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Agnès de Dunbar (1312 ? – 1369)

Agnès de Dunbar (1312 ? – 1369)

« Of Scotland’s King I haud my house,
I pay him meat and fee,
And I will keep my gude auld house,
while my house will keep me. »

« Du roi d’Écosse je tiens mon foyer,
je lui paie viande et taxe.
Et je protègerai mon foyer,
comme mon foyer me protègera »

Prononcées par Agnès Randolph, ces paroles annoncent d’emblée le caractère déterminé de cette comtesse écossaise. Son surnom de « Black Agnès » viendrait de la couleur corbeau de ses cheveux et de son regard sombre, contrastant avec son teint très pâle.

Agnès est de noble naissance et voit le jour vers 1312 au nord de l’Écosse. Dès son plus jeune âge, la guerre fait partie de son quotidien. En effet, son père, Thomas Randolph, est comte de Moray, neveu et compagnon d’armes du roi d’Écosse Robert the Bruce. La mère d’Agnès, Isabel Stewart, est l’une des filles de John Stewart of Bonkyll. Celui-ci a combattu pour le célèbre William Wallace et est mort en héros durant la bataille de Falkirk, où il commandait les archers écossais. La famille d’Agnès joue donc un rôle actif durant la première guerre d’indépendance de l’Écosse, entre 1296 et 1328.

Lorsqu’elle est en âge de se marier, Agnès épouse Patrick Dunbar, neuvième comte de la March et descendant des anciens comtes de Northumbrie. Durant la première guerre d’indépendance de l’Écosse, ce comte avait préféré soutenir l’Angleterre en hébergeant au château de Dunbar le roi Édouard II et en l’aidant à s’enfuir après sa défaite à Bannockburn en 1314. Il n’empêche que, par cette union, la jeune fille devient Agnès de Dunbar, nouvelle comtesse de la March.

À la mort de Robert the Bruce en 1329, son fils David II est nommé roi d’Écosse à l’âge de cinq ans. En attendant que le jeune souverain soit en âge de gouverner, plusieurs régents se succèdent à la tête de l’Écosse. Toutefois, en 1332, bénéficiant du soutien d’Édouard III, roi d’Angleterre, Édouard Bailliol débarque sur la côte et réclame le titre de roi. Ce dernier, descendant du roi Jean d’Écosse et d’Isabelle de Warenne, est en droit de prétendre au titre de roi. C’est le début de la deuxième guerre d’indépendance écossaise.

Cette fois, Patrick Dunbar choisit le camp écossais. Appelé à combattre contre les Anglais au nord de l’Écosse, il laisse à sa femme la garde du château de Dunbar, seulement occupé par ses suivantes et une poignée de gardes. C’est alors que, menées par le comte de Salisbury William Montagu, les troupes anglaises débarquent à Dunbar le 13 janvier 1338 et mettent le siège devant la forteresse. Le comte de Salisbury est l’un des meilleurs commandants du roi Édouard III : il exige la reddition des occupants du château et leur ordonne de quitter les lieux. C’est mal connaître Agnès de Dunbar…

Durant cinq mois, la comtesse va tenir tête au comte de Salisbury en supportant un siège éprouvant. William Montagu dispose non seulement de 20 000 hommes sous ses ordres, mais également d’engins de siège qu’il n’hésite pas à utiliser. Les mangonneaux, ces lourds engins de siège à contrepoids, pouvant envoyer des pierres de plus de trente kilos sur plus de deux cents mètres, causent des dommages importants sur les remparts du château. L’historien écossais Andrew de Wyntoun raconte que la comtesse, accompagnée de sa ou de ses suivantes s’amusait à narguer les troupes ennemies en allant épousseter les impacts laissés par les boulets à l’aide de son foulard.

Ne parvenant pas à s’emparer de la forteresse par la force, William Montagu change de tactique en décidant d’employer la ruse à deux reprises. C’est ainsi que La Chronique de Lanercost, rédigée entre 1338 et 1346, rapporte la tentative de chantage réalisée par le commandant anglais : il menaça de tuer le frère d’Agnès, John Randolph si elle persistait à ne pas se rendre. Le texte raconte qu’Agnès aurait plaisanté au nez de William Montagu en arguant qu’il pouvait bien mener sa menace à exécution, puisque cela lui permettrait d’hériter des biens de son frère s’il venait à disparaître. C’est un nouvel échec pour le comte de Salisbury.

En désespoir de cause, William Montagu tente de corrompre l’un des gardes de la forteresse contre monnaies sonnantes et trébuchantes. Le garde accepte l’argent, mais prévient la comtesse de l’arrivée imminente des troupes ennemies dans la cour du château. Ne se doutant pas que leur plan d’attaque était déjà connu de la châtelaine, le commandant franchit l’entrée de la forteresse avec ses troupes, tombant ainsi dans un guet-apens tendu par Agnès. Il parvient à s’échapper de justesse et quelques soldats anglais sont fait prisonniers par la comtesse. Pour finir, le comte de Salisbury tente de couper tous les axes de communications menant au château, privant les occupants de Dunbar de tout approvisionnement. Peine perdue, puisqu’Agnès tient bon et voit arriver les renforts menés par son allié, Ramsay de Dalhousie. Finalement, le 10 juin 1338, William Montagu s’avoue vaincu et lève le siège du château de Dunbar, laissant Agnès et les siens victorieux.

La légende s’est emparée de cet épisode, faisant du comte de Salisbury l’admirateur follement épris de cette fougueuse Écossaise. Aujourd’hui, le château de Dunbar n’est plus qu’une ruine près de laquelle il est encore possible de se promener. Difficile d’imaginer que cet ancien site ait pu être l’une des plus puissantes forteresses d’Écosse, mesurant cinquante mètres d’est en ouest et soixante-quatre mètres du nord au sud. Cela n’empêche pas le promeneur d’imaginer les troupes anglaises quittant ce château et reprenant en chœur cette chanson inventée par William Montagu :

“She makes a stir in tower and trench,
That brawling, boisterous, Scottish wench;

Came I early, came I late.

I found Agnes at the gate.”

« Elle fait grand bruit à la tour et à la tranchée,
Cette tapageuse et bagarreuse  jeune Écossaise;
Que je vinsse tôt ou arrivasse tard
Toujours à la porte trouvai-je Agnès ! »

Anne-Sophie B. — Promotion Léonidas

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