Philippe Gélie
L’Allemagne a voté, mais elle n’a pas – encore – tourné la page de l’ère Merkel. Au coude-à-coude, le social-démocrate Olaf Scholz et le conservateur Armin Laschet ont rivalisé durant la campagne pour incarner l’authentique héritier de la chancelière. A l’arrivé, ils revendiquent tous deux un mandat pour gouverner, mais le mieux placé n’est peut-être pas le dauphin « légitime ».
Il faudra de longues négociations pour mettre sur pied une coalition – possiblement à trois partis, formule inédite depuis les années 1950. La délicate recherche de compromis entre des positions idéologiquement éloignées semble promettre à l’Allemagne une coalition modérée, dans le prolongement des seize années de « merkélisme » – cette méthode qui consiste à arrondir les angles et à défendre les intérêts économiques du pays en le protégeant au maximum des secousses du monde. Les Allemands tiennent à ce confort, qui restera le principal legs de la chancelière. L’alternative serait une instabilité que les pays voisins viendraient vite à regretter. Il est pourtant frappant de voir combien la popularité d’Angela Merkel s’étiole au-delà des frontières de son pays. Les Européens se lassent du perpétuel ronronnement germanique. Ils voudraient voir la première puissance économique du continent prendre davantage de responsabilités dans une compétition internationale de plus en plus aiguë et dangereuse. L’art du compromis trovue ses limites quand il vire à la compromission, avec la Chine pour préserver des contrats d’export ou la Russie pour avoir accès au robinet de gaz.
En attendant de connaître les arbitrages concoctés à Berlin, l’Europe ne doit pas se contenter de gérer les affaires courantes. La France, qui prendra en janvier la présidence de l’UE pour six mois, entend peser à la marge sur les orientations de la future coalition, au risque de subir le reproche d’ingérence. La passivité serait toutefois plus dommageable encore si elle laissait des enjeux cruciaux, comme la défense européenne, à la merci de partis minoritaires outre-Rhin.
Source : Le Figaro 27/09/2021