui ; ils obéissaient aux lois (quand celles-ci n’étaient pas contraire à la morale chrétienne), et quand l’occasion s’en présentait, comme les autres ils revendiquaient leurs droits, tel saint Paul qui fit valoir sa qualité de citoyen romain en faisant appel à César (…) La résistance passive qu’ils firent aux lois antichrétiennes, en préférant la fuite ou le martyre à l’obéissance, ne fut pas causée par la perversité des empereurs, mais par leurs lois perverses. La loi, pour qu’elle oblige, doit être morale et juste ; la loi immorale et injuste n’impose pas. La loi immorale peut être positive si elle oblige à commettre un acte immoral (par exemple culte rendu aux faux dieux, stérilisation imposée à des personnes déterminées) ; négative si elle défend d’accomplir certains actes moraux (par exemple : culte du vrai Dieu, prédication de l’Evangile, actes publics du mariage religieux). L’action de la résistance à la loi peut être de deux sortes :a) politique et collective afin d’obtenir la révocation et la non obéissance de la loi. b) civile et personnelle de la part de celui à qui est faite l’injonction avec refus de s’y soumettre. L’obligation de la résistance politique incombe à tous les citoyens, selon la possibilité légale et les situations personnelles de chacun(…) Elle oblige avec une plus grande rigueur ceux qui ont d’office le devoir de défendre la religion et la moralité lorsqu’elles sont offensées, ou ceux qui, par profession sont appelés à mettre les lois à exécution (par exemple les médecins dans le cas de stérilisation obligatoire). Du devoir qui défend de collaborer au mal dérive celui, pour tous les fonctionnaires et employés de l’Etat, de refuser de travailler pour accomplir des actes immoraux commandés par leurs supérieurs hiérarchiques. Dans le cas d’une loi ou d’un ordre immoral de caractère négatif (par exemple récemment on interdit de prêcher ou d’enseigner le catéchisme dans la langue du pays dans la région du Haut-Adige et dans l’Italie, au Pays Basque, et il y a environ dix ans en Catalogne), il faut faire plusieurs distinctions- S’il s’agit seulement d’interdire l’exercice d’un droit, bien que cette interdiction soit une immoralité et une injustice, l’intéressé qui n’a aucun moyen de se défendre sur le terrain légal, peut, même si c’est à son dommage, renoncer au moins temporairement à ce droit. Par exemple renoncer à publier un livre ou un journal en une langue déterminée (ainsi que cela se passe aujourd’hui au Pays Basque). Mais s’il s’agit de l’interdiction d’exercer un ministère faite à celui qui a le devoir de le remplir (interdiction au médecin de soigner certains malades parce qu’ils sont juifs, obligation au curé d’une paroisse d’enseigner le catéchisme non en patois, mais dans la langue nationale que les enfants du peuple ne comprennent pas bien ou pas du tout), alors on ne peut pas obéir à la loi ou à l’ordre de l’autorité civile. »

Don Luigi Sturzo, « De l’obéissance aux pouvoirs constitués,  Réflexion sur le temps présent. » La vie intellectuelle, 10 septembre 1938, p. 404-410. (Extraits)

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