Delphine Peiretti-Courtis, toute de Noir vêtue
Ou quand les stéréotypes idéologiques l’emportent sur la raison.
Dans Corps noirs et médecins blancs. La fabrique du préjugé racial, XIXe-XXe siècles, Delphine Peiretti-Courtis opère une plongée orientée au cœur d’archives médicales et scientifiques. Elle y prétend que la science aurait travaillé à inventer une race noire et à forger des préjugés qui perdurent…
Comme nous le disions en titre : « ils ont des yeux et ne voient point« .
En effet, dès le XVIIIe siècle et la découverte de nouveaux peuples, les controverses sont vives entre polygénistes et monogénistes ; les savants cherchant à déterminer s’il y a une seule espèce humaine ou plusieurs. Et ce sont les Lumières, contemporaines de la traite négrière, modèles de nos penseurs contemporains, qui découvrent alors les races et les hiérarchisent. Et tandis que le débat nature-culture fait rage , elles érigent l’homme blanc en un modèle à l’aune duquel les autres peuples sont étudiée et mesurés. Dans ce schéma, les Africains sont peu à peu considérés comme le chaînon manquant entre… l’homme européen et le singe. Les savants observent, mesurent les corps sous tous les angles (crâne, os, cheveux, pilosité, odeur, sexe…) et les dissèquent pour comprendre le mystère de l’autre. Autres temps, autres moeurs !
Delphine Peiretti-Courtis prétend ainsi, dans son ouvrage, que la science a essentialisé les corps, les cultures et les psychologies des peuples étudiés afin de constituer des stéréotypes repris et popularisés par les discours politiques, les manuels scolaires et les dictionnaires, les publicités, les médias et les grandes expositions coloniales. Chez nos penseurs nihilistes, les travaux d’Arthur de Gobineau ne sont jamais très loin…*
Le discours scientifique finirait, d’après l’auteur, par « servir » le projet colonial, se faisant idéologique. Un projet qui n’avait pourtant pas besoin de cet argument pour se mettre en place, tant il était porté par d’autres mobiles. « L’approfondissement des recherches sur la race noire détient une fonction politique et pratique, écrit l’historienne. Il s’agit de connaître la qualité biologique des corps et leur résistance, leur rendement potentiel » ose-t-elle affirmer sans le moindre élément pouvant ressembler à une preuve. Ajoutant même que le but des médecins coloniaux, persuadés de leur « mission civilisatrice », est de préserver la santé de la main-d’œuvre indigène mais aussi de la race blanche et de limiter le métissage qui mettrait en péril le projet colonial.
« Les Noirs, hommes et femmes sans distinctions, seraient “paresseux”, “indolents”, “lubriques”, “sensitifs”, “intempérants” et “insouciants”, pour ne citer que les poncifs les plus fréquents. Ces défauts sont souvent perçus comme inhérents à la nature africaine et par conséquent immuable. » Mais ils ne seraient que des préjugés répandus par les scientifiques (principalement les médecins) pendant plus d’un siècle et demi et que la remise en question de la notion de race après… la Shoah et les avancées de la génétique (quel rapport puis qu’elle ne peut répondre à cette éventuelle question ?) n’auront pas suffi à faire pleinement disparaître, affirme-t-elle.
Alors, madame Peiretti-Courtis, ouvrez enfin les yeux. Regardez et réfléchissez avant d’écrire de telles balivernes. Mais, à défaut, ne manquez pas de lire ceci :
Passez votre chemin…
Le 22 août 2021.
Du Plessis
Corps noirs et médecins blancs. La fabrique du préjugé racial, XIXe-XXe siècles, de Delphine Peiretti-Courtis, La Découverte, 352 pages, 22 euros
(*) Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des races humaines,