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Écologie humaine : c'est le nom d'un programme ! (texte de 2013)

Alors que les mouvements de protestation se multiplient, il devient de plus en plus nécessaire de savoir non seulement ce qu'en tant que chrétien nous refusons - la culture de mort dans tous ses états - mais aussi ce que nous proposons. Benoît XVI a eu une formule heureuse qu'il faut retenir l'écologie humaine. C'est le nom d'un programme celui des militants chrétiens qui en appellent au Printemps en ce moment.

Benoît XVI n a pas inventé l’idée d'« écologie humaine » C'est le savant allemand Ernst Haeckel(1834-1919) qui en a parlé le premier en visant l’espèce humaine, sa culture et son rapport à la Planète.

Pour Benoît XVI, l'écologie humaine est quelque chose de légèrement différent. Lorsqu'il en parle solennellement - c'est devant le Bundestag, à Berlin, en 2011 -, il vise d'abord, explique-t-il, « le respect de l'homme pour sa propre nature ». Haeckel ne voyait dans l'homme, nous venons de le signaler, qu'une « espèce humaine », espèce dont la « nature » ne serait pas plus précieuse que celle de toutes les autres espèces animales. Benoît XVI, lui, envisage la nature humaine comme une réalité transmise dans chaque naissance d'un petit d'homme, réalité charnelle et spirituelle qui est chaque fois un véritable miracle, comme on aimait le dire à la Renaissance. C'est ce miracle de l'être humain qu'il s'agit de préserver, en protégeant sa nature, en vénérant ce qui paraît supérieur (l'esprit) et en respectant ce qui est inférieur (le corps). Il s'agit de défendre les évidences premières sur lesquelles est constituée la vie humaine de l'homme (ce que l'on appelle le droit naturel dont la première partie est le droit familial).

La vie, ce n'est pas seulement cette étincelle merveilleuse qu'est le fait de vivre (grec zoé), c'est aussi le fait de vivre en beauté, cela renvoie à l'idée d'une qualité de vie (grec bios). C'est en ce point que l'on constate combien le concept d'écologie humaine utilisé par Benoît XVI à Berlin rejoint l'idée de l'Evangile de la vie, affrontant la culture de mort que Jean Paul II avait génialement proposé à la méditation du monde entier en 1995 dans Evangelium vitae Un Jean-Claude Martinez, éminent juriste et ancien député européen, a cherché, de son côté, à formuler en droit cette politique de la vie, qui constitue le programme de l'écologie humaine. Seul, à ma connaissance, de tous les hommes politiques français, il a cherché à construire ce qu'il appelle « la maison de la vie et de la liberté », une politique entièrement fondée sur cette valeur suprême qu'est la vie.

Faire valoir la vie

Comment comprendre la vie comme valeur ? Défendre ce miracle qu'est la nature humaine, c'est défendre la vie humaine de sa conception à sa fin naturelle… Mais c'est aller plus loin si la vie est un miracle, il faut en être digne. Comment devient-on digne du trésor que l'on a reçu ? En l'honorant et en le multipliant si nécessaire. Il faut pour cela réaliser politiquement non pas l’égalité « tout court », mais l'égalité des droits et l'égalité des chances entre tous les citoyens, pour que chacun puisse accéder à la qualité de vie la meilleure qu'il puisse atteindre. La parabole des talents est, me semble-t-il, partie intégrante du programme d'une politique de la vie ou d'une véritable écologie humaine. Au lieu de cacher ou d'enfermer ce talent qu'est la vie, il faut la faire valoir, faire en sorte qu'elle donne lieu à une œuvre, comme l'explique Hannah Arendt, cette femme philosophe à laquelle on vient de consacrer un film et qui a tant réfléchi sur la dignité de la condition humaine.

Je précise néanmoins que le but d'un pouvoir politique ne saurait être le développement spirituel des citoyens qu'il administre. Non, ce but est celui de l’Église mais pas celui de l’État. Mais, dans un pays donné, qui a son histoire, ses forces et ses faiblesses, les pouvoirs publics ont pour charge de créer un biotope favorable, un milieu vital fécond, en éliminant tous les obstacles que rencontre la vie, en donnant à chaque vie une chance égale et en considérant, en chaque vivant, une personne, un sujet responsable et libre, capable de prendre des décisions et de s'y tenir, seul apte à donner à sa vie toute sa valeur d'accomplissement.

Tant qu'on en reste à ces déclarations générales, ce primat politique de la vie peut paraître un concept un peu abstrait qui pèche par sa trop grande généralité. Il n'en est pas ainsi si l'on veut bien se souvenir que la vie se définit d'abord (c'est un grand classique) comme « l'ensemble des forces qui résistent à la mort ». Comme l'écrivait Michel Foucault, « quand le Pouvoir s'attaque à la vie, la vie elle-même devient résistance ».

La politique de la vie, l'écologie humaine est une politique de résistance aux forces de mort, aujourd'hui déchaînées. Mais d'où vient cette étrange puissance de « l'Empire de la mort » dont parle saint Paul aux Hébreux ? Hannah Arendt nous en avertit en philosophe et en disciple attentive du grand saint Augustin. le primat de la consommation sur l'œuvre à accomplir a quelque chose finalement de morbide et de mortel. Je pense à ce film de Mastroianni, la Grande Bouffe, étrange et lugubre fable sur la société de consommation dans laquelle le monde entrait au moment de la sortie du film (1973). La solution chrétienne est-elle à chercher du côté de la décroissance ? Je ne le pense pas. Il s'agit simplement de réévaluer l'œuvre par rapport à la consommation, dans tous les domaines de la vie. Il s'agit de rendre les vies fécondes ou créatrices.

Mais qui construit une œuvre, quelle qu'elle soit ? C'est un sujet, une personne. La tâche des politiques est de permettre, par une politique fiscale, par une politique de croissance raisonnable, de permettre à chacun de devenir ou de redevenir promoteur et non consommateur, responsable et non assisté. L’écologie humaine me semble donc dirigée méthodiquement contre toutes les formes du socialisme.

Abbé Guillaume de Tanoüarn monde&vie 30 avril 2013 n°875

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