Rien ne va plus dans les relations franco-algériennes ! Les tensions, sous-jacentes depuis de longs mois, éclatent aujourd’hui au grand jour. Un échec diplomatique cinglant pour Emmanuel Macron qui avait fait de la « réconciliation » avec l’autre rive de la Méditerranée l’une de ses priorités.
En effet, depuis le début de son quinquennat, le président français a voulu œuvrer à une fumeuse « réconciliation mémorielle avec l’Algérie » mais ses reptations lexicales et ses diverses repentances n’ont pas suffi à lui attirer les sympathies algériennes, bien au contraire. Et désormais le torchon brûle entre les deux capitales à la suite des propos présidentiels, tenus jeudi 30 septembre, dénonçant un « système politico-militaire » algérien « fatigué ».
Déjà échaudé par l’annonce de la diminution du nombre de visas accordés à ses ressortissants, le gouvernement algérien s’est évidemment scandalisé de ces « propos irresponsables » représentant une « ingérence inadmissible dans ses affaires intérieures ». En signe de protestation, Alger a rappelé son ambassadeur à Paris et interdit le survol de son espace aérien aux avions militaires français participant à l’opération Barkhane au Mali.
Selon certains observateurs, cette nouvelle crise pourrait entraîner à terme la reconfiguration du paysage stratégique régional, en rapprochant la France du Maroc. Elle marque en tout cas clairement l’échec de la volonté de « réconciliation mémorielle », illustrée notamment par la publication, en janvier, du rapport commandé à l’historien Benjamin Stora.
La haine de la France
La situation est donc très tendue entre les deux pays, rappelant la dernière crise grave, remontant à 2005, quand le Parlement français avait adopté une loi reconnaissant « le rôle positif de la colonisation ». Malgré son abrogation ultérieure, cette loi avait provoqué l’annulation d’un traité d’amitié voulu par le président Jacques Chirac et son homologue algérien Abdelaziz Bouteflika.
On peut d’ailleurs s’interroger sur le fait de savoir s’il n’est pas utopique d’espérer établir des relations apaisées avec un Etat qui fait de la haine de la France et de ses prétendus « crimes coloniaux » l’un des derniers éléments de cohésion nationale.
En effet, le régime algérien semble aujourd’hui à bout de souffle, pour ne pas dire aux abois, et lancé dans une course en avant autoritaire face aux nombreuses difficultés qu’il rencontre (manifestations du Hirak, terrorisme, crise avec le Maroc, parodie d’élections portant à la présidence un homme qui a réuni 99 % des suffrages mais moins de 12 % d’électeurs…).
Dans un tel contexte, les propos d’Emmanuel Macron apparaissent non pas comme un dérapage accidentel, mais au contraire comme des déclarations minutieusement soupesées afin de clairement marquer une prise de distance avec des autorités algériennes décrédibilisées et délégitimées mais prêtes à tout pour maintenir leur pouvoir, allant même jusqu’à envisager un suicidaire confit armé avec le voisin marocain.
Pour une fois, on ne pourra que se féliciter de ce choix du président français. A condition, bien sûr, qu’il ne soit pas qu’une éphémère rodomontade de campagne électorale.
Xavier Eman
Article paru dans Présent daté du 5 octobre 2021