photo Le film Contagion de Steven Soderbergh avec Matt Damon (2011) explorait déjà les ressorts d'une pandémie mondiale. Une peur réelle, sous-jacente, qui accompagne la mondialisation, révélée de façon récurrente par le cinéma.
Perdus dans les tracasseries d’un quotidien confiné, nombre d’entre nous n’y ont sans doute pas réfléchi plus loin que l’idée du déconfinement dont ils pensent ressortir pour retrouver leur quotidien d’antan.
Ce n'est pourtant pas exactement la logique des confineurs. Il n'est que d'avoir entendu Emmanuel Macron pour savoir que notre vie d'après sera autre. Le fait - que l'on parle de coronavirus, de covid 19, de pandémie ou autre - a engendré de multiples questions. Par la grâce d'internet et des réseaux sociaux, même les plus confinés ne peuvent aujourd'hui les ignorer. Certaines, faute de connaissance précise du sujet, sont aléatoires. Ainsi en est-il de la question du confinement. Le fait est que les pays parmi les plus riches ont été les plus confinés, mais aussi les plus touchés. Ce qui, évidemment, ne laisse pas que de poser des questions quant aux capacités de prévoyance de nos gouvernants - ou, pire encore, et nous y reviendrons, quant à leurs motivations.
On s'interroge également sur les modalités de contrôle des sorties, avec ces autorisations que chacun se donne à soi-même, pour des raisons qui, les semaines passant, s'allongent en futilités, et qui, sous prétexte de responsabilisation, frôlent surtout l'infantilisation, tant du contrôlé que du contrôleur à rapprocher du système des billets d'absence que pratiquait l'école dans ma jeunesse. Et sans oublier la délation qui, comme en toute période critique, enchante les âmes mesquines et jalouses.
L'aberration d'Hippocrate
De ces points, et d'un certain nombre d'autres, chacun - il est aisé de le constater - donne son avis, avec d'autant plus d'autorité souvent qu'il a moins de compétence. Et, après tout, il revient, normalement, à l'autorité civile de le décréter et au peuple, tout souverain qu'il soit, d'obéir.
Normalement... C'est là que nous entrons, plus radicalement, dans les questions gênantes. Gênantes, parce que les réponses qui y sont données, ne peuvent pas satisfaire un esprit normalement constitué.
La première est d'ordre médical, et concerne les traitements appropriés à juguler le coronavirus. On reste pantois de constater que, en cette période, les médecins ont été, souvent, empêchés de soigner leurs patients comme ils l'entendaient. Et qu'un grand nombre d'entre eux semble avoir été atteints par une sidération totale, consécutive à l'ingérence politique.
Car le politique, en bien des pays, s'est conduit en crétin ou, plus assurément, en despote. Sous l'avis de conseils scientifiques estimant qu'une maladie nouvelle exigeait des traitements nouveaux, et considérant peut-être des intérêts sonnants et trébuchants, les autorités politiques d'un certain nombre de pays ont quasi systématiquement bloqué l'utilisation de vieux médicaments facilement accessibles et peu chers, sous les prétextes que des protocoles d'études devaient être suivis, et que des risques secondaires pouvaient se présenter.
Tout le monde a entendu parler du Professeur Raoult. Et il est pour le moins stupéfiant qu'une certaine intelligentsia considère avec dédain et mépris un homme dont la réputation internationale lui permet de répondre tranquillement aux exigences despotiques qu'il vaut mieux traiter et guérir que tester de nouveaux médicaments non seulement onéreux, mais provoquant beaucoup plus d'effets secondaires indésirables et dont les résultats des tests ne seront disponibles, en tout état de cause, que bien après la fin de la pandémie.
Une affirmation d'autant plus forte que ses résultats, dûment enregistrés, montrent une victoire, sans quasiment de failles, sur la maladie. Que demander d'autre à un médecin ?
Éventuellement de tricher sur les chiffres des victimes du coronavirus. Certains hospitaliers ont en effet souligné qu'il leur avait été interdit de rechercher si un patient atteint dudit virus et finalement décédé avait pu mourir d'une autre affection. Pour quelle raison, si ce n'est d'impressionner (ou de terroriser ?) les foules par la magie noire des chiffres, quand bien même ceux-ci peinent à rivaliser avec les statistiques d'années antérieures sur d'autres maladies habituelles.
La débilité (visible mais apparemment volontaire) de la gestion politique transparaît de la même façon dans la question des masques, dont d'anciens stocks ont disparu, vraisemblablement détruits, et dont nous faisons désormais une commande de deux milliards à la Chine, stock immense qui commencera à être disponible fin juin, et dont un mathématicien pourrait sans doute s'amuser à calculer le temps qu'il faudra pour livrer totalement une telle quantité. Compte-tenu de la courbe actuelle de la maladie, l'opération paraît à peu près inutile. Et son coût insensé.
La manœuvre de Pékin
Puisque l'on évoque la Chine, il est temps d'en venir au fondement politique de l'actuelle crise. Il est évident, et tout le monde le dit, les Chinois l'admettent même partiellement et à mots couverts, que la dictature communiste (bon ! d'accord, c'est un pléonasme) chinoise a menti sur le sujet. Mais comme nos propres gouvernants ne sont pas non plus blanc-bleu, on passera l'éponge.
Quoi qu'il en soit, Américains et Chinois se sont balancé à la figure toutes sortes d'épithètes, histoire de convaincre la classe internationale que c'était l'autre le grand méchant responsable de la pandémie. Mais la sauce n'a pas pris, et l'on est sûr aujourd'hui, que le coronavirus est né en Chine.
Après, c'est le trou noir. Le plus simple, et le plus officiel, est d'accuser les marchands de viande de bêtes sauvages. Ça ne mange pas de pain, et les braves bêtes concernées vont connaître un répit sur l'échelle de la disparition des espèces.
Surtout, cela évite de poser de nouvelles questions sur le fameux laboratoire de Wuhan. D'autant plus gênant, ce laboratoire, qu'il a été exporté clef - et sans doute cochonneries en prime - en main par la France. Où l'on s'empresse de préciser qu'il a désormais échappé à tout contrôle.
Attention ! danger. On s'approche furieusement d'une théorie du complot. Et le complot, on le nourrit juste ce qu'il faut pour qu'il est l'air ridicule. S'il commence à avoir l'air sérieux, où allons-nous ?
Heureusement, l'OMS a volé au secours des Chinois en rejetant toute hypothèse incriminant la participation, même accidentelle (et tant pis pour les Américains), dudit laboratoire dans la pandémie. Le fait que l'actuel patron de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, ait été membre de l'organisation communiste révolutionnaire de son pays, l'Ethiopie, et que, reconverti dans la santé, il ait été le favori pour lui succéder de Margaret Chan, dont les mauvaises langues soulignent tout à la fois les mauvais résultats de l'OMS contre les épidémies sous sa présidence, et un alignement quasi systématique sur les vues chinoises, n'y est sans doute pour rien, n'est-ce pas ?
Ces considérations expliquent sans doute aussi la guerre commerciale entre Washington et Pékin, renforcée par l'impossibilité actuelle de mettre en place l'accord commercial difficilement accouché. Et la manne dont Trump a finalement décidé de priver l'OMS...
Le modèle communiste mondial
On oublie donc la Chine, ses mensonges et sa responsabilité. On la félicite, au contraire, pour sa réactivité à enfermer son peuple. Et on l'imite - pour notre bien, bien sûr. Le communisme comme modèle pour les démocraties occidentales, ça peut aller loin. Pékin en profite pour se rendre indispensable en nous fournissant du matériel médical. Et s'essaye à donner des mots d'ordre mondiaux, en évoquant, business oblige, une réouverture des frontières quand nous osons à peine prononcer ces mots.
En contre-partie, tout de même, on va lui faire payer la triste plaisanterie. Notamment, lorsque l'on décide d'annuler la dette africaine qui est détenue, pour un tiers, par la Chine...
À travers ces démêlés internationaux, semble se dessiner un nouveau monde. Et cela n'a rien à voir avec de l'empirisme organisateur. Parce que, curieusement, tout se passe, sinon pour la maladie elle-même, du moins dans la réponse politico-économique qui y est apportée, comme si tout (ou presque) avait été prévu.
On sait, par exemple, que le Forum économique mondial a, à l'automne dernier, et avec notamment le concours de la Fondation Bill et Melinda Gates, organisé à New York, un exercice de simulation d'une épidémie comme celle que nous venons de vivre.
De même, le 5 février dernier un projet de loi a été débattu en France sur les réponses à apporter à une épidémie. Son auteur, le sénateur LREM Michel Amiel, avouait y travailler depuis six mois.
Et l'on pourrait citer un nombre important de textes, publiés ces dernières années par de grandes organisations internationales, le Forum de Davos en tête, sur les réponses à apporter à une éventuelle pandémie, dont Jacques Attali, qui a le mérite d'écrire clairement pour le grand public, observait, à l'époque du H1N1 qu'une bonne petite épidémie pourrait avoir le mérite de régler la question des solutions à envisager. « On devra pour cela mettre en place une police mondiale, un stockage mondial et donc une fiscalité mondiale. On en viendra alors, beaucoup plus vite que ne l'aurait permis la seule raison économique, à mettre en place les bases d'un véritable gouvernement mondial », écrivait-il ainsi le 3 mai 2009.
L'ONU a été parmi les plus précis, dans un rapport présenté le 31 mars dernier par son secrétaire général Antonio Guterres, en appelant le monde, par l'intermédiaire de l'actuelle épidémie, à un « processus de renaissance », c'est-à-dire à une solution globale, et donc mondiale, pour « la construction de sociétés plus égalitaires et plus inclusives ». Avec, en pratique, la remise d'au moins 10 % du PIB mondial entre les mains des institutions internationales pour mener à bien ledit processus !
Écroulement économique
Qu'importe ! La seule économie française perd actuellement deux milliards d'euros par jour. Et nous avons dépassé la barre des dix millions de chômeurs. Quant à ceux qui n'ont pas de problèmes, ils ne perdent rien pour attendre. Au nom de la CFDT Laurent Berger a d'ores et déjà demandé l'instauration d'un « impôt exceptionnel » pour les groupes qui n'ont pas été touchés par la crise. Et l'on reparle de la loi autorisant la ponction des comptes bancaires, légale en France depuis le 1er janvier 2016. En bref, l'ONU n'a pas de souci à se faire... Je n'ai pas écouté le discours macronien du 13 avril, me contentant de le lire. Je ne supporte plus ses mimiques autoritaires, et ce ton aseptisé et doucereux du type louche qui propose un bonbon à une vieille fille...
Mais il ne dit rien d'autre. Comme un certain nombre de commentateurs, j'ai été frappé - je veux dire révolté par cène phrase « Le Gouvernement présentera d'ici quinze jours, sur la base de ces principes, le plan de l'après 11 mai et les détails d'organisation de notre vie quotidienne. »
Le terme de dictature n'a plus de sens. Il est devenu l'incarnation la plus haute des démocraties les plus évoluées.
Nous sommes confinés. Nous ne sortons plus que sur justificatif, et si possible, masqués. Sans identité, en quelque sorte, sinon celle de clone du monde en devenir. Nous ne nous approchons plus de personne. C'est la distanciation sociale, qui est en réalité, une destruction du lien social. Comme le sont les règles barrière. Et nous jetons un regard sombre au confiné en permission qui, devant nous, repose une boîte de conserve dans son rayon, après l'avoir touchée. Nous allons même jusqu'à dénoncer le voisin qui va jeter ses ordures à la poubelle, de l'autre côté de la rue, sans avoir emporté son autorisation auto-formulée.
Nous ne rendons plus visite à nos anciens. Pour ne pas les contaminer, nous les faisons mourir de solitude.
Nous ne rendons plus visite à Dieu qui, c'est une justice à rendre à l'Histoire, a toujours été le Grand Pestiféré de toutes les dictatures.
Nous ne sommes quasiment plus, de fait, des êtres humains. Je finirai par croire Rousseau l'homme naît bon - peut-être, ou peut-être pas. Mais en revanche, après l'avoir avachi, décervelé, la nouvelle société le déshumanise - ce qui est le summum de la corruption.
Dans le canton où je suis confiné, il n'a pas été fait mention, affirment des membres du corps médical, d'un seul cas de coronavirus. Mais nous nous surprotégeons. Nous ne serrons plus la main de notre voisin. À peine si nous osons le saluer de loin. Et nous n'embrassons plus nos filles.
Nous avons peur peur de l'autre.
En revanche, nous avons appris à nous laver les mains...
Olivier Figueras Monde&Vie mai 2020