La dette publique française, avec ses 1700 milliards d'euros, représente pas moins de 26000 euros par Français. Une paille ! Dans ces conditions, il est assez légitime pour le contribuable de se demander qui sont les créanciers...
Pendant longtemps, l'information était quasi nulle. Tout juste savait-on que la dette était essentiellement détenue par les marchés financiers domestiques et, à travers eux, des ménages « résidents ».
Depuis, la dette publique s'est considérablement internationalisée. En 1997 seulement 15 % de la dette négociable de l'Etat était détenue par des non-résidents aujourd'hui, c'est, selon l'Agence France Trésor, 65,9 %, c'est-à-dire près du tiers.
Au sein de l'Administration, on se veut rassurant et l'on se félicite même de cette diversification des créanciers. Mais, vu les sommes considérables en jeu, comment ne pas y voir une perte de souveraineté, voire une forme d'aliénation ?
Compte tenu de l'hyper complexité des circuits financiers et du fait que les investisseurs en dettes souveraines n'ont pas l’obligation de dévoiler leur position, il est difficile de savoir qui sont les créanciers de la dette publique française. Toutefois, la base de données financière eMAXX, qui publie la liste des « 50 plus gros détenteurs de dette souveraine française », révèle qu'il s'agit essentiellement - hormis les banques centrales - d'assureurs, de mutuelles, de banques et d'une multitude de fonds d'investissement comme les fonds de pension. Intéressant, mais pas suffisant, car derrière ces institutions classiques, il y a des individus qui épargnent. Qui sont-ils ? Où sont-ils ?
Deux hommes ont récemment levé une partie du voile…
Le premier, Patrick Artus, directeur de la Recherche et des Etudes de Natixis, a révélé dans le journal Le Monde du 23 juin 2011 que « les trois plus gros détenteurs de la dette française sont le Luxembourg, les Îles Caïmans et le Royaume-Uni ». Avant d'ajouter « qu'un investisseur saoudien, qui détient de la dette française car il a investi dans un fonds d'investissement à Londres, est comptabilisé comme un investisseur britannique ». Les rois du pétrole et les paradis fiscaux tiendraient à bout de bras les finances publiques françaises. À Bercy, on n'a pas fini de se taper la tête contre les murs !
Le second, Patrice Ract Madoux, Président du Conseil d'Administration de la Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale (CADES), a indiqué, dans un communiqué du 17 février 2012, que la CADES a lancé « avec succès un nouvel emprunt à 3 ans de 3 milliards de dollars US ». Voilà comment les fonds de pensions américains (le diable) se lancent au secours du fameux modèle social français (la sainte Providence) que « Tout-le-monde-nous-envie » !
Le plus stupéfiant reste l'aplomb avec lequel la direction de la CADES nous fait part de cette nouvelle « cet emprunt en US dollars confirme la force de frappe de la CADES sur le marché ». Comme si la Sécu était le puissant créancier et que les fonds de pension étaient en perdition… Merci l'intox
Pierre Brionne monde&vie 3 mars 2012 n°856