S’il fallait un exemple d’une reprise économique dévoyée, malgré la persistance de la crise sanitaire, il suffirait de jeter un œil sur les résultats semestriels des entreprises du CAC 40. De début janvier à fin juin, banques et assurances, constructeurs automobiles et aéronautiques, producteurs d’énergie et équipementiers, laboratoires pharmaceutiques et géants du luxe ont renoué avec de gros profits. Sur toute l’année 2020, ils étaient tombés à 37 milliards d’euros (− 54 %) ; avec quelque 50 milliards de profits pour la seule première moitié de 2021, ils font mieux en six mois seulement.
Mais est-ce que cela va améliorer le quotidien des Français ? Evidemment non et ceux qui s’en sortiront le mieux sont les assistés permanents, parmi lesquels il y a bien sûr la masse pesante des immigrés de tout poil…
Les économistes et les analystes financiers prévoyaient de solides résultats pour les multinationales, dont la santé dépend largement de celle de l’économie globale. Mais leur croissance a été supérieure à celle du produit intérieur brut mondial, confirmant une tendance pré-Covid-19. En 2020, les grandes entreprises avaient résisté au plus fort de la pandémie – avec pour certaines un soutien fort des Etats dans l’aéronautique ou l’automobile – et connu un redémarrage au second semestre.
De nombreux observateurs ont néanmoins été surpris par des profits parfois historiques ou la rapidité du retour à meilleure fortune. C’est le cas de Veolia, en passe de racheter son rival historique Suez, qui a revu ses perspectives 2021 à la hausse ; du géant des équipements électriques Schneider Electric, qui double son résultat (1,6 milliard), ou du numéro un des matériaux de construction Saint-Gobain, grâce à la très bonne tenue du secteur de la construction.
Dans l’industrie, certaines entreprises reviennent de loin, comme Airbus. Il y a un an, l’avionneur européen avait perdu 1,23 milliard au deuxième trimestre, après l’arrêt de ses usines de production lié au confinement général de mars à juin. Il a gagné 2 milliards au premier semestre pour un chiffre d’affaires de 14,2 milliards (+ 70 %) et annonce qu’il livrera plus d’avions que prévu (600) en 2021, portant le résultat opérationnel à 4 milliards. Le motoriste Safran souffre encore. Même s’il note « un début de reprise », il pâtit encore du recul du trafic aérien. Mais rassurez-vous, le monde « d’après » ne sera pas moins fou que le monde « d’avant » en matière de croissance et de fuite en avant. Peut-être même sera-t-il pire !
Dans l’automobile, confrontée au double choc du Covid-19 et de la transition vers l’électrique, Renault a annoncé un bénéfice de 368 millions et une marge opérationnelle de 654 millions (2,8 % du chiffre d’affaires), après une année 2020 désastreuse. Les résultats sont plus brillants encore pour Stellantis, né du mariage de PSA avec Fiat Chrysler. Il a dégagé 5,9 milliards et un taux de marge de 11 %, digne des spécialistes du premium.
Sanofi, qui n’a pas brillé dans la lutte anti-Covid, a aussi revu à la hausse son objectif de bénéfice pour 2021 après l’accélération de son activité au deuxième trimestre, tirée par son médicament vedette Dupixent, utilisé en dermatologie ou pour lutter contre l’asthme sévère, et la division vaccins.
Pour les énergéticiens, la baisse de l’activité économique avait pénalisé le secteur en 2020. EDF, qui ne figure plus au CAC 40, a bénéficié d’un regain de production nucléaire : 4,2 milliards au premier semestre (contre − 701 millions un an plus tôt). En attente d’une réorganisation radicale, ajournée par Emmanuel Macron, l’électricien reste fragile, alors qu’il doit investir massivement dans le nucléaire, les renouvelables et les réseaux. En pleine cession d’une partie de ses activités de services regroupées au sein d’Equans, Engie est aussi revenu dans le vert et table sur 2,5 milliards à 2,7 milliards de profits pour 2021.
C’est la remontée des cours du pétrole (65 dollars en moyenne au premier semestre) qui fait le bonheur de TotalEnergies : le résultat net s’établit à 6,5 milliards de dollars sur le semestre (5,5 milliards d’euros) et son PDG, Patrick Pouyanné, escompte une génération de cash-flow supérieure à 25 milliards de dollars sur 2021, notamment destinée à accroître les dividendes, racheter des actions et poursuivre la diversification dans les énergies renouvelables.
Côté finance, le redémarrage de l’économie profite aussi aux banques. BNP Paribas, premier établissement de crédit de la zone euro, a même réalisé le meilleur résultat trimestriel de son histoire entre avril et juin, et il affiche un bénéfice de 4,7 milliards au premier semestre (+ 30 %). La Société générale, qui se redresse nettement, a dégagé un bénéfice de 2,3 milliards sur le semestre (– 1,6 milliard en 2020). « La Société générale a tourné la page de la crise », se félicite son directeur général, Frédéric Oudéa.
Dès le début de la pandémie, les banquiers avaient dû constituer d’importantes provisions pour faire face à de lourdes pertes en cas de défaillances d’entreprises, dégradant ainsi leurs résultats financiers. La vague de dépôts de bilan a été évitée grâce au soutien financier des pouvoirs publics et ils ont sensiblement réduit ces provisions au dernier semestre. D’où cette hausse vigoureuse des profits, à laquelle participe également une forte activité commerciale.
AXA se remet lui aussi très bien de la crise. Le deuxième assureur européen derrière Allianz affiche un bénéfice de 4 milliards au premier semestre, en hausse de 180 % par rapport à la même période de 2020, même si la pandémie, notamment en raison de la hausse des sinistres, lui a coûté 1,5 milliard en 2020.
Mais le luxe reste le secteur le plus lucratif. Première capitalisation de la place de Paris avec 351 milliards, LVMH ne s’est jamais aussi bien porté. Ses ventes ont explosé, surtout dans la mode et la maroquinerie, portant le bénéfice à 5,3 milliards. « LVMH est en excellente position pour renforcer encore en 2021 son avance sur le marché mondial du luxe », juge Bernard Arnault, le patron du groupe aux « 75 maisons ». Kering a dépassé son niveau d’avant la pandémie, surtout grâce à Gucci, et a multiplié par 2,5 le bénéfice enregistré au premier semestre 2019. L’Oréal a dégagé un milliard et Hermès International a fait, selon ses dirigeants, un semestre « exceptionnel » (1,2 milliard).
Dans ce paysage quasi idyllique, quelques groupes restent néanmoins à la peine, comme Orange. L’Espagne, son deuxième marché après la France, l’a obligé à déprécier 3,7 milliards, entraînant une perte d’exploitation de 1,8 milliard au premier semestre. Le résultat tombe dans le rouge (− 2,6 milliards).
Après un mauvais semestre, la société de services informatiques Atos préfère parler de 2021 comme d’« une année de transition ». Quant à Unibail-Rodamco-Westfield, il a été victime des fermetures des grands centres commerciaux, soit soixante-huit jours de début janvier à fin juin, entraînant une perte de chiffre d’affaires de 26 %. Accor, pour sa part, subit encore le marasme du tourisme, avec des revenus au premier semestre en retrait de 53 % par rapport à la même période de 2019. Mais, rassurez-vous là encore, le tourisme de masse (pourtant si décrié par les écologistes) a de très beaux jours devant lui avec les déconfinements et le festivisme ambiant.
Les entreprises prospères avant la crise le sont donc davantage aujourd’hui, les autres ayant tenu grâce au soutien massif, à travers le dispositif de chômage partiel et les prêts garantis par l’Etat (et malgré quelques escroqueries en la matière). Les hypothèques liées au Covid-19 ne sont pas toutes levées, et d’autres menaces sont apparues dès le début de 2021 : des tensions sur les matières premières et les matériaux entraînant une envolée des prix ; la pénurie de composants stratégiques comme les microprocesseurs, qui pénalise surtout l’automobile ; et le manque de main-d’œuvre qualifiée, qui freine la pleine reprise dans certains secteurs mais seront vite compensés par l’intensification du trafic d’esclaves tous azimuts (https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2021/08/02/contrairement-aux-affirmations-officielles-la-voie-migratoire-libyenne-ne-desemplit-pas/)…
En d’autres termes la très illusoire « théorie du ruissellement« , chère à Emmanuel Macron, n’a guère de chance de se révéler payante pour l’économie et la société françaises puisque plus les riches s’enrichissent et plus les pauvres s’appauvrissent.