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Paul-Emil von Lettow-Vorbeck et la guerre de brousse (1914-1918)

Paul-Emil von Lettow-Vorbeck et la guerre de brousse (1914-1918)

Lorsque qu’éclate la Première Guerre mondiale, les colonies allemandes en Afrique qui correspondent à l’actuelle Tanzanie, ainsi que le Rwanda et le Burundi, sont cernées par les puissances d’Europe de l’Ouest. Les Anglais sont au nord (actuel Kenya et Ouganda), les Belges occupent le Congo à l’ouest et les Portugais, le Mozambique au sud.

Contexte et personnage

Dès le déclenchement du conflit, forts de leur supériorité numérique et technique, ces trois alliés engagent leurs troupes afin de prendre en tenaille les maigres forces allemandes. Les vastes étendues sur lesquelles vont s’affronter les troupes coloniales des belligérants sont couvertes par des climats assez divers : le littoral est caractérisé par une végétation luxuriante mais un climat propice aux fièvres alors que les régions intérieures sont composées soit de forêts, soit de steppes et de plateaux, voire de reliefs montagneux élevés plus au nord. Elles comprennent aussi les vastes étendues d’eau de la région des grands lacs (lacs Tanganyika, Victoria et Nyassa).

Le colonel Paul-Emil von Lettow-Vorbeck, qui a fait ses premières armes en 1890 en Chine lors de la révolte des boxers, est envoyé dans les possessions allemandes d’Afrique à partir de janvier 1914. Découvrant le faible niveau de préparation des troupes stationnées sur ce territoire, il s’attache immédiatement à améliorer leur valeur combattive en renforçant leur dotation en armement et leur instruction. Il concentre ensuite l’essentiel de ses troupes vers le nord face à l’ennemi anglais, considéré à juste titre comme le plus menaçant.

C’est d’ailleurs sur ce front nord qu’il veut prendre l’initiative en menant l’offensive sur le sol de la colonie ennemie. Il se heurte en cela à l’avis de son supérieur en titre, le gouverneur Heinrich Schnee qui pense que, conformément aux accords en vigueur, les colonies ne seront pas impliquées dans le conflit qui démarre. Les faits donnent rapidement raison à Lettow-Vorbeck puisque les Anglais passent à l’offensive dès le 5 août. En réponse, le lieutenant-colonel Paul-Emil von Lettow-Vorbeck contre-attaque le 15 août avec ses compagnies Askari et fait reculer les Britanniques. Afin de reprendre l’initiative, les Anglais décident alors de s’emparer de la côte nord de la colonie allemande et débarquent un corps expéditionnaire dans le port de Tanga, au nord des possessions allemandes.

En un peu plus de vingt-quatre heures, Lettow-Vorbeck réussit, notamment grâce au chemin de fer, à réunir une force d’un millier d’hommes qui contraint les Anglais à rembarquer. Dès cette première bataille majeure de la campagne d’Afrique, le colonel démontre sa bravoure en se rendant au plus près de la ligne de feu, afin de mieux diriger ses hommes.

En janvier 1915, Lettow-Vorbeck poursuit sa marche au nord jusqu’à Jassin où il met la main sur les dépôts d’armement moderne de l’adversaire. Mais le coût humain de cette bataille le dissuade désormais d’affronter ses ennemis de façon frontale. Dès lors, il s’oriente vers un mode de guerre totalement non conventionnel pour l’époque.

La guerre de brousse

Durant les trois années qui suivent, Lettow-Vorbeck mène une campagne entièrement basée sur les actions de guérilla. Pour cela, il encourage ses cadres, des soldats compétents et qui lui sont totalement dévoués, à saisir toutes les opportunités qui se présentent pour gêner un adversaire largement favorisé par le rapport de force. Ceci a en outre l’avantage d’entretenir l’incertitude chez les Anglais quant à l’effectif réel des troupes allemandes.

Ses cibles sont notamment les voies de chemin de fer et les voies d’approvisionnement. Durant toute la campagne, les troupes coloniales allemandes compenseront leur défaillance en exploitant chaque occasion d’obtenir du matériel. Ainsi, à la suite de l’offensive manquée des Anglais sur Tanga, ces dernières laissent à leur adversaire quelque 600 000 cartouches. On peut également citer le fait que lorsque le SMS Königsberg est coulé en juillet 1915, les troupes allemandes récupèrent plusieurs pièces d’artillerie de marine qu’ils dotent de roues de façon à pouvoir s’en servir comme appui feu.

Pour les vivres, les Allemands vivent essentiellement sur le pays, ne recevant du ravitaillement de leur pays qu’en une occasion en 1916, lorsque le Marie von Stettin parvient à leur apporter mille cinq cents tonnes de munitions, vivres et médicament. Lettow-Vorbeck dispose alors d’environ 10.000 Askari, 2.000 Allemands, 2.900 auxiliaires de diverses tribus et quelques dizaines de milliers de porteurs. Mais cet effectif s’amenuise progressivement.

Sur le plan tactique, Lettow-Vorbeck surprend constamment ses adversaires par sa mobilité. Ainsi, entre juillet et octobre 1917, lorsque Britanniques par le nord, Belges par l’ouest et Portugais par le sud projettent de le prendre en tenaille, il parvient, après une victoire coûteuse à Mahiwa, à s’enfuir vers le Mozambique au sud où les Portugais, moins entraînés et moins équipés, sont balayés notamment lors de la prise de la place forte de Ngomano qui offre aux Allemands un important butin en vivres et armement.

Quelques mois plus tard, en juillet 1918, le général Paul-Emil von Lettow-Vorbeck mène un raid audacieux et couronné de succès sur la ville de Namacurra, tout au sud du Mozambique, qui résout à nouveau, pour un temps, ses problèmes de ravitaillement. Puis il prolonge pendant encore quelques mois ses opérations faites de coups de mains et embuscades. Il apprend l’armistice le 14 novembre 1918 après avoir pris et incendié la ville de Kasama en Rhodésie du Nord.

Ce qu’il faut retenir

Le XXe siècle fut celui qui consacra l’avènement des pratiques de guerre non conventionnelle. Paul-Emil von Lettow-Vorbeck fut précurseur en la matière en adoptant, par contrainte d’effectif, les techniques de guérilla qui connaîtront un réel développement durant la Seconde Guerre mondiale avec l’apparition des premières écoles de forces spéciales ou plus tard avec la théorie de la guerre révolutionnaire de Mao Zedong.

Mais au-delà de son talent reconnu de tacticien, Lettow-Vorbeck fit également la preuve durant ces quatre années de guérilla d’une maîtrise parfaite des qualités du chef de guerre que ce soit par sa capacité d’analyse et d’adaptation à une situation mouvante, de gestion de la logistique ou d’application des principes de concentration des moyens contre les points faibles de ses adversaires.

Nicolas L. – Promotion Marc Aurèle

Pour aller plus loin

  • Bernard Lugan, Heia Safari ! Général von Lettow-Vorbeck. Du Kilimanjaro aux combats de Berlin 1914-1920, Bernard Lugan éditions, janvier 2018

https://institut-iliade.com/paul-emil-von-lettow-vorbeck-et-la-guerre-de-brousse-1914-1918/

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