Zemmour, en rappelant que Les Républicains et auparavant l’UMP dont ils sont issus, sont une trahison du RPR, a évidemment frappé là où ça fait mal. Il l’a fait devant le “Mouvement Conservateur”, la branche “Manif Pour Tous” des Républicains, auparavant “Sens Commun”. La réponse a été dans la ligne d’un parti qui se prétend héritier du gaullisme. Par une manoeuvre interne, on va choisir le candidat en cadenassant la procédure. C’est le Congrès, l’ensemble des militants à jour de cotisation, qui désignera le candidat officiel, parmi ceux qui auront été parrainés par 250 élus. Pas question donc d’une primaire ouverte comme celle qui avait choisi Fillon, ni d’accepter des candidats extérieurs. Surtout pas Zemmour. En revanche, ceux qui avaient quitté LR par opposition à Waucquiez, Bertrand et Pécresse, pourront y participer s’ils le souhaitent.
Le Président des “Hauts de France” qui avait affiché une posture “gaullienne” en se présentant comme un homme devant le peuple, rentrera sans doute au bercail, en bon manoeuvrier politicien et matois qu’il est, tout le contraire d’un gaulliste. Ce grand arrangement pour assurer la survie de l’appareil est un triple aveu qui passera inaperçu aux yeux des militants sincèrement attachés au parti, qui seront mobilisés par le scrutin et ne réfléchiront pas sur le véritable enjeu, le salut d’un pays qui semble s’enfoncer inexorablement dans le déclin et la décadence. Pas le sauvetage d’un parti !
Le premier aveu consiste à dire sans ambages que le parti qui se réclame du gaullisme correspond à ce que de Gaulle méprisait par dessus tout, une féodalité fermée sur ses intérêts, qui fait son petit feu dans sa petite cuisine, bref ce qu’était le parti radical en 1944. LR a perdu les deux tiers de ses adhérents et n’en compte plus guère que 80 000. Zemmour, s’il se présente, le fera selon la volonté du Général, comme un homme devant le Peuple.
Le second aveu touche à l’orientation idéologique des Républicains. Le RPR avait été créé par Jacques Chirac avec une réalité, être son vecteur pour l’Elysée, et une apparence, restaurer un gaullisme patriote et conservateur face au giscardisme, centriste, progressiste et européiste, représenté par l’UDF. C’était l’époque où Marie-France Garraud et Pierre Juillet cornaquaient Chirac en donnant l’illusion qu’il était un homme “de droite”. Celle-ci a subsisté jusqu’en 1988. En 1995, Chirac entrait à l’Elysée par la rive gauche, au son de la fracture sociale. Les RPR conservateurs avaient, comme Pasqua, choisi Balladur ainsi que la plupart des centristes. Puisque la confusion des lignes s’était répandue, assez logiquement, on fédéra les deux grands partis réunis au sein de l’UMP : pas de grande démocratie sans alternance entre deux grandes formations selon le modèle anglo-saxon. Le jeu des courants devait décider lequel dominerait. Non seulement un parti centriste subsista, l’UDI aujourd’hui, mais au sein de l’UMP, les idées modérées, européistes, atlantistes, la social-démocratie s’affichèrent plutôt que le libéral-conservatisme, voire le gaullisme et sa préférence nationale. Sous Sarkozy, “l’Américain” qui détestait le mot “conservateur”, et se contentait de jouer les “durs” pour la galerie, le RPR d’origine était parqué dans une réserve : la “droite populaire”, dont la tête de file est aujourd’hui député européen du RN, Thierry Mariani. LR est ainsi parvenu au degré zéro de l’idéologie. C’est une machine à gagner les élections locales en raison d’assez bons gestionnaires ancrés dans leurs fiefs. Quant aux idées, quand on ne les met pas entre parenthèses par amour du “concret”, c’est-à-dire de toutes les compromissions locales avec les minorités “genrées”, “racialisées”, ou immigrées, elles offrent l’image bigarrée d’un marché où passent les modes sondagières et leur vocabulaire stéréotypé, de l’écologisme au progressisme. Des stands “communautaires”, des lobbies y vendent leur marchandise, LGBT, Franc-Maçonnerie etc… Plus rien à voir avec le gaullisme, c’est-à-dire la priorité de l’intérêt national. Ce fouillis est souvent macro-compatible : les mauvaises langues prétendent que le Congrès de LR aura pour vocation de choisir le premier ministre de Macron réélu. Les candidats de “droite”, Retailleau ou Waucquiez, s’étant retirés, Ciotti ne faisant pas le poids, il subsiste des carriéristes comme l’emberlificoteur de grand talent, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, cette candidate dont le sexe est promu pour cacher l’absence du moindre commencement du début d’une idée, et Michel Barnier qui semble nourrir un destin de Becket, eurolâtre devenant pourfendeur de l’européisme.
Le troisième aveu est celui de l’ambiguïté par rapport à Zemmour. Il n’est pas d’extrême-droite, parce que le dire agacerait ses sympathisants, nombreux au sein du parti, mais, il l’est quand même pour certains caciques. “On ne doit pas l’inviter à la table. Il faut une digue”. Bref, on refait, en plus mou, le coup de la ligne rouge, autour du Front National, compréhensible à l’époque de Jean-Marie Le Pen et de ses “dérapages”, mais devenue stupide dès lors qu’il s’agit de critiquer des thèmes présents au RPR dès l’origine, la préférence nationale, la souveraineté populaire, la fermeté régalienne. Une fois encore, on traque les maladresses d’un homme qui parle beaucoup. Mais la cause de cette tactique est ailleurs. Le RPR n’avait pas eu le courage de l’alliance avec le FN aux élections locales en raison du poids des groupes de pression minoritaires en son sein. A l’époque, il était le plus fort, et la participation au pouvoir aurait affaibli le FN, tandis que certaines de ses idées, légitimes” auraient pu être mises en oeuvre. Les choses sont devenues plus difficiles dès lors qu’en voix, “l’extrême-droite” a pesé dans certains scrutins plus lourd que le centre-droit. Zemmour est à 13% dans les derniers sondages, à un point de Xavier Bertrand et à trois de Marine Le Pen. Le scénario se reproduit avec une double issue qui explique l’ambiguïté de LR : une chance apparaît, que Marine Le Pen ne soit pas au second tour, et que le candidat LR y soit. La maison serait sauvée. Mais un risque se fait jour : que ce soit Zemmour qui soit présent, et c’est pourquoi, il faut désormais qu’il fasse peur. Il faut qu’il prenne des voix au RN mais pas à LR : du gaullisme pur jus !