Voilà que François Jolivet, député LREM de l’Indre, reconnaît, dans un tweet, que « nous avons un problème avec l’immigration ». Quelle découverte ! Et d’ajouter : « [C’est un] problème que nous essayons d’enrayer depuis 2017. » On croit rêver ! Vous n’êtes pas au bout de vos surprises : « Le reconnaître, c’est simplement être réaliste. Oui, la France ne peut pas accueillir tout le monde. Dans ce sens, je pense que nous pouvons modifier les règles du regroupement familial. »
Monsieur Jolivet s’est-il pris soudainement pour son homonyme humoriste ou plagie-t-il Marine Le Pen ? Dans un second tweet, il dissipe vite le malentendu. Il est le plus sérieux du monde et nie toute proximité avec le Rassemblement national : <« Trop longtemps ces sujets ont été abandonnés aux extrêmes qui manquent de discernement républicain. » Tenez-vous-le pour dit ! Promis, juré, craché : plus de « politique de l’autruche » ! Il voudrait, sans doute, convaincre qu’il a toujours été lucide, à l’exemple de son parti, mais il donne à penser – allez savoir pourquoi – qu’il est en train de retourner sa veste.
La première explication qui vient à l’esprit, c’est qu’il est payant, à l’approche de l’élection présidentielle, de partager l’opinion majoritaire des Français. Suivre le vent ne coûte pas grand-chose et ça peut rapporter gros. Maire LR de Saint-Maur jusqu’en 2017, n’ayant pas obtenu l’investiture de son parti pour les législatives, il a finalement quitté les Républicains pour se faire élire sous l’étiquette LREM, continuant de se présenter comme « un homme de droite ». C’est humain, après tout, et il n’est pas le seul, à droite, à avoir rallié Macron.
Force est de constater, toutefois, que cette prise de conscience du problème de l’immigration n’intervient qu’aujourd’hui, même s’il affirme avec aplomb que « nous essayons de l’enrayer depuis 2017 ». On a beau chercher, on ne voit pas à quelle action ni même à quelle déclaration macronienne il pourrait bien faire référence. Sa conviction est si profonde qu’il va jusqu’à remettre en cause « les règles du regroupement familial ». Libre à chacun de croire en sa sincérité, mais convenez qu’on puisse avoir des doutes sur cette conversion.
Une seconde explication semble plausible. Sans faire partie de ces rats qui, dit-on, quittent le navire avant le naufrage, notre député reviendrait aux positions de son premier parti quand le RPR, en 1990, tenait sur l’immigration un discours que ne renierait pas le Rassemblement national. Sa conversion ne serait donc qu’une réversion, un retour en arrière, également pratiqué par certains de ses anciens amis, les uns par conviction, les autres par opportunisme.
Ces prises de position, aussi surprenantes soient-elles dans la bouche de Marcheurs, montrent que l’immigration est devenue une question incontournable, qui sera au cœur de la campagne présidentielle. Chaque parti, hormis l’extrême gauche, se trouve contraint de l’évoquer. Les Français jugeront s’ils doivent faire plus confiance à ces ouvriers de la onzième heure qu’aux précurseurs qui, depuis longtemps, la dénoncent, se voyant accuser de tous les maux.
Quelles qu’en soient les raisons, on peut se réjouir des conversions de ces néophytes qui, bien que tardives, ont l’avantage de mettre ce sujet au premier plan, mais on ne se dispensera pas d’une interrogation sur leurs arrière-pensées. Tant il est vrai que l’expérience a prouvé qu’il est plus facile, en Macronie, de donner le change par ses paroles que de changer de politique par ses actes.