La sujétion des femmes en islam s'explique-t-elle seulement par un machisme méditerranéen, ou plonge-t-elle ses racines dans le Coran et les textes. Le plus simple pour le savoir est de se renseigner à la source.
« Nous l’avons dit, nous sommes loin d'appliquer comme il se doit les enseignements de l'islam en ce qui concerne les droits et le rôle des femmes dans nos sociétés. Les discriminations sont légion et dans tous les domaines éducation, mariage, travail etc. »
Ces lignes ont été publiées dans un petit opuscule de 80 pages par Tariq Ramadan, petit-fils de Hassan al-Bannâ, fondateur des Frères musulmans, qui sont à l’origine de l'islamisme. Ramadan lui-même est le maître à penser des fondamentalistes musulmans de l'Union des Organisations Islamiques de France (UOEF). Ses propos laissent entendre que l'assujettissement des femmes dans les sociétés musulmanes serait la conséquence de dérives fâcheuses. Pour s'en assurer, le mieux est de se reporter aux textes fondateurs sur lesquels est bâtie la religion musulmane. Ils sont de plusieurs ordres le Coran, livre de la Révélation mais aussi la sunna (Tradition), qui rassemble les « dits du Prophète » (hadiths) la charia, Loi divine qui s'appuie à la fois sur le Coran et la sunna et le fiqh, jurisprudence musulmane précisant la charia.
Concernant la tenue des femmes, par exemple, le Coran enseigne : « Dis aux croyantes de garder leurs regards baissés, de cacher leurs parties secrètes, de ne laisser voir de leur parure que ce qui est extérieur, de serrer leurs voiles sur leur poitrine, de ne laisser voir leur parure qu'à leurs époux, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs époux, ou à leurs fils, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères ou de leurs sœurs ou de leurs femmes, et à ceux qui possèdent leurs droits » (les esclaves eunuques). Hors de leur logis aussi, les femmes doivent être voilées : « Prophète, dis à tes épouses et à tes filles et aux femmes des croyants qu’elles rapprochent sur elles leurs voiles. Cela affirmera leur qualité et empêchera qu on leur fasse affront. » (XXIII, 59)
Frappées avec plus de modération que le chameau
Le Coran consacre par ailleurs la supériorité des hommes, qui sont au-dessus des femmes « d'un degré ». Il la protège en la réputant propriétaire ou créancière de sa dot, ce qui lui assure une indépendance financière. Il protège également son consentement au mariage : la femme doit être assistée d'un tuteur testimonial qui atteste de son libre consentement. Cette garantie ne joue pas si elle est mineure ou vierge dans ce cas, son père ou son aïeul, « tuteur maître de contrainte », peut la marier sans son consentement, mais c'est là « une question qui n'a pas été réglée par le Coran et que la doctrine discute », précise dans son ouvrage sur « Mahomet » Maurice Gaudefroy-Demombynes, qui y voit une survivance d'un usage pré-islamique, dont le Prophète lui-même a bénéficié en épousant Aïcha.
Le mariage n'en place pas moins la femme sous l'autorité du mari. En contre-partie, celui-ci a des devoirs : il doit à sa femme nourriture et vêtement. Selon le Coran, « Les hommes ont la haute main sur les femmes selon la supériorité qu’Allah a donné aux uns sur les autres et en compensation de ce qu'ils dépensent sur leurs biens. Les femmes vertueuses sont fidèles, conservatrices pour l’absence de ce qu Allah conserve. Celles dont vous craignez les écarts, corrigez-les et isolez-les dans leur lit et frappez-les. Mais si elles vous obéissent, n'usez pas envers elles de répression » (IV 34). Admirable longanimité.
« La tradition oppose la tenue discrète des femmes de Mekke à l'impudence des Médinoises, écrit Maurice Gaudefroy-Demombynes. Les Mekkoises sont bien tenues en main par leurs maris qui les corrigent et les frappent, "mais avec plus de modération qu'ils ne font à leur esclave ou à leur chameau" ». En 2004, l'imam de Vénissieux, Abdelkader Bouziane, avait été plus précis en affirmant au journal Lyon Mag qu'il était normal qu'un mari batte une épouse adultère, pourvu qu'il vise « le bas, les jambes ou le ventre ». Il est vrai que c'était une libre interprétation du texte sacré. Quant à la polygamie, le Coran réduit à quatre le nombre de femmes légitimes que peut épouser le croyant, sans compter les concubines. L'époux doit veiller à maintenir une égalité de traitement entre ses épouses légitimes : il doit notamment à chacune d'entre elles le même nombre de jours et de nuits. Le Coran prévoit aussi la répudiation, le mari étant tenu de subvenir aux besoins de l'épouse répudiée tant qu’elle ne s’est pas remariée. Concernant le droit d'héritage, enfin, le livre stipule que la part du garçon sera égale à celle de deux filles.
Qui a parlé de « discrimination » ?
Maurice Gaudefroy-Demombynes, Mahomet, Albin Michel, 1969
Paul Balta et Claudine Rulleau, Islam & islamisme, gare aux amalgames Milan, 2008, 192p., 14,50€
Jean-Pierre Nomen monde & vie 18 juillet 2009 n° 814