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Misère de l'altermondialisme 1/3

L’Association pour la taxation des transactions financière et l'aide aux citoyens (Attac) a été créée en 1998, après la publication d'un éditorial du Monde diplomatique intitulé « Désarmer les marchés »

Effrayés sans doute par leur audace, les antimondialistes d'hier se sont transformés en « altermondialistes », qui n'ont pas de mots assez fort contre les dangers de la « démondialisation » Analyse des inconséquences et des contradictions de certains rescapés du gauchisme.

Une question fondamentale est de savoir si la mondialisation est ou non un phénomène de nature systémique. La considérer comme un phénomène systémique revient à l'expliquer par des facteurs foncièrement endogènes, en l'occurrence par des changements reflétant une irrésistible tendance de fond propre au système du marché. Il s'en déduit alors que la globalisation est irréversible dans le cadre de ce système. Si la mondialisation, au contraire, n'est pas un phénomène systémique, cela signifie qu'elle résulte de facteurs exogènes, auquel cas on peut la considérer comme réversible, y compris dans le cadre de l'économie de marché.

Les libéraux estiment bien entendu que la mondialisation est un phénomène systémique, ce qui leur permet de la présenter comme le résultat d'une évolution « naturelle ». Ceux qui pensent que mettre un terme à la mondialisation implique de sortir du système du marché partagent la même conviction, à ceci près qu'ils en tirent argument, non pour justifier la mondialisation, mais pour prôner une rupture totale avec tout le système dont elle est le produit. Les « réformistes » de toutes obédiences, en revanche, considèrent que la mondialisation n'est pas un phénomène systémique, car ils jugent possible de la « changer », de la « réguler » ou de la « moraliser », ou encore de restaurer l'ancienne autorité des États, sans rompre pour autant avec le système du marché. Ce sont ces réformistes de fait qui sont aussi les moins disposés à reconnaître la radicale novation que représente la mondialisation, et les plus portés à soutenir qu'elle se situe dans le simple prolongement d'une internationalisation des échanges dont on a depuis longtemps observé la progression. La conclusion qu'ils en tirent est que la mondialisation est un phénomène conjoncturel plutôt que structurel, ce qui la rend encore « gouvernable », et que l'existence d'une « nouvelle classe mondiale » est la cause de la mondialisation, alors qu'elle n'en est qu'une conséquence.

Attac s'inquiète de la « démondialisation »

Ce qu'on appelle aujourd'hui l'« alter-mondialisme » s'est imposé au lendemain du premier Forum social mondial tenu en janvier 2001 à Porto Alegre. C'est un mouvement fondamentalement hétérogène, où l'on trouve aussi bien des marxistes, des sociaux-démocrates, des libertaires, des « postmodernistes », des « citoyens du monde », des éco-féministes, des rescapés de toutes les formes de gauchisme, ou tout simplement des casseurs(1). Ce qui est révélateur, c'est que la plupart de ces mouvances altermondialistes se sont prononcées contre l'idée même de « démondialisation ». Dans une tribune publiée le 6 juin 2011 sur Media-part « La démondialisation, un concept superficiel et simpliste »), plusieurs membres du conseil scientifique d'Attac se sont ainsi déclarés « inquiets de la fortune rencontrée par la démondialisation »(2).

Les antimondialistes d'hier se sont ainsi très vite mués en « altermondialistes », c'est-à-dire en partisans d'une « autre mondialisation ». Qu'ils en tiennent pour une « mondialisation alternative », une « mondialisation citoyenne », une « mondialisation plus humaine » ou encore une « mondialisation coopération » (Susan George), ils se sont de ce seul fait placés, dans leur grande majorité, dans une optique réformiste qui les condamne à ne pas voir le caractère systémique de la mondialisation(3).

Nostalgiques des « Trente Glorieuses »

Sur le plan économique, beaucoup croient ainsi possible d'en revenir à la régulation keynéso-fordiste et d'amender le capitalisme (par une taxe sur les transactions spéculatives, la suppression des paradis fiscaux, etc.), sans se soucier de le supprimer. Nostalgiques des « Trente Glorieuses », ils combattent la dictature des multinationales, mais ne remettent pas en cause la libre concurrence et le libre marché qui l'ont engendrée. Ils rêvent d'un capitalisme qui serait à nouveau régulé par l’État. Loin de mettre en cause la toute-puissance de l'économie, dont ils ne perçoivent pas l'essence, ils dénoncent la « mondialisation néolibérale », sans voir que cette expression n'est qu'un pléonasme. Comme l'essentiel de leur critique de l'économie libérale continue de s'inscrire dans le registre économique, ils ne remettent pas en cause la logique du marché, mais se bornent à prétendre en corriger les effets pervers a posteriori. Ils restent partisans du productivisme et du « développement ». Confondant régulièrement protectionnisme et autarcie, écluse et barrage, ils sont les premiers à se prononcer en faveur d'une libre circulation des populations et d'une dissolution des identités et souverainetés nationales. Ils militent, en d'autres termes, pour une « régulation politique » des marchés financiers, sans voir que la logique d'une telle régulation reste attachée au cadre de l'État national qu'ils entendent « dépasser ».

De façon plus générale, ils partagent tous les présupposés de la « mondialisation néolibérale » qu'ils critiquent, à commencer par le primat des droits de l'homme et l'hostilité à la souveraineté économique des États. C'est d'ailleurs dans les mêmes termes que les libéraux qu'ils se réclament de l'universalisme abstrait et critiquent le « repli sur soi ». On voit par là qu'ils sont au même titre que leurs adversaires des héritiers de la pensée des Lumières sans réaliser que l'économie du système de production n'en a été qu'une projection parmi d'autres, tant il est vrai, comme l'a écrit Robert Kurz, que « les idées centrales des Lumières, c'est-à-dire la "liberté" et l ‘"égalité" de l'"individu autonome" [étaient], de parleur signification, comme faites sur mesure pour la forme capitaliste du sujet du "travail abstrait" (Marx), de l'économie d'entreprise, du marché totalitaire et de la concurrence universelle »(4).

À suivre

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