Plus chaud SUR TOUTE LA PLANETE
Les archéologues et les historiens, en s’appuyant sur des preuves matérielles et textuelles, soutiennent souvent que l’OCR optimum climatique romain a eu un impact plus large, potentiellement global, en raison des indices suivants :
• Prospérité agricole et expansion : En Europe, en Afrique du Nord et dans certaines parties de l’Asie, la période romaine coïncide avec une expansion agricole notable. Par exemple, la culture de la vigne dans le nord de l’Angleterre (zones aujourd’hui trop froides pour cela) et la production céréalière intensive en Afrique du Nord (le «grenier de Rome») suggèrent des conditions climatiques favorables, potentiellement plus chaudes et humides. Ces observations sont documentées dans des textes romains (par exemple, Pline l’Ancien) et des études archéobotaniques.
• Preuves en Asie : Des fouilles en Chine, notamment sous la dynastie Han (contemporaine de l’Empire romain), montrent des conditions agricoles prospères, associées à des températures plus élevées, comme le suggèrent des études paléoclimatiques locales (Chen et al., 2020). Cela pourrait indiquer que l’OCR s’étendait au-delà de la Méditerranée.
• Témoignages indirects : Dans des régions comme la Mésopotamie ou l’Égypte, les archives historiques et archéologiques montrent une stabilité relative des rendements agricoles, ce qui pourrait être lié à un climat favorable. Certains archéologues interprètent cela comme un signe d’un réchauffement plus large, bien que ces données soient moins quantitatives que les proxys climatiques.
• Mobilité humaine : L’expansion de l’Empire romain et des routes commerciales (comme la Route de la Soie) coïncide avec l’OCR, ce qui pourrait suggérer que des conditions climatiques clémentes ont facilité les migrations, le commerce et les échanges culturels à travers l’Eurasie.
La reconstitution de l’évolution de la température de surface de la mer (SST) au cours des derniers millénaires est complexe en raison de la difficulté d’obtenir des relevés marins de bonne résolution et des nombreuses incertitudes liées aux outils proxy disponibles. À cet égard, la période romaine (1 à 500 apr. J.-C.) a été particulièrement importante pour le développement socioculturel de la région méditerranéenne, tandis que ses caractéristiques climatiques restent incertaines. Nous présentons ici une nouvelle reconstruction de la SST du canal de Sicile, basée sur les rapports Mg/Ca mesurés sur le foraminifère planctonique Globigerinoides ruber. Ce nouvel enregistrement est mis en perspective avec d’autres relevés de SST méditerranéens précédemment publiés pour la mer d’Alboran, le bassin de Minorque et la mer Égée, et comparé à une reconstruction de la température de l’hémisphère nord. L’image la plus solide qui émerge de cette comparaison transméditerranéenne est la persistance régionale d’une phase chaude distincte pendant la période romaine. Cette comparaison d’enregistrements montre systématiquement que la période romaine est la plus chaude des deux derniers millénaires, environ 2°C plus chaude que les valeurs moyennes des derniers siècles pour la Sicile et la Méditerranée occidentale. Après la période romaine, une tendance générale au refroidissement s’est développée dans la région, avec quelques oscillations mineures. Nous émettons l’hypothèse d’un lien potentiel entre cet optimum climatique romain et l’expansion puis le déclin de l’Empire romain.
• L’étude de Margaritelli et al. (2020) indique que les températures de surface de la mer (SST) dans le canal de Sicile étaient environ 2°C plus chaudes que les moyennes des derniers siècles pendant l’OCR. D’autres études, comme Büntgen et al. (2011) en Europe centrale ou Shi et al. (2022) dans l’hémisphère nord, suggèrent des anomalies de température de l’ordre de 0,5 à 2°C.
Les données archéologiques suggèrent effectivement que des changements climatiques significatifs pendant l’Optimum Climatique Romain (OCR, ~250 av. J.-C. à 400 apr. J.-C.) ont pu se produire sur des échelles de temps relativement courtes, comme un siècle, contrairement à l’idée d’un réchauffement lent et graduel souvent dépeinte par les modèles paléoclimatiques.
Les archéologues s’appuient sur des preuves matérielles et textuelles pour identifier des transitions climatiques rapides pendant l’OCR. Voici ce que ces sources suggèrent :
• Prospérité agricole et adaptations rapides :
- En Europe, des indices comme la culture de la vigne dans des régions septentrionales (par exemple, le nord de l’Angleterre) ou l’expansion des oliveraies dans des zones marginales (sud de la Gaule) suggèrent un climat plus chaud et favorable sur des périodes relativement courtes, potentiellement sur un siècle ou moins. Par exemple, des études archéobotaniques (McCormick et al., 2012) montrent une augmentation rapide des cultures méditerranéennes dans des régions autrefois plus froides, ce qui pourrait indiquer une transition climatique en 50 à 100 ans.
- En Afrique du Nord, la région du Maghreb, appelée le «grenier de Rome», a vu une intensification agricole marquée sous l’Empire romain, avec des systèmes d’irrigation sophistiqués et une production céréalière massive. Ces développements, documentés par des fouilles (par exemple, Lepelley, 2001), semblent s’être mis en place rapidement, suggérant des conditions climatiques optimales (plus chaudes et potentiellement plus humides) sur des échelles de temps courtes.
• Témoignages historiques : Les écrits romains, comme ceux de Pline l’Ancien ou Columelle, décrivent des conditions climatiques favorables (étés chauds, hivers doux) qui auraient facilité l’agriculture et le commerce. Ces récits, bien que qualitatifs, suggèrent que des changements climatiques ont pu être perçus sur une ou deux générations, soit environ 50 à 100 ans.
• Expansion socio-économique : L’essor de l’Empire romain, avec la construction de routes, de villes et de réseaux commerciaux (par exemple, la Route de la Soie), coïncide avec l’OCR. Certains archéologues (Harper, 2017) soutiennent que cette prospérité reflète des conditions climatiques stables et chaudes qui se sont établies rapidement, permettant des adaptations sociétales sur un siècle ou moins.
Ces indices archéologiques pointent vers des changements climatiques qui, bien que s’étendant sur plusieurs siècles dans leur ensemble, auraient pu inclure des phases de réchauffement rapide (sur 50 à 100 ans) dans certaines régions, en particulier en Europe et en Afrique du Nord.
Les estimations de la SST à partir du rapport Mg/Ca G.ruber varient de 16,4°C ± 1,5°C à 22,7°C ± 1,5°C avec une valeur moyenne de 19,5°C ± 1,5°C (Fig. 2) ; pour documenter les principales tendances de variabilité [intervalle de confiance (IC) à 95%] dans la reconstruction de la SST, nous avons adopté une approche de Monte Carlo qui utilise une régression non paramétrique (fonction LOESS, voir le paragraphe Matériel et méthodes). La reconstruction de la SST Mg/Ca G.ruber à partir du noyau SW104-ND11 montre une tendance au réchauffement progressif de 6,3°C ± 2,0°C de 3300 avant notre ère (base de la séquence) à 330 de notre ère, au milieu de la période romaine, lorsque les maxima de la SST sont atteints (Fig. 2). Cette tendance au réchauffement à long terme est ponctuée de plusieurs oscillations à court terme d’amplitude et de durée variables (Fig. 2). De la période romaine à 1700 de notre ère, la SST montre un retournement vers une tendance au refroidissement de 4,5°C ± 2,1°C (Fig. 2). L’enregistrement de la SST se termine de 1700 à 2014 de notre ère avec une courte tendance au réchauffement (Fig. 2).
Figure 2
Comparaison dans le domaine temporel des enregistrements SST du canal de Sicile (carotte Mg/Ca G.ruber SW104-ND11, ce travail), de la mer d’Alboran 39, du bassin de Minorque 16, de la mer Égée 40, 41 avec la reconstruction de la température de l’hémisphère nord 42 et l’indice NAO 28. La ligne pointillée épaisse superposée aux données brutes SST de la mer d’Alboran 39 est une moyenne mobile sur 3 points ; la ligne pointillée rouge de l’enregistrement du canal de Sicile (cette étude) représente la courbe lissée à 95% d’intervalle de confiance (simulation de Monte Carlo) et les lignes rouges fines sont les IC à 2,5% et 97,5% de 10 000 réalisations ajustées LOESS des données (voir le paragraphe Matériel et méthodes). Les points noirs sur l’enregistrement du canal de Sicile (courbe bleue) représentent les données analysées et l’ombre bleu clair est l’erreur de propagation. Les bandes grises représentent les principaux événements climatiques documentés dans le bassin méditerranéen et abordés dans le texte (par exemple, la période romaine 62). À proximité de chaque enregistrement de SST se trouvent les points de datation avec les barres d’erreur associées.
Image en taille réelle
Cet enregistrement est comparé à d’autres reconstructions de SST publiées précédemment pour la mer Méditerranée (Fig. 2) : un enregistrement d’alcénone-SST de la mer d’Alboran 39, un enregistrement de pile SST Mg/Ca G.bulloides qui intègre cinq enregistrements Mg/Ca-SST des îles Baléares du Nord 16 et un composite de deux enregistrements d’alcénone-SST de la mer Égée 40, 41. Cette comparaison est complétée par un enregistrement des anomalies de température de l’hémisphère nord 42 et un enregistrement NAO reconstruit 28. Ainsi, les enregistrements SST comparés impliquent différents proxys et étalonnages avec leurs propres incertitudes. Afin de faciliter leur comparaison et d’éliminer les biais potentiels dans la reconstruction absolue de la SST associés aux étalonnages ou méthodes appliqués, nous avons décidé de comparer les enregistrements SST en les transférant dans des enregistrements d’anomalies SST par rapport à une période de référence commune. Considérant que l’intervalle de temps couvert par les enregistrements marins considérés était différent, les anomalies de température (°C) ont été calculées par rapport à la seule période partagée par tous les enregistrements, de 750 avant J.-C. à 1250 après J.-C. (Fig. 3).
Comparaison des enregistrements de SST du canal de Sicile (ligne bleue foncée épaisse, noyau Mg/Ca G. ruber SW104-ND11, ce travail), de la mer d’Alboran 39 (ligne bleue claire épaisse), du bassin de Minorque 16 (ligne rouge épaisse) et de la mer Égée 40, 41 (lignes vertes foncées et claires épaisses) exprimées en anomalies de SST par rapport à la période de référence de 750 avant J.-C. à 1250 après J.-C. (la seule période partagée par tous les enregistrements) afin de mieux comparer l’amplitude des changements à travers la Méditerranée. Les données brutes de SST du canal de Sicile (ligne pointillée bleu foncé, ce travail) sont superposées à la courbe lissée IC à 95% calculée comme le quantile de 2,5% (ligne fine bleu foncé) et de 97,5% (ligne fine bleu foncé) des 10 000 valeurs lissées (voir le paragraphe Matériel et méthodes). L’échelle graduée de SST (°C) se réfère uniquement aux données brutes de SST du canal de Sicile. Les relevés de température de surface de la mer d’Alboran (ligne bleu clair épaisse), du bassin de Minorque (ligne rouge épaisse) et de la mer Égée (lignes vert foncé et vert clair épaisses) sont représentés par une moyenne mobile sur 3 points. Les bandes grises indiquent les principaux événements climatiques documentés dans le bassin méditerranéen et abordés dans le texte (par exemple, la période romaine 62).
Pour une journée normale en France en juin, la température maximale varie naturellement de 15 à 35°C. Même avant 1960, il est tout à fait normal d’observer 5 à 10°C de plus ou de moins que la moyenne sur un jour donné. C’est complètement débile de donner l’écart sans plus.
source : Patrice Gibertie