Un deuxième reconfinement serait « inévitable » pour juguler l’interminable propagation du Covid-19 dans le monde. Plus de 1.706.513 à ce jour, principalement des personnes âgées ou fragiles. Une situation terrifiante puisque ce simple virus respiratoire a effacé, à travers les confinements qu’il a provoqués, des millions d’emplois, dont d’ores et déjà 700.000 en France. Mais dans le jeu de quilles mondial, qui dit perdants dit gagnants, ces derniers étant logiquement les pharmacies, les laboratoires d’analyse, le Big Pharma, ainsi que tous ceux qui ont intérêt à faire de la santé un marché. Toujours est-il que, maintenant, la vie ressemble à un cauchemar, et ce, même si « dans certains cas, continuer, seulement continuer, voilà ce qui est surhumain » (Camus).
Rien n’est vraiment pensable quand tout est global. Et, panurgisme oblige, le précipice serait pour tous ou pour personne. Par conséquent, le Gaulois ne peut plus, dans ce tourbillon émotionnel, se permettre le luxe d’être lui-même, pour ne pas dire librement « réfractaire », se laissant ainsi submerger par « l’océan infini de la dissemblance » (Platon) et étant conduits à tourner le dos à « l’éternelle consistance de la vérité » (Bossuet). En effet, le bon sens n’est plus que folie quand la folie est devenue le bon sens, la moindre activité sociale étant annihilée au nom de l’isolement forcé des corps, bien que les esprits étaient déjà isolés dans cette société sans frontières ni différences. Alors, lorsque « la nuit vient, où personne ne peut travailler » [Jean, IX, 4], il ne reste plus qu’à boire et manger. Qui peut le blâmer ? Il faut bien consommer pour survivre, en dépit du fait que « la distraction est dans le moi, non dans les objets » (Maine de Biran).
Après les Lumières, plus rien ne devait compter, si ce n’est « le bon goût », selon Cioran : « Quand on ne croit à rien, les sens deviennent religion. Et l’estomac finalité. » Définitivement, le virus n’a rien provoqué en la matière, mais il a révélé au grand jour le fossé qui s’est exponentiellement creusé entre la conscience et son autre. Car, coronavirus ou pas, ne demeure qu’« extension du domaine de la lutte », dixit Houellebecq. On aime à croire, tel Nietzsche, que « ce qui ne me tue pas me rend plus fort ». Donc, on marche et respire, autant que possible dans son masque. Au milieu du bruit et du vacarme, on se fait la guerre à soi-même en songeant à ces vers d’Apollinaire : « Les jours s’en vont, je demeure. » On cogite sur ce qui aurait pu être dit ou fait, au point de ne plus vouloir (ré)agir. « Toi [l’angoisse] qui sur le néant en sais plus que les morts », avait affirmé Mallarmé.
Quel que soit le niveau d’ordre sanitaire dont on parle, la maladie n’est pas nécessairement celle que l’on croit. Une nouvelle fois, Cioran aide à comprendre qu’« être malade, c’est coïncider totalement avec soi », là où il n’y a que perpétuel conflit entre notre cerveau reptilien et nos tendances simiennes. Mais comment s’adapter sans combattre ? Ou quand la quantité veut en finir avec la qualité : « À cause de la progression du mal, l’amour du plus grand nombre se refroidira », avait annoncé l’apôtre Paul aux Romains. Enfin, à quand le printemps, chrétien et non pas seulement républicain ? « La nuit est bien avancée, le jour approche… »
Henri Feng
https://www.bvoltaire.fr/etre-francais-entre-2020-et-2021-malade-mais-de-quoi/