Les images de l'Afghanistan ont ceci de terrible qu'elles nous renvoient à une récurrence, hélas observable depuis des décennies. Ma génération aura connu celles de l'Indochine après 1954, de l'Algérie en 1962, de la chute de Saigon, livrée au Vietcong par la politique de Kissinger, puis de Phnom Penh conquise par les Khmers rouges en 1975.
À l'époque les gauchistes exultaient. "Les chars des Khmers rouges entrent dans Phnom Penh libérée" titrait joyeusement Le Monde le 17 avril 1975 sur la base de son correspondant Patrice de Beer.(1)⇓
La chute de Kaboul ce 15 août ne doit pas être considérée comme la sortie d'une guerre de 20 ans. Le retrait avait été décidé à Washington dès 2011, sous Obama. Il a été négocié avec les seuls talibans dès 2020 sous Trump. Il aura finalement été bâclé sous Biden, au grand dam du Pentagone et malgré les avertissemnts des militaires, en l'an de grâce 2021. Cela ne restera pas sans conséquences dans le monde entier.
L'Angleterre avait pris une part très substantielle à l'engagement international ripostant au 11 septembre 2001. Elle a toujours été une alliée très proche des États-Unis. Aujourd'hui son secrétaire d’État à la Défense, Ben Wallace, considérant que l’accord de Doha, entre les talibans et l'administration Trump, était un "accord pourri" prévient que "nous allons tous, dans la communauté internationale, en payer probablement les conséquences." Conclusion du conservateur Telegraph : "Le rejet par l'Amérique de son fardeau impérial rend la Grande-Bretagne vulnérable. La défaite humiliante en Afghanistan signifie que nous devons réévaluer nos politiques et nos moyens de défense".(2)⇓
En Allemagne, l'Otan a toujours été considérée comme la pierre angulaire de la politique de défense. Or, les élections législatives détermineront le 26 septembre, non seulement la succession d'Angela Merkel, mais aussi l'équilibre multipartisan et les choix du futur gouvernement. Armin Laschet, candidat conservateur à la chancellerie déplorait ce 16 août la "plus grosse débâcle de l'Otan depuis sa création. C'est, dit-il, un changement d'époque auquel nous sommes confrontés". Aussi "une analyse crue des erreurs sera nécessaire en Allemagne avec les partenaires de l'Alliance et au sein de la communauté internationale".
Déjà on parle de retombées immédiates dans divers pays d'Asie centrale comme le Tadjikistan et l'Ouzbékistan et dans le sous-continent indien, les talibans étant à la fois les affidés de l'école sunnite extrémiste indienne déobandi et les succursalistes du service secret pakistanais ISI.
Bientôt, on verra les groupes terroristes du proche orient, et notamment le Hamas et le Hezbollah, mais aussi les gouvernements islamistes turc et qatari, chercher à se rengorger et à tirer parti, dans leur propagande comme dans leurs actes, de ce qu'ils présenteront à leur tour comme leur propre victoire. Si l'on se remémore la prédication développée par Erdogan à Sainte-Sophie en 2020, la conquête armée reste, dans son esprit, l'essence même de sa légitimité.
Est-ce du "délire islamophobe" que de pointer les déclarations du fondateur de BarakaCity, association dissoute en dépit des protestations de la gauche. Le citoyen Idriss Sihamedi, ami de la Turquie d’Erdogan salue ainsi l’entrée des talibans à Kaboul sur son compte twitter ce 17 août : "Qu’Allah descende sur le peuple Afghan les plus belles richesses, les plus beaux hôpitaux, plus belle." L'emploi bien prude, ce 17 août, pour désigner les talibans dans le quotidien Le Monde, du mot "fondamentalistes" mérite lui aussi d'être remarqué. Il semble bien nous renvoyer une fois de plus au refus, dans le cerveau conditionné des élites occidentales faisandées, de combattre l'islam radical en tant que tel. Le président de la république, en ne parlant lui-même, dans son allocution du 16 août, que du "terrorisme" sert lui aussi une soupe dangereuse : le terrorisme, comme la guerre, est une continuation de la politique par d'autres moyens, et la marche de l'islamisme est une marche politique. Le rôle du politique est de désigner l'ennemi, non de le ménager.
Ah dira-t-on dans cette allocution présidentielle on a entendu la sauvegarde bienvenue de deux préoccupations essentielles, que nous partageons.
Oui, mais.
Autant, d'un côté, il faut dire oui au droit d’asile pour les gens qui ont effectivement servi aux côtés des Français. Cela va sans dire mais cela va encore mieux en le disant. Et cela irait beaucoup mieux encore, si nous étions assurés que le nécessaire est vraiment fait pour ceux qui ont eu le courage et la confiance de s'engager avec l'Armée française. Nous savons trop la fragilité de la parole présidentielle pour la croire sur parole. On la jugera une fois de plus aux actes.
Autant, il faut avoir le courage de dire non à toutes les campagnes larmoyantes en faveur de l’immigration en Europe de tous les autres, ceux qui n'ont rien fait. "Nul n’a droit en sa peau qu’il ne la défende" dit un vieux proverbe. La chute ultrarapide de Kaboul ne peut non plus être tenue pour un accident. Bien entendu la gauche hurle déjà contre toutes les formes de restrictions au laxisme migratoire, promises par Emmanuel Macron. Quand il dit "nous devons anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants", tiendra-t-il ses promesses ?
Il est également absurde, pour ne pas dire obscène, de compter sur un accord avec des pays comme la Turquie et le Pakistan, alliés des talibans, pour gérer avec eux le maintien à distance de ce qu'ils savent être une arme et un instrument de chantage contre nous.
Enfin, l'Europe doit pouvoir, de plus en plus, défendre sa peau elle-même. Et il serait bon que nos dirigeants parisiens et nos commentateurs agréés, au lieu de dénigrer l'allié américain et lui seul, créent enfin les conditions intérieures et se préoccupent des moyens militaires de la sauvegarde du Continent et de nos peuples.
JG Malliarakis
Apostilles
- On se reportera à L'Insolent du 18 juillet 2011 "Les Khmers rouges comme gentils libérateurs" et en particulier à la note numéro 3.⇑
- cf. article de Nick Timothy en date du 15 août "America’s rejection of its imperial burden leaves Britain vulnerable" ⇑
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