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Jean de Viguerie : « Nous devons cultiver et transmettre les vertus françaises »

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L'identité, ce n'est pas ce que l'on est, mais ce que l'on pense être, rappelle l'historien Jean de Viguerie, auteur de Les deux patries (éd. Dominique Martin Morin). Entretien.

Que vous inspire le débat sur l'identité nationale ?

C'est une manipulation de l’opinion, une de plus. On cherche à récupérer les électeurs du Front national.

Qu'est-ce que l'identité nationale ?

L'identité, d'après le Littré, c'est non pas ce que l'on est, mais la « conscience qu'une personne a d'elle-même » la carte d'identité, c'est une représentation de la réalité, pas la réalité elle même. C'est une image. L’expression apparaît très tard, aux alentours des années 80. Les nationalistes du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle ne l'emploient pas.

Pourquoi a-t-on commencé à en parler ? Parce qu'elle est devenue incertaine ?

Oui, quand on commence à ne plus exister, on s'interroge sur ce qu on est. Nous ne savons plus très bien qui nous sommes.

Qui sommes-nous, justement ?

Nous sommes des Français, car nous sommes nés français. En naissant nous avons reçu tout ce que nous sommes, c'est-à-dire une langue, des usages, une civilisation. Chacun reçoit tout à sa naissance, en principe. C'est un don. C'est beaucoup plus qu'un héritage on hérite de ce qui n'existe plus. C'est à mon avis ce qui se passe aujourd'hui, car je ne suis pas certain que la France existe encore. Mais cet héritage est un trésor, et il faut le conserver soigneusement.

Le trésor, donc, existe toujours…

En effet, il existe, mais il ne se renouvelle plus. Je le constate par exemple dans la littérature, qui est devenue d'une grande pauvreté, quel que soit le genre, roman, théâtre ou poésie. Quand j'avais quinze ans, un certain nombre d'écrivains nous enthousiasmaient Bernanos, Montherlant, Gide, Mauriac, Claudel, Marcel Aymé et tant d'autres. Cette génération, très brillante, était admirée dans le monde entier. Et nous savions qu'ils resteraient. Aujourd'hui, où sont les chefs d'oeuvre ? Le Time journal américain, a titré il y a quelques années sur « La mort de la culture française » (1). Je crains que ce ne soit vrai. Le cinéma français ne produit plus de grandes oeuvres. Les romans policiers, ce sont désormais les Américains qui les écrivent. Je ne parle pas de la télévision, dont le niveau est au-dessous de la mer

Quelles seraient les conditions d'une renaissance ?

D'abord, la renaissance d'une éducation et d'une instruction véritables. Une instruction où l’on apprenne les lettres classiques, l'histoire, ce que nous avons fait de bien et de beau. L'histoire est aujourd'hui le parent pauvre dé l'enseignement. Je constate autour de moi que les jeunes ne connaissent ni l'ancienne monarchie, ni la révolution française, alors qu'elle a joué un rôle capital dans notre histoire. Même ignorance pour des faits contemporains, par exemple la guerre d'Algérie les ouvrages scolaires qui en parlent présentent une version tronquée des faits. Il y a cependant des signes encourageants. Les écoles hors contrat se multiplient. Les élèves y apprennent à connaître les grandes œuvres de notre littérature. L'histoire leur est enseignée en vérité.

On dit que le christianisme a fait de la France ce qu'elle est devenue. Mais on pourrait en dire autant des autres pays européens. Quelle est la spécificité française sur ce point ?

La France a été le premier royaume chrétien d'Europe. La couronne a été sanctifiée par le sacre. Le baptême de Clovis est un événement d'une portée considérable, Clovis est le premier roi barbare chrétien. C'est en ce sens que la France était la fille aînée de l’Église. Le roi de France, dès le Moyen-Âge, est dit « très chrétien ».

On confond souvent la nation avec l’État, tant celui-ci a une place prégnante dans notre pays. Qu'en pensez-vous ?

Ce sont deux choses bien différentes. La nation est une association de citoyens liés par une amitié politique, selon l'expression d'Aristote. Son unité est garantie par la justice. L’État offre une garantie supplémentaire, lorsqu'il se limite à ses fonctions régalliennes. Aujourd'hui ce n'est plus le cas; on peut dire que la France n'existe plus que par son État. Nous sommes désormais des Français administratifs, selon l’expression du colonel Argoud (2), et même, depuis Giscard, des Français fiscaux. L’État est devenu notre ennemi. C'est un État prédateur, qui écrase les gens d'impôts et finance des associations aux buts misérables. On peut parler de vol, d'extorsion. Il en est ainsi parce nous avons affaire à un État idéologique. Faut-il pour autant se débarrasser de l'Etat ? Non, bien sûr, on ne peut pas s en passer. Mais il faut le purifier de l'idéologie des droits de l'homme dont il est imprégné. Idéologie qui, rappelons-le, promeut une liberté fausse, une égalité impossible et une fraternité de façade, qui n'a aucun caractère chrétien.

Pour vous qu'est-ce qu'être français ?

C'est connaître son pays, connaître sa civilisation, connaître son histoire. C'est élevé ses enfants, ou ses élèves quand on en a, dans le respect de ce qu'ils ont reçu, notamment des vertus propres à la France. Je l'évoque dans Les deux patries où je cite, entre autres, le poème de Charles d'Orléans, « Complainte de France ». Les vertus françaises, quelles sont-elles ? Les vertus françaises, ce sont la vaillance, l'honneur la courtoisie, la politesse, le sens des nuances, la délicatesse. Autant de vertus… que nous devons cultiver et transmettre.

Propos recueillis par Charles-Henri d'Andigné

1). The death of french culture novembre 2007

2). La décadence l'imposture et la tragédie Fayard, 1974.

Jean de Viguerie Madame Élisabeth (Le Cerf).

monde&vie 21 novembre 2009  n° 819

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