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LES VRAIS CONTOURS DE LA LIGNE BUISSON

Accueilli par un fort buzz médiatique, réimprimé deux jours après sa mise en librairie, le livre de Patrick Buisson, La Cause du peuple, sorti le 29 septembre, est d’ores et déjà un succès. Un résultat garanti par le sujet, « L’histoire interdite de la présidence Sarkozy », sous-titre de l’ouvrage, et par la personnalité de l’auteur. Conseiller de Nicolas Sarkozy pendant près de dix ans, Buisson avait contribué à son élection, en 2007, comme l’intéressé l’affirmera en lui ­remettant la Légion d’honneur. Pendant tout le quinquennat, il fera partie du premier cercle, dispensant des analyses ­appuyées sur une profonde connaissance de l’opinion publique et de l’histoire politique française – caractéristique que lui ­reconnaissent même ses détracteurs.

A gauche, on n’aime pas Patrick Buisson parce qu’il ne se repent pas d’avoir appartenu à une droite radicalement anticommuniste, ayant commencé sa carrière de journaliste à Minute, ni d’avoir ­incité Sarkozy, en 2007, à siphonner les voix du Front national et à transgresser quelques tabous sur Mai 68, l’identité nationale ou les racines chrétiennes de la France. A droite, la plupart de ceux qui le courtisaient naguère se détournent de lui depuis qu’en 2014 a été révélée son habitude d’enregistrer en secret ses conversations avec l’ancien chef de l’Etat. « Des trahisons, dans ma vie, j’en ai connu beaucoup, mais comme celle-là, jamais », dira Nicolas Sarkozy. Actée devant les tribunaux, leur rupture se compliquera, en 2015, de la mise en examen de Patrick Buisson dans l’affaire des sondages de l’Elysée.
Sur ce volet judiciaire, Buisson s’explique dans un prologue où il justifie également son amour inconditionnel du dictaphone : « Le fait d’enregistrer certaines réunions importantes était pour moi la garantie de pouvoir disposer d’un verbatim fidèle. » Inutile, pour autant, de chercher dans ce livre des informations touchant aux démêlés de Nicolas Sarkozy avec les juges : il n’y en a pas. Des méchancetés et des petites phrases sur le reste, en revanche, il n’en manque pas. Le portrait de l’ancien président de la Répu­blique – et candidat à la primaire – est féroce, tout spécialement quand l’auteur aborde les interférences de la vie privée de Nicolas Sarkozy sur son comportement (« Un faux dur submergé par un état permanent de dépendance affective »), ou plus encore quand il dissèque les références de celui-ci (« Question idées, c’était un polygame ») et le bilan de son action : « Un moteur à deux temps fonctionnant au mélange d’un discours dur et d’une pratique molle. » On s’amusera encore de mots vachards de Sarkozy sur tel ou tel (s’agissant de Chirac : « Je n’ai jamais vu un type aussi corrompu ») ou de révélations sur les contacts indirects entre le candidat de l’UMP et Jean-Marie Le Pen dans l’entre-deux-tours de la présidentielle de 2007.
L’essentiel, cependant, n’est pas là. Ce livre est d’abord un essai superbement écrit, où la culture de celui qui est aussi le président de la chaîne Histoire surpasse sans peine celle du personnel politique. Puisqu’il y eut une « ligne Buisson », ces pages permettent d’en explorer les fondements et les contours. Impuissance de l’Etat, ­révolte identitaire, blessures de l’histoire, retour du religieux, politique de civilisation, bataille des frontières : Patrick Buisson analyse au plus haut niveau la crise politique, sociale et morale que traverse la France, intégrant à sa réflexion la relation entre notre époque et le temps long, entre les enjeux quotidiens d’une nation et la dimension verticale du destin humain.
« Hémisphère droit ? Non, hémisphère peuple », répond l’auteur à ses adversaires, rappelant, avec un titre qui est un pied de nez aux maoïstes de sa jeunesse, qu’on ne gagne pas dans l’isoloir contre l’électorat populaire. Dans le dernier numéro de la revue Le Débat (septembre-octobre 2016), le politologue Pascal Perrineau s’interroge : « Dans le choc d’un second tour en 2017 qui verrait la droite opposée à son extrême, quelle sera la capacité de la première à représenter le peuple de France au-delà du seul clivage gauche-droite ? Quel sera l’homme le plus capable d’être le point d’équi­libre de toutes les droites et au-delà ? » Ce sont aussi les questions que pose Patrick Buisson.

Jean Sévillia

La Cause du peuple. L’histoire interdite de la présidence Sarkozy, de Patrick Buisson, Perrin, 462 p., 21,90 €.

Sources :  (Edition du  vendredi 7 octobre 2016)

https://www.jeansevillia.com/2016/10/10/vrais-contours-de-ligne-buisson/

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