« Ce n’est pas Monsieur de La Tour du Pin qui est de l'Action Française ; c'est l'Action Française qui est de La Tour du Pin » (Maurras). La place du commerce et plus largement de l'économie dans la société a de tous temps été l'objet de débats. Aujourd'hui, l'économie mène le monde. Elle est au-dessus de la politique. Ne dit-on pas que nous sommes dans une « société de consommation » ? Les conséquences de cette société sont importantes pour chacun d'entre nous. Pas seulement parce que nous sommes tous des consommateurs, mais surtout parce que notre statut (d'employé comme de patron) en dépend. La Révolution et notre société placent l'individu isolé face à un monde en quête uniquement de jouissance. Les abus, l'exploitation apparaissent très vite. La vie sociale ou économique, son organisation, ses lois, ses limites doivent nous préoccuper.
Nous avons aujourd'hui des lois sociales, des associations professionnelles, des syndicats, etc, mais ce n'a pas été toujours le cas. Lors de l'industrialisation de la France, l'ouvrier, le salarié se retrouva dans la misère. Notre époque ne paraît pas aussi terrible. Il y a néanmoins une crise économique, une crise du travail. « La mondialisation est-elle une fatalité ? » titre M. Guillemaln pour un colloque.
Me Antoine Murât, déjà auteur du Catholicisme social en France. Justice et charité (éditions Ulysse 1980), nous offre fort à propos, avec La Tour du Pin en son temps (1) une introduction à la pensée de l'un de nos plus grands « catholiques sociaux », dont Léon XIII s'inspira pour rédiger son encyclique Rerum novarum.
René de La Tour du Pin fut en effet à l'origine du mouvement du catholicisme social. Engagé dans l'œuvre des cercles catholiques d'ouvriers aux côtés d'Albert de Mun, de Maurice Maignen, il désire non pas secourir charitablement les ouvriers, mais leur apporter un juste revenu, une vie décente. Organisations, lois, associations, tout va être mis en œuvre pour atteindre cet objectif. Il faut se battre contre les puissances financières, contre les socialistes qui s'opposent à toute avancée dans la législation du travail pour garder leur emprise sur le prolétariat. Les thèmes d'étude ne manquent pas :justice et charité, salaire et contrat de travail, questions agricoles, biens de famille, propriété immobilière, capitalisme, usure, corporations.
Deux erreurs guettent le volontaire de ce travail rester sur le plan purement doctrinaire et ne pas tenir compte des prédécesseurs dans le domaine. La Tour du Pin, comme le souligne Me Murât, a constamment cherché non seulement à établir des règles, mais à les appliquer à les pratiquer C'est avant tout par l'observation qu'il établit ses règles, proposant ensuite des moyens concrets de les mettre en œuvre. Méthode que Maurras mettra en avant sous le nom d'empirisme organisateur.
Cette méthode, La Tour du Pin la tient d'un de ses maîtres, Frédéric Le Play Novateur dans le domaine social, La Tour du Pin ne l'est pas dans l'étude. En reprenant des travaux plus anciens, il progresse davantage car il n'a pas à tout rechercher Me Murât insiste sur ce point dans le chapitre concernant le Sillon, mouvement de jeunes catholiques motivés mais qui ont superbement ignoré leurs prédécesseurs, dont La Tour du Pin. Erreur qu'il ne faudrait pas renouveler aujourd'hui. D'où l'importance de l'ouvrage que nous livre Me Murât. Sa lecture ne peut qu'encourager notre travail, l'étayer C'est un livre somme toute indispensable à quiconque s'intéresse à l'économie.
René de Surville. Écrits de Paris N° 715
(1) Antoine Murât, La Tour du Pin en son temps. 384 pages, 29 €. Via Romana éd., 5 rue Maréchal Joffre, 78000 Versailles.