Faut-il faire porter le chapeau de l'endettement français aux Allemands, ou aux banquiers ? Les vraies responsabilités sont plutôt à rechercher du côté des politiques et de l’État.
Lorsqu'un fléau s'abat sur nos pauvres existences, l'instinct primaire nous pousse à désigner un bouc-émissaire c'est évidemment à cause de lui que le pire est arrivé, uniquement à cause de lui, et il faut alors le lui faire payer ! C'est tellement plus facile…
Vu la dette astronomique qui pèse sur nos têtes, les budgétivores de tout poil sont rattrapés par une réalité crue à ce train, une vraie dépression risque fort de succéder à la récession… En somme, la fête est finie !
Pour certains, le coupable est tout trouvé c'est l'Allemand qui, par sa fascination pour la rigueur et l'intransigeance héritées du chancelier Bismarck, nous forcerait à entreprendre des plans d'austérité « sans précédent ». Pour d'autres, il s'agit du banquier ivre de profit, qui a aliéné l’État pour mieux pressurer les peuples.
Il est certain que la politique de l'euro fort, soutenue par l'Allemagne, met la barre très haut pour notre économie. Il est certain, également, que les banquiers ne sont pas de purs philanthropes et que, via les intérêts de la dette publique, ils se sont enrichis et s'enrichissent encore. Mais, jusqu'à preuve du contraire, le volet dépense de la loi de finances n’est pas écrite dans la langue de Goethe et l’on n’a encore jamais vu un banquier braquer l’État pour l'obliger à s'endetter.
Ne tournons pas autour du pot la cause principale de nos déboires est simplement due au fait que, pendant près de 40 ans, l'Administration a dépensé beaucoup plus qu'elle n'a prélevé alors même que notre pays détient le triste record de la pression fiscale (45 % du PIB !). Les autres causes ne sont qu'accessoires.
De 72 milliards d'euros en 1978, la dette publique s'élève aujourd'hui à 1 700 milliards d'euros. En moyenne, elle augmente inlassablement de 10 % par an et double tous les 10 ans. À qui veut-on faire croire que l'on peut continuer à se surendetter éternellement ?
Difficile dans ces conditions, de s'en prendre à la chancelière allemande, Angela Merkel, ou de nous expliquer que, depuis 2007 une armée de spéculateurs s'acharne à nous aliéner. En réalité, comment peut-on espérer que les marchés financiers, exécrés mais toujours plus sollicités, puissent continuer à financer à fonds perdus l'amoncellement gigantesque de nos déficits chroniques ? Comment s'étonner aussi que nos voisins allemands, dans le cadre de la politique de l'euro, nous prient de ne pas les contraindre à éponger pour nous ?
Le seul remède à la crise reste une réduction drastique des dépenses publiques pour un retour urgent à l'équilibre budgétaire. En 2011, ces dépenses s'élevaient à 1 120 milliards d'euros contre 957 milliards en 2006, ce qui représente une augmentation de plus de 160 milliards d'euros en cinq ans… Il y a de quoi sabrer !
Pierre Brionne Monde&vie 3 mars 2012 n°856