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France : le refus de la puissance, par Henri ROURE.

OPINION. On a trop souvent tendance à l’oublier, mais les atouts de la France ne se limitent pas au territoire métropolitain, bien au contraire. Le peuple français a toutes les raisons de rêver de grandeur, même si cette aspiration a été anesthésiée depuis tant d’années par l’impéritie de ses dirigeants et la soumission à l’idéologie néolibérale de l’Union européenne.

À écouter les informations des médias grand public, nous pourrions croire que la France se limite à sa partie européenne. Il est vrai que, depuis des décennies, nos gouvernants vivent sous l’influence d’un eurocentrisme exclusif les amenant à ne connaître que les voisins immédiats de la masse territoriale française la plus importante.

Nombreux parmi ces politiques qui nous gouvernent ignorent que notre principal voisin est le Brésil avec lequel nous partageons une frontière de 730 kilomètres. Ils ignorent également que la France est un des tout premiers producteurs de nickel au monde et que sa superficie n’est pas de 550 000 km2 comme nous pouvons le lire dans quelques documents aussi incertains que catégoriques, mais de 679 796 km2, pour les seules terres émergées, si nous ne prenons pas en compte la Terre Adélie, et 1 111 196 si nous l’incluons. Leur indifférence, leur myopie ou leur ignorance les poussent à ne s’intéresser qu’à un futur économique restreint par une vision géographique aussi étroite que fausse. Ils demeurent aveugles à l’énorme potentiel de développement des près de 12 millions de kilomètres carrés de domaine maritime appartenant exclusivement à notre pays. À cet espace pourraient encore s’ajouter 1 million de kilomètres carrés. Nous sommes ainsi le second empire maritime au monde derrière les États-Unis. Qui le sait ? Ou qui souhaite le clamer ? À ce titre, la France appartient davantage au Pacifique qu’à l’Europe. À l’heure où le centre de gravité de la planète bascule vers l’Asie, il me semble bon de le dire !

En fait, nous possédons tous les droits souverains sur ces espaces maritimes qui nous ont été accordés par la convention de Montego Bay signée le 10 décembre 1982, et entrée en vigueur le 16 novembre 1994, après sa ratification. La France est chez elle dans sa Zone économique exclusive (ZEE). Elle peut donc explorer, développer, exploiter les ressources biologiques et non biologiques des fonds marins et de leur sous-sol. Elle peut y exercer des activités économiques, y produire de l’énergie, y construire des îles artificielles… En bref, elle peut y mener, abstraction faite de la contrainte du milieu, les mêmes activités que sur sa partie émergée. Inévitablement de petits esprits poseront la question suivante : mais à quoi servent ces immensités aquatiques ? La réponse est pourtant évidente. L’avenir du monde, et donc de la France, se trouve à la fois dans l’espace et dans la mer.

Nous savons qu’au-delà de la richesse halieutique, il existe la possibilité d’exploiter les fonds marins recouverts en grande partie de nodules polymétalliques. Il s’agit de petites boules brunâtres de 5 à 10 centimètres de diamètre. Ces concrétions se retrouvent dans les fonds marins entre 4 000 et 6 000 mètres de profondeur. Leur composition comprend des métaux de base comme le fer, le manganèse, le cuivre, le nickel, et le cobalt. Les teneurs sont comparables à celles des ressources terrestres. Les nodules recèlent également des éléments rares comme zirconium, vanadium, germanium, indium, tellure, molybdène et thallium. Argent, fer, silicium, titane, baryum sont aussi présents. Or il est manifeste que les industries nouvelles se révèlent grandes consommatrices de ces métaux. Ces terres et ces métaux rares s’avèrent indispensables à la fabrication de matériels comme les ordinateurs, les robots, les structures d’avions et les modules spatiaux. Ils sont notamment très présents dans les composants informatiques, dans l’électronique, l’environnement nucléaire, le spatial ou encore l’éolien. On sait, l’intérêt que représente le cuivre, qui fait l’objet de vols et de trafics, et son coût. Aujourd’hui, devant les envolées des prix des minerais, leur exploitation est devenue un enjeu stratégique. Ils sont un des éléments constitutifs de la souveraineté et de la puissance.

Le développement de la Chine dans les domaines de pointe n’est pas étranger à cette situation nouvelle. On en prédit une pénurie mondiale alors que la République populaire de Chine possède 40 % des réserves connues. La détention de cette richesse, dans de telles proportions, peut lui conférer une dangereuse position dominante, une véritable hégémonie. Elle sert, naturellement, en priorité son industrie. Aussi cette ressource pourrait devenir un atout considérable pour la France à la condition que les décideurs veuillent bien accepter d’y prêter un regard attentif. Notre pays a ainsi tout intérêt à préserver ses possessions outre-mer pour valoriser ce potentiel minier. L’actuelle menace pesant sur la Nouvelle-Calédonie ne devrait pas être prise avec autant d’indifférence par nos gouvernants. Derrière le mouvement indépendantiste s’agite la Chine qui pourrait succéder à la France sur l’archipel et imposer sa loi prédatrice et renforcer considérablement sa puissance. C’est une évidence, nos DROM-COM, ne reçoivent pas toute l’attention qu’ils méritent. Leur présence dans l’ensemble national pourrait, pourtant, se montrer déterminante à court terme. Près de 3 millions de personnes y habitent. Ce sont des terres, souvent loin de la métropole, qui peuvent porter, au-delà de l’exploitation de la ZEE, une bonne part de l’avenir et de la grandeur de la France.

Dans un passé récent, jusqu’en 1995, des atolls de Polynésie ont ainsi permis de développer notre arsenal nucléaire en accueillant le Centre d’essais atomiques. La Guyane, dont la superficie correspond, à quelques kilomètres carrés près, à celle de l’Autriche, grâce à sa position géographique équatoriale, apparaît de plus en plus comme un centre majeur de lancement d’engins spatiaux. De son sol décolle, en particulier, le lanceur franco-européen Ariane. La Nouvelle-Calédonie, malgré son étrange statut, fait de la France le deuxième producteur au monde de nickel. Les Antilles et la Réunion sont des producteurs de canne à sucre avec tous ses dérivés, de fleurs et de fruits tropicaux. Nouvelle-Calédonie, Martinique, Guadeloupe, Réunion et Polynésie disposent d’un considérable potentiel touristique, à peine ouvert. La Guyane possède une forêt peu exploitée comprenant des essences rares. Plus de 1200 espèces y ont été répertoriées. Elle recèle des ressources aurifères qui seraient les principales au monde. Les forces armées, Gendarmerie et Armée, sont contraintes pour défendre cette richesse, d’y mener de véritables opérations de guerre contre les orpailleurs clandestins, venus pour la plupart du Brésil voisin. La pêche à la crevette y est un complément économique. Du pétrole, en quantité importante, a été découvert, en 2011, au large du département.

À vrai dire la classe politique française ne s’intéresse que très peu à cet espace qui confère pourtant des avantages considérables à notre pays. Une telle attitude est difficilement compréhensible à l’heure où la France, malmenée par toutes sortes de dérives sociales, morales et politiques, est à la recherche d’un nouvel élan. Cette classe politique au pouvoir est incapable de s’échapper de cette structuration de l’esprit qui la soumet à des pensées européistes et atlantistes. Elle est sans doute aussi tributaire d’une sorte d’idée reçue et étriquée qui lui fait considérer l’outre-mer comme un héritage obligé de l’empire colonial ; une sorte de fardeau économique qu’il est difficile d’alléger. Elle se dédouane alors, vis-à-vis de Bruxelles, par la faiblesse des obligations dérogatoires qu’elle croit devoir quémander à l’UE pour ces régions pourtant pleinement françaises. Une fois encore, nous ne pouvons échapper au constat des causes. Outre la responsabilité de dirigeants politiques nationaux aux conceptions obsolètes, l’UE phagocyte notre pays. Elle lui ôte toute possibilité de déployer vers le vaste monde, et par le biais de ces territoires extérieurs au continent européen, mais pleinement français, une énergie renouvelée, son intelligence et ses capacités d’imagination. L’UE écrase tout ce qui pourrait manifester des velléités de dimensionnement autonome de la part des États. La France, une fois encore, paie les frais des abandons de souveraineté qu’elle a concédés au profit de cette organisation internationale qui dénomme ces terres peuplées de citoyens français, des régions « ultrapériphériques » ! Or elles représentent pour la France un formidable atout pour le retour à sa dimension légitime. Pourtant rien n’est fait, par l’État, pour protéger et développer ces parties du territoire national menacées par la dislocation des protections douanières dans le cadre d’un libéralisme débridé.

D’ailleurs, la libéralisation imposée des échanges a lourdement pesé sur leur fragile équilibre socio-économique. À titre d’exemple, les bananes des Antilles, réputées pour leur qualité, ont été pratiquement exclues du marché de l’UE, car concurrencées par les bananes produites à faible coût et de piètres valeurs, en Amérique latine, par les multinationales étatsuniennes. Dans la même trajectoire, l’UE ayant accepté de mettre un terme aux quotas sucriers a provoqué une crise majeure dans des départements où la canne à sucre est presque une monoculture. Alors que ces départements et territoires portent une partie de notre avenir, l’État français, soumis par la faiblesse morale et la carence de caractère de ses dirigeants aux injonctions de l’UE, n’ose prendre les mesures d’exception qui s’imposeraient outre-mer. Elles seraient, en réalité, une sorte d’investissement à moyen terme, dont le rapport pourrait s’avérer considérable. Des investissements de développement, dans le tourisme, l’industrie agroalimentaire, l’exploitation marine et sous-marine, résoudraient un chômage endémique, de l’ordre de 25 à 30 %, dans la plupart des départements et territoires. Le territoire néo-calédonien ayant, lui, un taux de chômage inférieur à celui de la métropole, probablement parce qu’il dispose d’un vaste espace encore à conquérir et un tempérament industrieux dans une partie de sa population. Il pourrait accueillir des citoyens venus d’autres régions de l’ensemble national, tout comme la Guyane pourrait également le faire. La création d’un organisme national dévolu à l’exploitation des océans, à l’instar de ce qu’a été le CEA pour le nucléaire, engerbant les entités existantes et disposant des moyens nécessaires, pourrait s’avérer un formidable stimulateur de développement. Ce n’est, malheureusement, qu’en modifiant fondamentalement son organisation administrative, l’expression de sa démocratie, et en retrouvant la vision de son rôle dans le monde, que la France pourra valoriser ses formidables atouts que lui offre son outre-mer. Il m’apparaît donc urgent que les responsables gouvernementaux réalisent l’impérative nécessité de se séparer de la structure européenne qui ne cesse de brider l’avenir de notre nation et qu’une nouvelle définition des échanges internationaux soit établie sur une base protectrice de nos intérêts. Il s’agirait, sans clore nos frontières, de valoriser et privilégier nos ressources, aussi bien, d’ailleurs, ultramarines que métropolitaines, en imposant, par exemple, à tout pays commerçant avec la France, d’appliquer les mêmes normes et les mêmes obligations sociales. Dans cette hypothèse il faudra revoir, aussi, l’administration de ces départements-régions et territoires, de telle manière qu’en conservant la spécificité de chacun, soit confirmé un lien solide avec la République. Il serait dommageable pour la France de perdre progressivement ces terres d’outre-mer. C’est bien grâce à elles que nous possédons cette immense ZEE qui recèle des richesses dont la planète va massivement avoir besoin.

Notons cependant que notre pays, après avoir mené une dangereuse politique de dégradation de son outil militaire, ne dispose plus d’une flotte suffisante pour assurer la protection de ces vastes étendues marines et sous-marines, pas plus qu’elle ne dispose des effectifs de l’armée de Terre, adaptés et spécialisés, pour assurer sa souveraineté sur ces terres qui lui valent cette richesse. Quant à l’aéronautique navale et à notre armée de l’Air et de l’Espace, elles ne comptent plus suffisamment d’appareils dédiés pour la surveillance de cette immense propriété nationale. Tout est lié ! Pourtant l’enjeu est majeur. Il est autant économique, alimentaire, énergétique que scientifique et géostratégique. La France, présente sur quatre continents — et également sur le continent antarctique grâce aux Terres australes et antarctiques françaises —, dispose de ressources énormes. Elle peut, si elle le veut, exploiter le potentiel énergétique des marées, le solaire, la biomasse marine, les ressources halieutiques, tout comme agricoles, mais aussi toutes les offres géologiques et minières recélées par les fonds marins, notamment au large de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie. L’ensemble de ces productions et matières premières, il s’agit d’un fait notable, stimulerait l’ensemble économique national et pourrait utilement générer un sursaut industriel. Ce potentiel permettrait de réaliser l’indépendance énergétique de nos départements et collectivités d’outre-mer, mais aussi donnerait à nos entreprises des atouts essentiels de compétitivité, ouvrirait de nouveaux marchés, vivifierait grandement l’efficacité industrielle de la France en la mettant en tête du progrès et des innovations structurelles de l’économie.

En effet, les océans qui couvrent 71 % de la superficie de la planète abritent la majorité de la vie sur Terre (50 à 80 % selon les estimations). Ils génèrent plus de 60 % des ensembles écosystémiques qui nous permettent de vivre, à commencer par la production de la majeure partie de l’oxygène que nous respirons. Il est certain que la mer et les fonds marins, statistiquement, représentent la plus grande part des ressources de la planète. Elle doit donc être exploitée avec soin en prenant garde à ne pas ajouter à la pollution actuelle, mais au contraire en cherchant à préserver ce capital où se jouera l’avenir de l’humanité. 28 % de la production de pétrole et 20 % de celle de gaz naturel proviennent déjà de la mer. Les fonds marins pourraient recéler 13 % des réserves de pétrole et 30 % des réserves de gaz naturel non découvertes. Les réserves minières pour quelques métaux, constituées par les nodules polymétalliques, sont estimées à des milliers de tonnes pour le manganèse, bien davantage pour le nickel, tout comme pour le cuivre, ce qui est considérable. La France est ainsi remarquablement placée, à la condition toutefois, que ses gouvernants cessent d’agir en technocrates, simples gestionnaires du quotidien, attentifs aux seules directives bruxelloises et portent, enfin, un regard géopolitique et national aux affaires du monde.

Pour le moment, nous sommes amenés à constater, une fois encore, que face à une analyse objective et en propre du développement, nos responsables, indépendamment de leurs orientations politiques, refusent de penser autrement que par le prisme de l’ultralibéralisme et de ses vecteurs que sont les États-Unis et l’Union européenne. La France est vraiment une grande puissance anesthésiée par l’impéritie et l’aveuglement de sa classe dirigeante. Elle dispose pourtant de tous les atouts de la puissance. Contrairement à l’idée propagée, héritée de la fin de la période coloniale, selon laquelle les départements et territoires d’outre-mer seraient « les danseuses de la République », c’est bien grâce à eux que la France détient un statut planétaire. La France n’est pas européenne, elle est de tous les continents. Il est temps qu’elle reprenne en main sa destinée et accepte pleinement les énormes ressources qui sont les siennes au-delà du territoire métropolitain. Elle doit à nouveau déployer sa vision hors de ces organisations internationales qui l’asservissent et l’empêchent d’exprimer l’universalité de ses talents. Dans la perspective de l’utilisation de cet atout maître, il lui faut, bien sûr, réformer sa structure administrative sur la totalité de son domaine afin de mieux marquer son autorité, investir dans les instruments de souveraineté, mais aussi permettre l’accession au pouvoir de citoyens instruits des affaires du monde.

Disposer d’un vaste territoire n’est pas le seul atout de la France, grande puissance. Armée solide, dissuasion nucléaire, second réseau diplomatique au monde, siège permanent au Conseil de sécurité, francophonie participent à sa puissance potentielle. Ces vecteurs nécessitent développement et mise en valeur. Bien sûr elle est aussi riche d’une économie prospère, mais un PIB n’a jamais été un facteur exclusif de dimension mondiale, contrairement à ce que d’aucuns voudraient nous faire croire. Nous sommes aveuglés par le système capitaliste ultralibéral imposé par les États-Unis classant les pays en fonction du montant, en dollars évidemment, de leur production. Si cette évaluation devait être déterminante, la Chine aurait été la première puissance mondiale dès le XIXe siècle et la Russie serait à un rang géopolitique inférieur à celui de l’Espagne ou de l’Italie. Quant à Israël, il ne ferait absolument pas le poids face à l’Arabie saoudite.

Une puissance est avant tout une ambition. Pour notre pays elle se trouve probablement dans le peuple, sous forme de braises rougeoyantes, mais nullement chez nos dirigeants politiques au patriotisme asthénique. Leur esprit structuré ne voit, depuis la malheureuse et inepte phrase de Giscard d’Estaing, qu’une nation moyenne, dans le pays dont ils sont censés faire fructifier l’héritage. Ils pensent toujours que l’UE est un destin… Aveugles sont-ils aux dangereuses carences, manquements et sournoiseries de cette organisation internationale liée à l’arbitraire Étatsunien et à son relai germanique. Ils persistent et signent dans une vision globalisante et anglosaxonnisée du monde ou tout au moins de l’Occident. C’est une terrible faute à moins que ce soit autre chose voulu en toute conscience ! Or, nous venons de le constater : la France est un vaste empire. Elle dispose encore des moyens de rayonner à nouveau, mais il lui en manque un, la volonté. La piètre qualité des ambitions de nos gouvernants et leur absence de vision géopolitique sont les obstacles majeurs à la résilience de la puissance française.

Source : https://frontpopulaire.fr/

http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2021/08/25/france-le-refus-de-la-puissance-par-henri-roure-6333756.html#more

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