Grâce à deux grammes de poudre d'os provenant d'un fémur, l'ADN mitochondrial d'un homme vieux de 400 000 ans découvert dans les années 1990 dans le nord de l'Espagne, sur le site d'Atapuerca (surnommé « Sima de los huesos », « puits des ossements »), a pu être reconstitué.
Il s'agit là d'un exploit scientifique majeur, car le plus ancien génome humain séquence jusqu'à maintenant n'avait pas plus de 80 000 ans. Cet ADN mitochondrial (dont on sait que, contrairement à l'ADN nucléaire, il se transmet exclusivement par la lignée maternelle) a pu ensuite être comparé à celui des néandertaliens, des dénisoviens, des humains modernes et de divers primates. Comparaison particulièrement fructueuse, puisqu'elle a révélé que l'homme d'Atapuerca était directement apparenté aux hommes de Denisova, dont on croyait l'habitat cantonné au sud-ouest de la Sibérie, alors que par ses ossements il se rapprochait plutôt de l'homme de Néandertal. On l'avait d'ailleurs considéré jusqu'ici comme un Néandertalien ou un représentant de l’Homo heidelbergensis. Svante Pääbo, spécialiste de génétique moléculaire à l'Institut Max Planck d'anthropologie évolutionnaire de Leipzig, estime que cette découverte est la preuve que les Néandertaliens et les Dénisoviens avaient un ancêtre commun, qui aurait vécu en Eurasie il y a 700 000 ans. Cet ancêtre commun pourrait s'identifier à l’Homo antecessor que l'on considère comme un descendant européen de l’Homo erectus.
C'est à partir de l'étude génétique d'un os du petit doigt ayant appartenu à l'un des hominidés retrouvés dans la grotte de Denisova, dans les montagnes de l'Altaï, que l'on avait pu établir il y a trois ans que les Dénisoviens constituaient il y a environ 700 000 ans une espèce humaine distincte de toutes celles que l'on connaissait auparavant. Depuis lors, environ 6 % de l'ADN des hommes de Denisova a pu être retrouvé chez des populations indigènes de l'Australie et de la Nouvelle-Guinée, alors qu'il est significativement absent chez les autres populations du continent asiatique. On peut en déduire que les Dénisoviens étaient parvenus à franchir la « ligne de Wallace », considérée comme l'une des plus grandes barrières biogéographiques du monde (il s'agit d'un puissant courant marin situé le long des côtes orientales de Bornéo). C'est à partir de l'Indonésie qu'ils seraient parvenus jusqu'en Australie, où ils se seraient mélangés avec les ancêtres des actuelles populations mélanésiennes et aborigènes. Ce qui en dit long sur leurs capacités de navigation.
Sources : Science, 17 octobre 2013 Science Now, 4 décembre 2013 Nature, 5 décembre 2013.
Bastien O’Danieli éléments n°150 janvier-mars 2014