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Le symbolisme du loup 2/4

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[Ci-contre : Hati & Sköll, Kate Redesiuk, 2009]

Comme le vieux cycle, le vieil homme doit “mourir” pour que surgisse l’homme à nouveau à la lumière de la Vérité et d’une nouvelle Connaissance. Ce mythe est également en rapport avec un autre type d’alternance : celui du jour et de la nuit, de mort et de résurgence cycliques du Temps et des saisons. L’hiver qui dévore comme un loup la nature corrompue de l’automne, symbolisé par l’ouest, pour la ressusciter au printemps, symbolisé par l’est.

La Terre des Aurores, qui abrite la Connaissance est la période durant laquelle la Création “meurt’’, mais qui contient les germes d’une vie future, dont le point culminant est le solstice d’hiver (21 décembre), nuit la plus longue de l’année. Le soleil, un moment “vaincu” réapparaît plus fort chaque jour, pour finalement triompher de la nuit. À l’équinoxe de printemps (21 mars), le soleil a définitivement vaincu les ténèbres et le monde connaît une nouvelle efflorescence. L’action cathartique du loup symbolise de ce fait la Création parvenue à son point de rupture et qui n’a d’autre solution que de s’auto-dévorer. Ce processus peut être illustré, entre autre, par le mythe grec de Lycaon, lequel, pour avoir servi à Zeus la chair de son petit-fils Arcas, est transformé en loup par le Dieu. Lycaon représente donc celui qui détruit sa propre chair, tout comme la Création involutive est condamnée à s’autodétruire. Il s’ensuit le déluge de Deucalion, donc la fin d’un cycle.

De-là, l’idée que le loup est l’arme des Dieux pour punir les hommes mauvais, thème qui sera pris par le Christianisme comme l’expose Jérémie : Dieu envoie des loups — et d’autres bêtes sauvages — contre les hommes pécheurs et rebelles à sa volonté et oublieux de leur foi. Dans sa fonction destructrice/régénératrice, le loup est lié non seulement à l’hiver, mais au Nord et à la couleur noire, ce qui revient au même : le Nord et le noir figurant l’indistinction originelle, la materia prima, porteuse des potentialités d’un monde neuf d’où émane la lumière primordiale, par extension tout principe transcendant de nature divine et royale. Il en est ainsi chez les Indo-Européens, les Ouralo-altaïqnes, les Chinois, les Amérindiens et les Précolombiens.

Dans la Grèce pré-chrétienne, le loup est associé au Capricorne, partie du zodiaque correspondant au premier tiers de l’hiver. Mircea Eliade précise : « L’expérience fondamentale est provoquée par la rencontre des affiliés avec les morts qui, surtout aux environs du solstice d’hiver, reviennent sur la terre. L’hiver est aussi la saison où les initiés se transforment en loups ». (…)

Lumineux et psychopompe

Animal ténébreux, le loup est aussi, de par son ambivalence, un symbole lumineux. Mythes et cultes divers l’ont associé à des divinités lumineuses comme Belen, Balder, Amaterasu, Zeus dit Lykaios ou Lukios (à forme de loup) et surtout Apollon, souvent nommé “né du loup”. Dieu porteur de lumière, Apollon est celui qui donne forme et ordre au monde, par la victoire sur la matière chaotique et c’est tout naturellement que son action s’inscrit en parallèle à celle du loup: si celui-ci met fin à la corruption du monde, Apollon, émanation du Principe lumineux et solaire, soumet et canalise positivement les ardeurs destructrices du loup afin qu’elles puissent devenir bénéfiques dès le début de leur manifestation. Ces Dieux-Loups eurent de nombreux lieux de cultes sur la terre grecque, ainsi que le rapportent Pline, Pausanias ou Plutarque. Voir le Lycée d’Athènes ! De ce fait, un grand nombre de cultures ont vu dans le loup le protecteur du soleil dont il guide la marche dans le ciel, celui de l’Étoile polaire, de la Grande et de la Petite Ourse. Grâce à sa faculté de voir la nuit (nyctalopie), de posséder un regard qui perce les ténèbres matérielles et spirituelles, le loup fut toujours perçu comme le gardien du seuil entre le monde des vivants et celui des morts, dont il assume la guidance de l’âme-esprit sur les voies périlleuses de l’outre-tombe. Tous les cultes païens, des plaines amérindiennes à la Sibérie, en passant par l’Europe et le Bassin méditerranéen, ont connu cette spécificité. (…)

Fécondant et nourricier

À ces aspects, le loup ajoute la fécondité, laquelle n’est d’ailleurs pas sans rapport avec l’aspect lumineux de l’animal, celle-ci s’opérant souvent par un rayon de lumière émané du Ciel Cet aspect fécondant concerne d’ailleurs davantage la louve que le loup, lequel, incarnation du principe masculin et actif, est néanmoins toujours présent aux côtés de la louve, représentant elle le principe féminin et passif sous la forme d’un oiseau : l’aigle chez les Amérindiens le pivert martien qui aide la louve allaitant les jumeaux romains, le corbeau — animal apollinien — associé à la Déesse-louve irlandaise Bodb ou Morrigan, etc. Le processus de fécondation est presque toujours le même : une Déesse (Léto enfantant Apollon et Artémis, Rhéa Silvia, Cybèle, Bobd/Morrigan, Hécate) se change en louve avant de se manifester aux humains et d’enfanter des héros ou de futurs fondateurs de peuples ou d’empires. Dans le cas du Merlin celtique, celui-ci fut enfanté par un oiseau, mais aussitôt “baptisé”, donc “reconnu” virilement par l’ermite Bleiz, “loup”, qui pouvait muer en loup et dont le compagnon était un grand loup gris. Comme je l’ai déjà noté, l’aspect fécondant du loup est parfois lié à la lumière ou à la foudre qui ensemence et établit une communication entre le Ciel et la Terre. C’est le cas pour de nombreux conducteurs de peuple, dont l’exemple le plus achevé est Gengis Khan, descendant d’un loup bleu, Börte Tchino, qui se serait accouplé avec une biche. (…)

À suivre

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