À 130 ans de la naissance, 80 ans de l’ « Appel » et 50 ans de la mort
I. Le militaire, l’homme de lettres et le Chef de la France libre
Depuis le début de la pandémie, essayistes, journalistes et politiciens répètent en boucle qu’« une nouvelle page de l’histoire s’est ouverte », « que rien ne sera plus comme avant » et qu’« il faut préparer le monde d’après ». Courtisans et flagorneurs médiatiques laissent accroire que la crise a été gérée de main de maître par les autorités, sans parvenir à endiguer le déluge de critiques acerbes. L’imprévoyance, l’irresponsabilité, la gestion tardive et erratique de la crise sanitaire ont été constamment pointées du doigt. Beaucoup d’observateurs ont annoncé la fin de la mondialisation heureuse et de la dictature des marchés, la mort de Maastricht, de l’Europe néolibérale et de la globalisation, le glas du capitalisme financier, l’effondrement écologique, pire, le signal de la « convergence des catastrophes ». Des pessimistes, tels le philosophe Marcel Gauchet ou l’écrivain Michel Houellebecq, présagent que « rien ne changera », bien au-contraire, « nous ne nous réveillerons pas, après le confinement, dans un nouveau monde », mais « ce sera le même, en un peu pire ».
Des personnalités « officielles », réputées jusqu’ici bien-pensantes, parmi les plus inattendues, s’emparent des idées de l’adversaire alors qu’elles les ont jusque là écrasées sous le poids du mépris. Effectuant un virage à cent quatre vingt degrés, les voilà qui proclament l’urgente nécessité de reconsolider les nations, de relocaliser la production, de récupérer l’autonomie et l’indépendance de l’État-stratégique afin de répondre aux nécessités d’un monde devenu multipolaire. D’autres, plus irréductibles, les « mondialisateurs » convaincus, les « progressistes » autoproclamés (en fait des néoconservateurs, néolibéraux et néo-sociaux-démocrates bloqués sur des rêveries passées), ne veulent voir dans la crise que la démonstration du besoin impérieux de relancer au plus vite une version actualisée, réformée de la « gouvernance » mondiale et du « grand marché » de l’UE. À les entendre, le maintien de la liberté de circulation des capitaux et des personnes, la défense de l’euro, la régularisation des « sans papiers » (les immigrés clandestins), et surtout, le précepte « ne pas fermer les frontières », dogme clé de l’idéologie libérale-libertaire, restent des exigences incontournables, irréfutables.
Bref, chacun y va de son analyse et de sa prédiction en fonction de sa grille de lecture idéologique. Avec ou sans « guerre contre l’épidémie », le combat métapolitique et culturel ne connaît pas de trêve. « Quand la crise sera passée, s’imaginent certains, le sommet de l’État devra rendre des comptes !». On peut toujours rêver sur les intentions. Ne disait-on pas en 1940, au lendemain de la déroute, et en 1945, après la Libération, que les responsables devaient être jugés? Et finalement qu’a-t-on vu ? Rien, ou presque rien, sinon des politiciens et des militaires qui se sont renvoyés la balle invariablement; quatre-vingts ans de débats et de recherches sur les causes et les responsabilités de la défaite sans parvenir à un semblant de consensus entre les historiens.
Le hasard fait que 2020, année de rupture et de débâcle sanitaire – qui aura mis davantage en lumière l’ampleur de la crise générale (politique, économique, culturelle et morale) -, coïncide avec la triple commémoration du général Charles de Gaulle, sa naissance le 22 novembre 1890, l’appel du 18 juin en 1940 et sa mort le 9 novembre 1970. De Gaulle qui est, avec Napoléon, en France et hors de France, le plus célèbre des Français, avant Saint Louis, Louis XIV, Jeanne d’Arc, Clémenceau, Molière, Racine, Pasteur et bien d’autres. De Gaulle qui, dans l’opinion publique de l’Hexagone, fait figure de géant parmi les nains, malgré ses choix souvent controversés et ses procédés parfois machiavéliques. De Gaulle dont les qualités d’homme d’État ne sauraient être contestées au regard de l’Histoire, en dépit des récriminations sempiternelles, litaniques et rageuses des gaullophobes, toujours prêts à fulminer contre « l’ambition, la présomption, la vanité, la morgue, le mépris, l’arrogance, l’égocentrisme, la rancœur, le ressentiment, l’ingratitude, la mesquinerie, l’esprit de division, le despotisme, etc. », du « Connétable », du « Sot en Hauteur », du « Double-Mètre », de la « Grande Asperge », sans oublier bien sûr les extravagantes invectives contre « l’adepte du totalitarisme », le « fanatique nationaliste anti-américain », le « suppôt du communisme », l’ « allié du FLN », l’ « apprenti dictateur », le « général fasciste »… et cœtera… et cœtera.
De Gaulle, qui tranche avec la médiocrité de ses successeurs par ses actes, son charisme, son énergie, son volontarisme, sa rectitude, son honnêteté et sa moralité sans reproche. De Gaulle l’homme d’État intègre, incorruptible, qui se méfiait du luxe et de l’argent, abhorrait les prébendes, les passe-droits, le piston et mettait un point d’honneur à payer de sa poche les factures d’électricité de ses appartements privés à l’Élysée[1]. De Gaulle, enfin, le grand méconnu, le mal connu, l’apôtre de la Troisième voie entre libéralisme et socialisme, dont la pensée politique a été honteusement dénaturée, bassement trahie, vidée de son contenu idéologique, réduite à une attitude conventionnelle (le prétendu « amour de la France » et le « refus de la fatalité » ne servant plus qu’à camoufler l’abandon et le renoncement au quotidien), ramenée à un vulgaire pragmatisme voire opportunisme, mélange de néolibéralisme (Balladur, Sarkozy) et de néo-social-démocratisme (Chirac, Juppé), à mesure que le personnage était loué, mythifié et instrumentalisé par l’ensemble de la classe politique.
Souvenons-nous de ces quelques mots tirés des Mémoires de Guerre du Général: « Puisque tout recommence toujours, tout ce que j’ai fait sera, tôt ou tard, une source d’ardeurs nouvelles après que j’aurai disparu ». À l’occasion de la triple commémoration gaullienne, il n’est peut-être pas inutile d’évoquer les principaux faits et dates qui ont marqué la vie et l’action de Charles de Gaulle et de rappeler les grandes lignes de sa pensée politique. Il faut bien évidemment éviter le double écueil de l’apologie et de la diatribe, de l’hagiographie et du dénigrement, même si, en la matière, ce n’est pas une mince affaire. Efforçons nous donc d’être, sinon parfaitement objectif, du moins rigoureux, honnête et désintéressé.
De 1962 à 1969, alors que j’étais un jeune citoyen lambda, j’ai vu, entendu et suivi fidèlement le premier président de la Ve République française. La quasi-totalité des étudiants de ma génération – du moins les militants et les plus politisés – l’exécrait ; pour ma part, j’étais au nombre de ses dévots en 1968. Depuis, j’ai bien sûr pris du recul avec l’âge ; je connais les succès de Gaulle, je le tiens pour « la dernière grande figure de l’histoire de France », mais je reconnais aussi, sans réserves, ses flottements et ses erreurs. On peut être un admirateur du Grand Charles et/ou un sympathisant du gaullisme historique ou philosophique, considérer que De Gaulle avait raison et qu’il était visionnaire (pour reprendre le titre suggestif du livre de Gérard Bardy), sans pour autant être gaulloâtre.
Si l’on veut prendre la mesure du caractère hors du commun, exceptionnel, du personnage, il suffit de se référer à quelques ouvrages majeurs. Il y a bien sûr ceux des sympathisants déclarés comme Michel Tauriac, Arnaud Teyssier, Jean-Paul Bled, François Broche, Éric Branca, Chantal Morelle, Paul-Marie de la Gorce, Alain Peyrefitte ou François-Georges Dreyfus ; il y a ceux des antigaullistes repentis, comme les ex-communistes et ex-socialistes marxistes Max Gallo et Régis Debray, l’ex-admirateur des Khmers rouges, Jean Lacouture ou l’ex-président de l’Institut Mendés France, Éric Roussel. Il y a aussi la biographie de l’historien britannique, Julian Jackson qui, au risque de forcer un peu le trait, assure : « En France c’est une figure encore plus vénérée que Churchill en Grande Bretagne ». Il y a enfin, des ouvrages très critiques, comme celui de l’ex-militant de l’OAS, Dominique Venner, auteur de l’un des plus sévères réquisitoires, qui reconnaît néanmoins du bout des lèvres « la stature » d’un « personnage hors série ».
De Gaulle, militaire et homme de lettres
Charles de Gaulle naît à Lille, le 22 novembre 1890, au sein d’une famille de petits hobereaux voire de la vieille bourgeoisie française, catholique, monarchiste-légitimiste, ralliée récemment à la République. Il est le fils de Jeanne Maillot et d’Henri de Gaulle, fonctionnaire, avocat à la cour d’appel de Paris, professeur de lettres, d’histoire et de mathématiques au lycée Stanislas. Charles, troisième des cinq enfants du couple, fait ses études primaires et secondaires à Paris dans des institutions privées catholiques. En 1909, il est reçu 119e à Saint Cyr dont il sort au 13e rang de sa promotion, en 1912. Le jeune sous-lieutenant est alors affecté au 33e Régiment d’infanterie que commande le colonel Philippe Pétain. Pendant près de vingt ans, le futur Maréchal, qui le note favorablement et lui voit même « les plus belles espérances pour l’avenir », sera pour de Gaulle un modèle.
Le 15 août 1914, moins d’un mois après la déclaration de guerre, le jeune lieutenant de Gaulle est blessé à Dinant. Décoré de la croix de guerre en janvier, il est blessé à la main dans la Somme en mars et promu au grade de capitaine le 3 septembre. Le 2 mars 1916, il est à nouveau blessé, cette fois à la cuisse, et fait prisonnier à Douaumont. Malgré cinq tentatives d’évasion, il restera détenu en Allemagne jusqu’à la fin de la guerre, le 11 novembre 1918.
En juillet 1920, de Gaulle est affecté à l’état-major du général Weygand, qui participe aux opérations de l’armée polonaise sur la Vistule. Elles ont pour but de contenir l’armée rouge qui a envahi la Pologne. De retour en France, il est chargé de donner des cours d’histoire à Saint-Cyr, en février 1921. Le 6 avril de la même année, il épouse Yvonne Vendroux, fille d’un industriel de Calais, avec qui il aura trois enfants (Philippe, Élizabeth et la petite Anne, qui malheureusement restera handicapée mentale toute sa vie et mourra d’une broncho-pneumonie à l’âge de vingt ans). À l’École de guerre, où il entre en 1921, l’indépendance d’esprit à tôt fait de lui attirer l’inimitié de quelques professeurs qui le notent sévèrement à la sortie en 1924. Connu lui aussi pour un trait de caractère semblable, le Maréchal Pétain s’en émeut et le fait savoir. Son intervention conduit vraisemblablement à une rectification des notes.
1924 est l’année où de Gaulle, excellent connaisseur de la langue allemande, publie son premier livre La discorde chez l’ennemi. Il y explique les derniers mois de la guerre et les causes de la défaite de l’ennemi. À l’état-major de Pétain, le colonel Laure lit les écrits du jeune capitaine ; il sait que les belles plumes ne sont pas légions dans l’armée et recommande donc son nom au Maréchal, vice président du conseil supérieur de la guerre. Invité à travailler dans son équipe, le 1er juillet 1925, de Gaulle est chargé de rédiger des projets d’articles et de discours et même d’écrire un livre sur Le Soldat que Pétain médite depuis quelque temps. Satisfait des premiers essais, le Maréchal se limite à demander quelques changements. Douze ans plus tard, le projet de ce livre sera un motif de rupture entre les deux hommes.
Pendant l’été 1926, le maréchal Pétain emmène de Gaulle dans une tournée de repérage des sites fortifiés à l’Est : « Je vais, écrit-il, parcourir le front avec l’officier le plus intelligent de l’armée française, pour savoir ce qu’il aurait fait si, face à moi, il avait été le Kronprinz ». En avril 1927, à la demande de Pétain, de Gaulle prononce trois conférences dans le grand amphithéâtre de l’École supérieure de guerre. À l’automne, il renouvelle ses conférences à la Sorbonne, sur l’invitation du Cercle Fustel de Coulanges, une organisation satellite de l’Action Française. Promu au grade de chef de bataillon en septembre, il part ensuite prendre le commandement du 19e bataillon de chasseurs à Trèves.
De 1929 à 1931, de Gaulle est affecté à Beyrouth au service du renseignement (2e et 3e bureaux) de l’armée du Levant. De son expérience, il tirera un ouvrage coécrit avec le commandant Yvon Histoire des troupes du Levant, publié en 1931. De retour en France, il est nommé à la 3e section du secrétariat du Conseil supérieur de la défense nationale. En juillet 1932, de Gaulle publie Le fil de l’épée dans lequel il reprend et complète les conférences données à l’École de guerre. Dans sa dédicace, effacée en 1945, il manifeste sa reconnaissance à Pétain : « Cet essai, Monsieur le Maréchal, ne saurait être dédié qu’à vous, car rien ne montre mieux que votre gloire quelle vertu de l’action peut tirer des lumières de la pensée. » Sur l’exemplaire numéro un, il ajoute de sa main « hommage d’un très respectueux et très profond dévouement ». En 1934, paraît un livre appelé à devenir fameux Vers l’armée de métier, dans lequel de Gaulle défend la création d’une armée de métier puissamment motorisée et mécanique. Il rencontre à la même époque l’ex-vice-président du Conseil des ministres, Paul Reynaud, membre l’Alliance démocratique, parti de droite modérée, et devient peu à peu son conseiller en matière de défense et de stratégie. Chargé de cours au Centre des hautes études militaires, de 1935 à 1936, de Gaulle est par la suite affecté au commandement du 507e régiment de chasseurs de chars de Metz et promu colonel en décembre 1937.
En septembre 1938, de Gaulle publie La France et son armée, ouvrage dans lequel il retrace les épisodes guerriers de la France. Nous reviendrons sur les circonstances difficiles et ambigües de cette publication. Le 2 septembre 1939, la veille de la déclaration de guerre de l’Angleterre et de la France au Reich (3 septembre), le colonel de Gaulle est nommé commandant par intérim des chars de la Ve Armée dans la région Lorraine-Alsace. Le 10 mai 1940, après huit mois de « drôle de guerre », la vraie guerre commence. En moins de cinq jours, le 19e corps blindé de Guderian franchit la Meuse au sortir des Ardennes (le 12 mai) et enfonce la défense française dans le secteur de Sedan (le 14 mai). Le 19 mai, devant l’ampleur du désastre, Reynaud (président du conseil depuis le 22 mars) destitue le général en chef Gamelin et nomme généralissime Maxime Weygand (73 ans) à sa place. Simultanément, le 18 mai il rappelle de son ambassade à Madrid le vieux maréchal Pétain (84 ans) et le fait entrer au gouvernement en qualité de vice-président du conseil des ministres.
Le 17 mai 1939, de Gaulle a lancé la contre-offensive de Montcornet près de Laon, à la tête de la 4e DCR, la plus belle unité blindée française. Se heurtant à l’arrière-garde de la 2e Panzer, il lui a fallu se replier avec de lourdes pertes, l’ennemi ayant décimé les deux tiers de ses blindés. Le 25 mai, Reynaud et le général Weygand nomment de Gaulle général de brigade et commandant par intérim de la quatrième division cuirassée de réserve. Le 28 mai, de Gaulle mène une nouvelle offensive contre le nœud de communication d’Abbeville. Mais après une progression sensible de ses chars les allemands se ressaisissent. En 10 jours, la 4e DCR perd 40% de ses effectifs et atteint la limite de l’épuisement. À Dunkerque, l’évacuation des troupes britanniques et canadiennes est effectuée entre le 24 mai et le 4 juin. Le 6 juin, Reynaud confie à de Gaulle le portefeuille de sous-secrétaire d’État à la guerre. Celui-ci se rend le 9 juin à Londres pour rencontrer Churchill et obtenir des renforts aériens.
Le 10 juin 1939, coup de poignard dans le dos, l’Italie déclare la guerre à la France. Dans la soirée du 13, on évoque au conseil des ministres un possible transfert du gouvernement en Afrique du Nord, mais le projet est rejeté comme l’a été plus tôt l’idée d’un réduit en Bretagne, jugée irréaliste à partir du moment où l’armée française est défaite. Pétain, vice-président du conseil, refuse catégoriquement tout projet d’exil gouvernemental. Pour lui, abandonner le territoire français, s’exiler, c’est déserter. Deux clans se forment, l’un, favorable au départ vers l’Afrique et l’Empire, autour des radicaux Édouard Daladier, Édouard Herriot et Jules Jeanneney, l’autre, pour le maintien en France, autour du radical-socialiste Adrien Marquet et du transfuge du parti socialiste (SFIO) passé au centre-droit Pierre Laval.
Le 14 juin, de Gaulle est à nouveau chargé de la mission difficile d’obtenir d’indispensables renforts de l’Angleterre mais sa gestion à Londres reste infructueuse. Lorsqu’il rentre à Bordeaux, où s’est retiré le gouvernement de Paul Reynaud, il est porteur d’une offre surprenante de Winston Churchill, dont Jean Monnet futur agent des américains semble à l’origine : l’union politique de la Grande-Bretagne et de la France. Suscitant la méfiance du conseil des ministres, en raison de la situation catastrophique de la France et de son déséquilibre face à la Grande-Bretagne, la proposition de fusion des deux nations au sein d’une nation franco-britannique est vite écartée.
Sur le front, la débâcle se confirme. Neuf millions de civils sont dispersés sur les routes. 2 millions de prisonniers se sont déjà laissé capturer. Le 14 juin 1940, les Allemands entrent dans Paris ville ouverte. Le 15, Paul Reynaud exprime la possibilité de mettre un terme aux hostilités. Il mentionne même pour la première fois en Conseil des ministres le mot « armistice ». Le radical-socialiste César Campinchi, ministre de la Marine (qui a été appelé à cette fonction par Léon Blum et Camille Chautemps), exprime lui aussi l’avis qu’il convient d’entamer rapidement des pourparlers avec les Allemands et demande si un homme qui n’aurait pas été mêlé aux luttes politiques de l’avant-guerre ne serait pas davantage susceptible de faire accepter cette terrible solution au pays. Ce jour-là, l’idée d’un armistice est posée par deux parlementaires (un de gauche, Campinchi, et un de droite, qui fera plus tard marche arrière, Reynaud). Les deux désignent l’homme qui pourrait le faire le mieux, le vieux Maréchal Pétain de quatre-vingt-quatre ans !
À la sortie, Reynaud va droit à Weygand : « Général ainsi que nous en avons convenu tout à l’heure vous allez demander la capitulation de l’armée ». Weygand, d’accord avec Pétain, pousse des hauts cris, c’est hors de question : la capitulation est un acte militaire de reddition, l’armistice est un acte politique qui met fin aux hostilités sans mettre définitivement fin à l’état de guerre. La capitulation ferait endosser la défaite aux militaires, ce serait une infamie. Elle placerait le pays à la merci du vainqueur. L’armistice en revanche, accord politique de cessez-le-feu résultant d’une négociation, peut permettre de ménager les intérêts du vaincu.
De Gaulle, chef de la France libre
Le 16 juin 1940, Paul Reynaud (désormais partisan de la continuation de la guerre en Afrique du Nord mais mis en minorité) présente sa démission, après avoir conseillé au Président de la République, Albert Lebrun, de s’adresser au Maréchal Pétain pour constituer un gouvernement. D’après Lebrun, c’est avec l’accord des présidents des chambres, Édouard Herriot (Chambre des députés) et Jules Jeanneney (Sénat), qu’il fait appel au Maréchal, lequel aurait accepté de constituer un gouvernement d’union nationale allant des conservateurs aux socialistes. Le lendemain, par l’intermédiaire de l’ambassadeur d’Espagne à Paris, José Félix de Lequerica, Pétain fait demander un armistice à l’Allemagne. Le 17 juin à l’aube, la demande française d’armistice parvient au quartier général allemand. Le même jour, à neuf heures du matin, de Gaulle quitte Bordeaux pour Londres dans l’avion du général Spears, représentant personnel de Churchill en France.
À suivre