On a pu constater ces dernières semaines que les États-membres de l’Union européenne se trouvaient fort démunis ne disposant que de politiques d’asile inefficaces…
Bruxelles en avait été réduit, le mois dernier, à distribuer une quantité de mauvais points à une majorité de ces pays, à commencer par la France, et à multiplier sommets et réunions pour voir ce qu'il était encore possible défaire.
Parole. Parole. L'asile est la question politique du moment en Europe. Crise migratoire oblige, on ne parle plus - ou presque - que des « migrants » ou des « réfugiés ». Or, si l'asile devrait essentiellement concerner les seconds, c'est-à-dire ceux qui sont contraints de fuir leurs pays pour sauvegarder leur manière de vivre, voire leur existence, la pagaille à laquelle se résume aujourd'hui cette triste situation conduit à recevoir tout le monde, là où on le peut - et même là où on ne le peut pas…
On notera que, dans le brouhaha qui entoure cette question des migrants, la voix de la France est de plus en plus faible. Dénoncé comme mauvais élève, notre pays n'était pas même convié au dernier sommet bruxellois. Il est vrai que le président de la République n'étant plus que l'exécuteur des décisions prises par la Commission européenne, sa présence à Bruxelles n’aurait rien changé à ce qui s'est dit, aux décisions prises et aux solutions qui n'ont pas été trouvées.
Faute de mieux, les autorités françaises ne s'expriment plus que sur les incidents qui, ici et là, émaillent chaque jour davantage le territoire national, notamment là où se présentent les migrants, dont le nombre grossissant ne fait que multiplier les difficultés que la faiblesse de nos dirigeants n'a su régler auparavant.
Un référé de la Cour des comptes
L'incurie politique française en ce domaine est telle que la Cour des comptes l'a dénoncée, au mois de juillet, sous la forme d'un référé - forme plus solennelle - remis au premier ministre. La solennité n'y aura rien changé, puisque ce document vient seulement d'être rendu public, après que Manuel Valls y ait apporté une réponse quelque peu teintée d'agacement.
Ce retard ne change rien à l'affaire, puisque aucun changement, malgré une loi sur le sujet adoptée au début de l'été, n'a été constaté dans le traitement des points considérés comme défaillants par la Cour. Ce qui explique sans doute que, ne pouvant juguler la fièvre, le premier ministre s'en prenne au thermomètre…
C'était d'ailleurs déjà le cas au moment de la publication de cette loi, puisque la Cour considérait alors, dans son rapport que, « même si les conclusions de ses travaux sont antérieures aux mesures prises aux niveaux européen et national(...), ses recommandations demeurent d'actualité ».
Il en va malheureusement toujours de même au moment où ce rapport est rendu public, et la Cour des comptes réitère à cette occasion dans un communiqué les recommandations données alors.
Manuel Valls sans voix
Observant que la France n'est plus aujourd'hui qu'au quatrième rang des pays européens dans lesquels les demandeurs d'asile souhaitent se rendre, les rédacteurs du rapport observent : « Sans faire face à un afflux de demandes, la France ne parvient pourtant pas à mettre en œuvre le droit d'asile de manière efficace et conforme aux droits des demandeurs, en raison notamment de délais de procédure trop longs. »
La Cour des comptes souligne ainsi que les dépenses liées à l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile ont progressé plus vite entre 2009 et 2014 (+ 54 %) que le nombre de demandeurs (+ 36 %). En 2013, précise-t-elle, la politique d'asile a ainsi coûté 690 millions d'euros, sans compter les dépenses de santé et les frais de scolarité des enfants des demandeurs.
Ces procédures, trop longues, sont donc de ce fait de plus en plus coûteuses.
Or, toujours selon la Cour, la réduction des délais présenterait deux avantages : cela permettrait effectivement de réaliser des économies; mais cela pourrait aussi « dissuader certaines demandes d'asile a priori infondées ».
Pire encore, la Cour note que les personnes déboutées de l'asile restent cependant majoritairement en France. « 74 % des demandes d'asile ont été rejetées chaque année en moyenne entre 2009 fet 2013 », précise ainsi le rapport, qui ajoute que « le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), notifiées aux personnes déboutées du droit d'asile, est de 6,8% ».
Avant de conclure que, « in fine, plus de 96 % des personnes déboutées resteraient en France compte tenu, d'une part, du taux d'exécution très faible des OQTF et, d'autre part, des procédures et des recours engagés par les demandeurs d'asile ».
Des chiffres qui parlent d'eux-mêmes, et qui ont manifestement laissé Manuel Valls sans voix, puisque c'est son ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui a réagi en les déclarant « faux ». Il y a quelques semaines, il estimait en effet le nombre de reconduits à la frontière « autour de 20% ».
C'est sans doute là ce que, chez les socialistes, on appelle un succès !
In cauda venenum, la Cour déplore pour finir que « l'engorgement des hébergements pour les demandeurs d'asile se répercute sur l'hébergement d'urgence de droit commun », et qu'il y a donc un « risque d'éviction » des clochards bien de chez nous. Pardon ! des SDF.
Olivier Figueras monde&vie 2 novembre 2015 n°915