Adepte convaincue du roi Pyrrhus plutôt que de Machiavel, la droite semble s’apprêter une fois encore à enclencher sa fabuleuse machine à transformer la moindre de ses victoires, même par climat électoral désertique, en une défaite ronflante. Il aura suffi qu’apparaissent le commencement d’un début d’espoir, la lointaine ombre d’un vague sentier serpentant hasardeusement vers les jardins élyséens, pour que les ambitions personnelles s’affolent. Le tocsin des guerres picrocholines retentit. Assis sur les résultats de scrutins régionaux rendus totalement creux pour cause d’un abstentionnisme généralisé, chacun posé sur un trône territorial aux pieds démocratiques devenus très étroits, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, les trois primus locaux de la droite, se disputent maintenant âprement la candidature à l’élection présidentielle.
Aucun des membres de ce pâle trio ne dispose d’une légitimité politique lui permettant d’écraser sans débat les deux autres. Xavier Bertrand, l’édile du Nord, détient cependant un avantage tactique indéniable. Il a pris de vitesse le processus de désignation. En se déclarant avant ses concurrents, en proclamant sa détermination à « aller jusqu’au bout » quoi qu’il puisse en coûter, en refusant la primaire, il oblige ses rivaux à se déterminer par rapport à lui. Tous savent que la droite ne peut absolument pas se permettre une campagne sans unité. Une division au premier tour la condamnerait irrémédiablement à ne qualifier aucun des siens pour le second. Dès lors, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, s’ils décident désormais de se lancer dans la course, s’exposent au risque d’apparaître en coupables d’une confrontation fratricide. Pour contourner l’obstacle, leur stratégie consiste à réclamer malgré tout la tenue d’une primaire. Ils tentent ainsi de remettre Xavier Bertrand à leurs côtés sur la ligne de départ. Par cette demande, ils affirment leurs prétentions sans se dresser pour autant en fauteurs de la discorde. Ce serait au contraire Xavier Bertrand, désertant le processus de sélection, qui deviendrait le responsable de l’éclatement de la droite. Mais le potentat des Hauts-de-France développe, en réponse, une défense soigneuse. L’élection présidentielle serait la rencontre d’une trajectoire personnelle avec la nation. À l’inverse, la méthode de la primaire, loin de conférer au gagnant un supplément d’âme, créerait des conflits mortifères sources de rancœurs acerbes menant invariablement à la déroute. Après le fiasco de 2017, l’argument porte.
Aussi, fort de quelques sondages opportuns lui accordant un fragile avantage sur ses deux rivaux, Xavier Bertrand se jette dans l’offensive médiatique. Il prévoit que Valérie Pécresse capitule, contre la promesse d’accéder à Matignon. Laurent Wauquiez, qui souffre encore d’une image abîmée suite à son échec à diriger le parti des Républicains, n’aura ensuite plus qu’à baisser son pavillon.
Xavier Bertrand espère ainsi s’offrir un destin de primus sans primaire.
Olivier Barrat
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