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La mort fondatrice de Caton

Jean Paul Laurens, La mort de Caton, 1863
 
"Le suicide, c'est la seule preuve de la liberté de l'Homme" Stig Dagerman
Lorsque évoque la mort volontaire, c'est à dire le geste porté par une intention héroïque élevant l'âme et non par un désespoir incontrôlé conduisant à son effondrement, on pense surtout à la tradition japonaise du seppuku, sublimée par Mishima en 1970. En Occident, fortement condamné par le christianisme, ce geste héroïque qui appartenait à la tradition stoïcienne européenne grecque et romaine mais aussi aux traditions païennes, celtes par exemple, survécu à la castration cléricale jusqu'à nos jours.

Ainsi, Dominique Venner qui a offert son sacrifice à nos consciences en 2013, nous a rappelé cette tradition symbolique européenne du suicide héroïque, qui force l'admiration et réduit son tabou imposé à sa fatuité allogène. Et même le catholique Henry de Montherlant, conciliant l'héritage chrétien au païen, avait réhabilité la mort volontaire, cette "sortie honorable" qu'il choisira avec courage en 1972, quand sa cécité rendant "le jour égal à la nuit" privera l'écrivain "d'exercer ses passions"...
Rejoignant la symbolique nippone du Seppuku, tant par son contexte, sa philosophie que son mode opératoire, la mort volontaire de Caton est à ce titre une pierre d'angle symbolique et fondatrice de la conception européenne de la Liberté.
Caton d'Utique, appelé aussi Caton le jeune est né en 95 avant J.C. à Utique, dans l'actuelle Tunisie. Il devient questeur et laisse le souvenir d'un homme rigoureux et juste. Bien qu'opposant politique à Pompée lors des élections au consulat, Caton refuse par dessus tout, les ambitions tyranniques de César, contraires aux principes de la République romaine.
Lors de la guerre civile, il rejoint en -49 le camp de Pompée, opposé à César. Après la défaite de Pharsale, Pompée est assassiné et Caton essaye de continuer la lutte avec les débris de l'Armée républicaine, en rejoignant Scipion en Afrique. Mais le défaite de Thapsus en -46, sonne définitivement la défaite des républicains. 
Caton "ne peut survivre à la liberté" et, réfugié dans sa ville natale à Utique, il décide de se donner la mort plutôt que de subir "la grâce d'un tyran". Armé de son épée il s'ouvre le ventre en s'exclamant "maintenant je suis mon maître !"; un médecin intervient le soigne, mais il achèvera son geste dès son réveil en s'arrachant les tripes. Sa mort volontaire force l'admiration de ses pairs, y compris de César son adversaire, qui aurait dit : "J'envie ta mort, Caton, puisque tu m'as enlevé la gloire de te sauver la vie". 
Ce geste héroïque de Caton le jeune, immortalisé par le peintre Jean Paul Laurens en 1863, symbolise à jamais le combat de la liberté contre la tyrannie, et la victoire de l'Homme sur son destin, car comme le rappelait justement Montherlant, évoquant ce sacrifice  :
"Défaite ou non du suicidé, cela a peu d'importance, si par son suicide il a témoigné de deux choses : de son courage et de sa domination (...) Il a été maître de son destin (...) et, s'il n'en a pas été le maître tout à fait, il a été maître du moins de son instrument" ("Le Treizième César")
La conséquence paradoxale, mais efficace, est d'assurer par la mort volontaire, la renaissance des valeurs défendues. Grâce au choc émotionnel qui fixe le souvenir tragique du héros se sacrifiant dans la mémoire éternelle de l'Histoire, la mort prend alors la dimension d'un acte fondateur, rejoignant ici la symbolique du sacrifice au combat, des derniers soldats protégeant l'aigle symbole de la puissance éternelle, et qui peut alors renaître de leurs cendres dans les traditions nationales.
Erwan Castel, le 12 mars 2014

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