Pour entendre La Marseillaise, Roxana Maracineanu avait été contrainte de cibler les sports collectifs. Maillot bleu à son nom, la ministre déléguée aux sports a assisté notamment au premier titre olympique de l’équipe de France de volley-ball. C’était samedi 7 août, à la veille de la cérémonie de clôture des Jeux de Tokyo. C’était moins une, surtout, pour une délégation française en mal de podiums.
Tous sports confondus, la France quitte en effet le Japon à la huitième place des nations, avec 33 médailles (10 en or, 12 en argent et 11 en bronze). Soit 9 de moins qu’à Rio de Janeiro, en 2016. La récolte se situe à peu près au niveau de l’Allemagne, de l’Italie ou des Pays-Bas. Mais à des années-lumière des grandes puissances américaine (113), chinoise (88) ou britannique (65). Loin, également, de l’Australie (46).
Pas de quoi pavoiser mais pas de quoi, non plus, être optimiste quant à la moisson de médailles qui pourrait être faite en 2024, à Paris…
A eux seuls, volley et handball ont apporté trois titres. Les sept autres viennent en majorité du judo et de l’escrime (4 au total), qui permettent à la France d’égaler les dix médailles d’or obtenues à Rio. Un point, c’est tout.
Tous métaux confondus, les judokas tricolores ont ramené huit médailles du Japon. L’une d’elles, en or, aura marqué les esprits : celle de l’épreuve mixte par équipes, remportée en finale contre le Japon. Une belle consolation pour Teddy Riner, qui avait dû se contenter du bronze en individuel. Synonyme de deuxième médaille d’or pour Clarisse Agbegnenou, par ailleurs porte-drapeau à la cérémonie d’ouverture (https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2021/07/08/jeux-olympiques-de-tokyo-2021-la-france-en-dessous-du-niveau-des-paquerettes/).
Les escrimeurs ont traditionnellement confirmé leur rôle de pourvoyeurs de récompenses. Mais, sur les cinq médailles obtenues, le premier titre est venu du bretteur que l’on attendait le moins : Romain Cannone, benjamin de l’équipe, remplaçant présumé. A noter aussi la bonne conduite de la voile (trois médailles), ainsi que les étés dorés du tireur Jean Quiquampoix, des rameurs Matthieu Androdias et Hugo Boucheron – en duo –, ou du karatéka Steven Da Costa. Ce dernier, dont le sport disparaîtra du programme en 2024, aura aussi eu l’honneur de porter le drapeau tricolore à la cérémonie de clôture.
A l’inverse, d’autres sports ont cruellement manqué à l’appel. « Certains grands sports pourvoyeurs de médailles, comme la natation, l’athlétisme, le cyclisme n’ont pas été présents », constate Roxana Maracineanu, elle-même médaillée d’argent en natation, aux Jeux 2000 de Sydney.
Passé de six médailles à une seule, l’athlétisme doit son salut au décathlonien Kevin Mayer, paré d’argent. En cinq ans, la chute de la boxe est vertigineuse : de six médailles à Rio à aucune à Tokyo. Dans le cas du cyclisme et de la natation, la tendance est à la déprime. Seul le revenant Florent Manaudou, dans les bassins, et les pistards ont échappé à la morosité.
Indépendamment de l’abyme financier que seront immanquablement ces jeux (éparpillés dans toute la région parisienne et même au-delà…), quelle stratégie sportive adopter, s’il est encore temps, pour les Jeux 2024 de Paris ? Le Covid-19 ayant décalé d’un an le rendez-vous tokyoïte, il reste à peine trois ans pour y répondre. Et l’on n’en sait encore strictement rien. « Il faut qu’on réussisse les Jeux en ayant des médailles, donc aidez-nous”. C’est déjà le message qu’on a fait passer à Emmanuel Macron. Il a été très réceptif, assurait Brigitte Henriques, fin juillet. Quand on voit l’argent investi par le Japon, l’Angleterre, on a envie de dire qu’il faut aller encore plus loin dans l’accompagnement des athlètes. » Vous l’aurez compris, chez nous, TOUT DEPEND DES POUVOIRS PUBLICS ET, EN PARTICULIER, DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ! C’EST À MOURIR DE RIRE.
Après Tokyo, le drapeau olympique flotte depuis lundi sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris. Pour la capitale, qui n’a pas accueilli les Jeux depuis 1924, mais aussi pour la France qui ne les a organisés que cinq fois depuis leur renaissance en 1894, ce compte à rebours désormais lancé représente un casse-tête incroyable. Mais que diable sommes-nous allés faire dans cette galère où tous les grands pays se sont cassés les dents ?
Coup de projecteur planétaire sur un pays certes prestigieux mais déjà miné par le déclin, adhésion populaire aveugle à une gigantesque machinerie sportive à l’heure du localisme et de la sobriété, promotion militante de la Seine-Saint-Denis, département le plus cosmopolite de France car aussi le plus rongé par les hordes migrantes…
Plus prosaïquement, la réussite des Jeux de Paris suppose surtout que soient menés à bien en temps et en heure les chantiers prévus pour les accueillir dignement, et que les athlètes français y brillent. Or des regrets ou de graves inquiétudes se font jour sur ces deux plans.
Si quelques constructions neuves, comme l’Arena de la porte de La Chapelle, à Paris, ou le village des athlètes et le centre aquatique à Saint-Denis (pour des raisons idéologiques qui s’efforcent de faire la promotion de la Seine-Saint-Denis), sortent de terre dans les temps, le retard pris par le chantier des nouvelles lignes de métro qui doivent desservir Le Bourget a déjà obligé les organisateurs à revoir l’implantation de certaines compétitions et d’un centre de presse. Alors que l’agglomération parisienne piaffe chimériquement pour organiser les Jeux et que la desserte de la banlieue nord par le Grand Paris Express est cruciale pour les habitants, c’est un échec cuisant.(https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2020/09/16/nous-ne-sommes-plus-les-seuls-a-refuser-les-jeux-olympiques-de-2024-a-paris/)
Quant à la moisson de médailles espérée pour la France, elle apparaît comme nous l’avons vu… tout sauf certaine.
D’autant que le triomphe des « sports co » (collectifs) français est l’arbre qui cache la forêt. Les échecs en athlétisme, natation, boxe et cyclisme n’ont pas permis d’atteindre la « quarantaine de médailles » espérée par Emmanuel Macron à l’ouverture de Jeux de Tokyo. Avec 33 récompenses, la France se classe huitième au tableau des médailles, loin derrière la Royaume-Uni – 65 médailles –, qui s’affirme depuis les Jeux de Pékin en 2008 comme la principale puissance olympique européenne. Alors que, précisément, il a quitté l’UE !
Tandis que le modèle sportif britannique privilégie l’élite et les sports pourvoyeurs de médailles, le français donne la priorité à la pratique sportive pour tous. Mais les succès tricolores accumulés dans les sports de salle comme le handball, où la professionnalisation s’est accentuée en France, invitent à la réflexion. A trois ans des Jeux de Paris, il est temps de tirer les enseignements de ce qu’il faut bien considérer comme un échec sportif à Tokyo. Comme il est urgent de revoir le cahier des charges des investissements financiers dans un gouffre à la si brève durée de vie… (https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2017/11/08/jeux-olympiques-de-2024-les-federations-sportives-guignent-lillusoire-pactol/)
Homo Festivus* n’a plus sa place dans le « monde d’après« . Et il serait temps de redevenir raisonnables.
Le 11 août 2021.
Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.
(*) Relire ceci : https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/la-nuit-revee-de-fabrice-luchini-2014-711-philippe-muray-lhomo-festivus-jai-donne-ce-nom-la-a