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La révolution est dans l’assiette

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Par Périco Légasse*

Alors que l’agriculture paysanne se met en ordre de bataille pour maintenir et renforcer les circuits courts malgré le confinement, que des élus, des associations de consommateurs, des citoyens engagés se démènent pour développer des réseaux de proximité, notamment avec l’installation de drives paysans, permettant aux Français d’accéder à des aliments de qualité tout en soutenant les producteurs émérites durant cette période de crise, une autre France, souvent la même à l’heure de la débâcle, se précipite vers les fast-foods ayant rouvert leur vente à emporter. Files interminables, malgré l’attente, pour arracher un petit paquet de merde saturé de sucres et de gras insalubres. Les scènes font frémir en ce sens que, quoi qu’il arrive, les addictions de masse vers la mal- bouffe semblent inscrites dans certains gènes sociétaux.

Tout continue donc comme avant... Les plus pessimistes considèrent en effet qu’au-delà des promesses politiques et des serments philosophiques, une fois l’ouragan calmé et quelques gestes symboliques concédés en guise de B.A., les vieux réflexes reprendront vite le dessus. Ni Wall Street ni les Gafam ne se laisseront si facilement déposséder des outils du profit néolibéral globalisé. Comptons sur leurs séides et leurs satrapes pour veiller au grain.

Il n’y a pourtant pas d’alternative – pour le coup, la formule est à reprendre dans une approche humaniste – si l’on veut sauver cette planète. Il faut repenser notre façon de consommer ou nous courons au chaos. Considérons que les dégâts collatéraux de cette pandémie ne sont qu’une première et gentille alerte au vu de la prochaine épreuve. Tous les indicateurs signalent que l’acte alimentaire est au cœur de cette révolution salvatrice.

Soulèvement alimentaire

Dans son ouvrage Pour une révolution délicieuse, le cuisinier Olivier Roellinger décrypte l’ampleur du fléau et en appelle à une sorte de soulèvement alimentaire si nos gouvernants se dérobent. Conscient de la tragédie en cours face à une pandémie d’obésité qui concerne 35 % des enfants et avec un Français sur deux en surpoids, et les risques corollaires de diabète, de maladies cardio-vasculaires, de cancers, de dépressions, le chef de Cancale se lamente que la France soit le pays où les enseignes de fast-foods réalisent leurs meilleurs scores financiers, que l’agriculture intensive représente, dans le monde, 30 % des gaz à effet de serre, que 75 % de la biodiversité ait disparu en Europe en cinquante ans, que chaque jour, un agriculteur se suicide dans notre pays, que 95 % des prises de poissons soient réalisées par 5 % des pêcheurs, que 30 % des terres arables soient asphyxiées par des intrants chimiques trop violents, que les valeurs nutritives des légumes et des fruits aient chuté de plus de 60 % en quarante ans, etc.

Après cet impitoyable inventaire et pour éviter le chaos, Olivier Roellinger propose la création d’un cercle vertueux, consenti et partagé, une initiative citoyenne solidaire qui permettrait au consommateur de reprendre son destin alimentaire en main en s’émancipant, autant que faire se peut et là où la solution existe, de tout ce que les lobbies industriels et distributeurs, avec leurs alliés de la finance, ont installé depuis des décennies pour aliéner le marché.

Les ravages économiques et sociaux du Covid-19 sont en train d’éveiller les consciences, encore faut-il savoir saisir la balle au bond. Il y a donc urgence à réunir de nouveaux états généraux de l’alimentation en évitant les mensonges et les duperies de ceux de 2017, et d’obtenir du pouvoir, avec le soutien de toutes les énergies concernées, de véritables mesures et résolutions nous permettant de sortir de l’impasse. La vraie révolution commence dans l’assiette.

Périco Légasse est critique gastronomique à Marianne. Il est un ardent défenseur d’une France enracinée, des paysans et des produits du terroir. Il anime une émission sur Public Sénat : Manger, c'est voter.

Source : Marianne 30/04/2020

http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2020/04/29/la-revolution-est-dans-l-assiette-6234129.html

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