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Les magistrats vont-ils continuer longtemps à échapper à leurs responsabilités ?

Avec ces gens-là, c’est très simples : JAMAIS RESPONSABLES, JAMAIS COUPABLES. Et pourtant…

Emmanuel Macron a reçu, vendredi soir 24 septembre, les membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour recueillir l’avis qu’il avait demandé le 17 février au sujet de la responsabilité des magistrats et de leur protection. L’institution, chargée de veiller à l’indépendance de l’autorité judiciaire, formule trente propositions, en particulier pour renforcer les préoccupations déontologiques tout au long de la carrière des magistrats, améliorer la détection des manquements disciplinaires et mieux en assurer la sanction. Si cela finit par se faire, ce ne sera pas un luxe!

Un travail salué par Emmanuel Macron, qui souhaitait un débat apaisé sur ce sujet délicat. Plus qu’un symbole, le CSM propose notamment d’intégrer les notions d’indépendance, d’impartialité et d’attention à autrui dans le serment prononcé par tout magistrat avant de prendre son premier poste. Le manque d’attention au justiciable est considéré sans la moindre ambiguïté comme une faute disciplinaire.

Allez, on y croit !

Néanmoins, le chef de l’Etat prétend vouloir aller au-delà de ces propositions, sur le point le plus sensible. Il a interrogé au cours de cette réunion les membres du CSM, composé de magistrats et de non-magistrats, sur la possibilité d’élargir la définition du manquement disciplinaire en s’approchant de la ligne rouge d’une remise en cause de la décision du juge, s’il « viole de façon grave et délibérée » une règle de fond. Actuellement, selon l’alinéa 2 de l’article 43 de la loi organique de 1958 sur le statut de la magistrature, seule la violation grave et délibérée d’une règle de procédure est sanctionnée.

Mais, comme on pouvait s’en douter, l’assemblée plénière du CSM consacre, dans son avis, d’importants développements pour écarter toute réécriture de cet alinéa, dans laquelle elle voit un risque d’atteinte à la sacro-sainte indépendance de l’acte juridictionnel, garantie par la Constitution. L’acte de juger ne peut être contesté que par les voies de recours (appel, cassation). Et encore, un recours remettant en cause une décision de justice n’aboutit jamais à la sanction des magistrats impliqués (ce qui n’est pas le cas pour d’autres professions). Si les interrogations du chef de l’Etat portent sur le cas d’un magistrat qui, de façon répétée, prendrait des décisions contraires au droit, d’autres y voient le risque de pressions qui interdiraient par exemple toute évolution de jurisprudence. Il va pourtant falloir sortir de cette protection abusive des décisions de justice… lorsqu’elles sont injustes ou idéologiquement déterminées.

De son côté, le CSM propose de développer la prévention de la faute disciplinaire en renforçant la culture de l’évaluation professionnelle alors que certaines apparaissent purement formelles. Une rubrique spécifique consacrée à la déontologie serait intégrée à la grille d’évaluation périodique des magistrats par leurs supérieurs. Et, révolution culturelle en perspective, l’institution présidée par Chantal Arens et François Molins, première présidente de la Cour de cassation et procureur général, est disposée à mettre fin à l’absence d’évaluation des hauts magistrats. Il s’agirait de mettre en place des évaluations dites « à 360 degrés », avec un questionnaire adressé aux supérieurs hiérarchiques (s’il y en a), collègues, subordonnés et aux partenaires extérieurs. Du ménage à la Cour de Cassation et au Conseil d’Etat ?

Face au constat du très faible nombre de saisines du CSM par les chefs de cour (premiers présidents de cour d’appel et procureurs généraux), l’idée serait de leur permettre de saisir l’inspection générale de la justice qui dispose, elle, des pouvoirs d’investigation permettant de passer d’un simple soupçon à une mise en cause disciplinaire ou, au contraire, à un classement. Autre faiblesse, il est arrivé que certaines plaintes évoquant des comportements indignes de magistrats ne puissent pas prospérer, faute d’une démonstration suffisamment probante par le justiciable. Il s’agirait donc de permettre aux commissions d’admission des requêtes de pouvoir s’appuyer sur les moyens de l’inspection pour mener des investigations. Un début de commencement de prémices d’une remise en cause du principe de « décision en son âme et conscience » !

Quant aux faits qui ne justifieraient pas une procédure disciplinaire en bonne et due forme, comme une « attitude inappropriée à l’audience », ils pourraient néanmoins donner lieu à un rappel des obligations déontologiques au magistrat concerné. Une sorte de rappel à la loi en lieu et place d’un classement sans suite. Le minimum syndical…

Sur un tout autre terrain, celui de la prévention des conflits d’intérêts, le CSM préconise de soumettre à une instance de régulation la possibilité pour un magistrat de démissionner pour aller dans le privé. Une réponse au problème posé par le cas d’Eric Russo, l’ancien vice-procureur du Parquet national financier, qui a intégré fin 2020 un cabinet d’avocats d’affaires américain dont certains clients auraient maille à partir avec le PNF.

Le président de la République pourrait se prononcer sur la suite qu’il compte donner à ces propositions à l’occasion des prochains Etats généraux de la justice, qu’il lancera officiellement le 18 octobre.

Mais ne rêvons pas. Il y a guère de chance que les choses changent réellement et les raisons en sont nombreuses autant que diverses, laissant toute son actualité à la fameuse sentence de La Fontaine :

« SELON QUE VOUS SEREZ PUISSANT OU MISERABLE…« 

Le 27 septembre 2021. Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.

https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2021/09/27/les-magistrats-vont-ils-continuer-longtemps-a-echapper-a-leurs-responsabilites/

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