En 2017, ils étaient arrivés à plus de trois cents, à la fois dans l’Hémicycle et l’allégresse. En 2020, les effectifs ont dégringolé à 265 et le groupe LREM a perdu la majorité absolue.
Pour tout arranger, Gilles Le Gendre, ancien patron de ce groupe parlementaire, a été poussé à la démission à la mi-juillet dernière. La raison ? En plein remaniement ministériel, l’hebdomadaire Marianne a mis la main sur une note écrite et signée de sa main, enjoignant Emmanuel Macron de se passer des services d’Édouard Philippe à Matignon. Une chute sans gloire, donc ; doublée d’une gaffe, comme dirait Gaston.
Pour remplacer un homme d’un tel calibre, il fallait évidemment une personnalité d’envergure. Ça tombe bien, le mouvement présidentiel en a tant en réserve qu’il ne sait plus qu’en faire. D’où cette triangulaire opposant ces figures tutélaires que sont Christophe Castaner, Aurore Bergé et François de Rugy.
Au premier tour, Castaner recueille 97 voix, contre 81 et 59 pour Bergé et Rugy. Et c’est là qu’on sent le redoutable génie manœuvrier de l’ancien ministre de la Transition écologique. Logique : en tant que président de l’Assemblée nationale, il fut un temps le quatrième personnage de l’État. Dommage qu’il ait dû, lui aussi, démissionner pour de vilaines histoires de repas privés donnés à l’hôtel de Lassay, à grand frais et à ceux du contribuable, surtout.
Bref, François de Rugy indique qu’il votera « à titre personnel » pour Aurore Bergé, sachant « qu’au-delà des différences de parcours et de positions », il lui fait crédit « d’une constance dans la volonté de faire évoluer notre organisation ». Pour être plus précis, cette « constance » qu’ils ont de commun a souvent plus consisté à faire « évoluer » leurs plans de carrière respectifs.
Ainsi, en 2017, lors de la dernière élection présidentielle, François de Rugy, s’engage résolument derrière Benoît Hamon, vainqueur de la primaire de la gauche, pour, dans la foulée, faire don de sa personne à Emmanuel Macron. De la même manière, Aurore Bergé aura lâché Valérie Pécresse pour François Fillon et finalement rejoint Emmanuel Macron après un détour chez Alain Juppé. Plus « constant », on ne fait pas.
Seulement voilà, il est fréquent que les plans les plus soigneusement goupillés puissent ne pas résister à l’épreuve de la réalité. Laquelle a poussé 145 macronistes à voter Christophe Castaner, passant outre les consignes de François de Rugy, mais laissant tout de même 120 de leurs collègues apporter leurs suffrages à celle qui comptait sur cette présidence du groupe pour se refaire la cerise, ayant été la grande oubliée du dernier remaniement ministériel.
Du coup, c’est l’ex-ministre de l’Intérieur qui retrouve quelques couleurs – pas celles que procure la vodka-pomme, on précise, histoire de couper l’herbe sous le pied aux mauvais esprits – et même de nouveaux amis. Laurent Saint-Martin, le député du Val-de-Marne, par exemple, qui loue « la maturité politique » et « l’autorité naturelle » de ce marcheur historique. Encore un qui doit avoir un truc à se faire pardonner ou un service à demander…
Sa « maturité politique », son « autorité naturelle », c’est effectivement ce qui vient illico à l’esprit quand on évoque la stature de l’homme. La première aura consisté à se faire poisser par les photographes de Voici, tel le premier rappeur venu, passablement éméché et en train de mettre le feu au dance floor d’une boîte de nuit. La seconde n’a pas tout à fait sauté aux yeux des policiers lors de son passage place Beauvau, semble-t-il.
Quoi qu’il en soit, le navire LREM s’est offert un nouveau capitaine. Bon choix : cet homme à l’incroyable talent devrait accomplir des merveilles sur ce Titanic présidentiel en forme de bateau ivre.
Nicolas Gauthier